La proposition de loi de Michelle Meunier destinée à améliorer la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance arrive au terme de son processus législatif puisqu’elle est passée en troisième lecture devant le Sénat ce 18 février 2016. Il y a un an, nous faisions le point sur les enjeux  de cette loi et les débats souvent virulents qui traversent depuis des années la problématique de la protection de l’enfance. Voici l’article paru le 28 janvier 2015 sur le blog Enfances en France

Ce 28 janvier 2O15, à partir de 8h30, la proposition de loi de Michelle Meunier sur la protection de l’enfance devrait de nouveau être débattue au Sénat. Les discussions ont débuté le 11 décembre 2014. Ces premiers échanges ont permis d’entrer immédiatement dans le vif du sujet : l’éventuelle modification de l’article 350 permettant de déclarer judiciairement l’abandon d’un enfant, et le recours facilité à l’adoption simple.
Oui, le vif du sujet, parce que depuis une quinzaine d’années, ces deux questions alimentent rapports et propositions de loi, autant de textes qui, à chaque fois, qu’ils soient institutionnels ou politiques, de droite ou de gauche, vont dans le même sens: développer le recours à la déclaration judiciaire d’abandon pour permettre à des mineurs placés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE), et considérés comme délaissés, de bénéficier du statut protecteur de pupille de l’Etat, puis, éventuellement d’une adoption par une autre famille. En clair : cesser de condamner ces enfants à grandir dans les foyers de l’ASE en leur offrant une deuxième famille. Or ces préconisations qui se répètent obstinément, rapport après rapport, rencontrent à chaque fois les mêmes réticences.

Le même débat depuis 15 ans

Disons le en préambule : pour un observateur extérieur (un journaliste par exemple), c’est assez déconcertant. Le scénario est immuable. Un rapport prône l’accélération des procédures d’abandon et d’adoption, la levée de boucliers est immédiate, et finalement rien ne bouge. Etrange sensation de mouvement, ou plutôt de surplace, perpétuel. On entend bien les avertissements quant à la complexité du sujet, les mises en garde contre le systématisme, le souci de défendre des familles malmenées par la vie et de ne pas les briser davantage. Mais chez l’observateur extérieur, cet espèce de candide, le doute s’insinue : pourquoi l’article 350 ferait-il l’objet de tant de projets ou propositions de loi, débattus ou pas (Martinez en 2004, Morano en 2009, et maintenant Meunier), de tant de rapports (Colombani, IGAS, Académie de Médecine, Tabarot pour l’Assemblée nationale, Conseil supérieur de l’adoption, Gouttenoire) qui vont tous dans le même sens (que la déclaration d’abandon soit davantage utilisée, et plus vite), pourquoi transcenderait-il les clivages politiques si ce n’était parce que le problème est bien réel ? Les auteurs de ces rapports et propositions de loi successifs ne sortent pas de leur chapeau les constats sur lesquels ils s’appuient. Ils auditionnent des professionnels, des acteurs de terrain, tout aussi légitimes que les autres (les leveurs de boucliers), tout aussi fondés à faire part de leur expérience et de leur expertise, et dont il n’y a à priori pas de raison de penser qu’ils ne soient pas, eux aussi, soucieux du bonheur ou de «l’intérêt supérieur » des enfants.

Au coeur de la loi Meunier: le délaissement de l’enfant plutôt que le désintérêt des parents

L’article 350, donc. C’est en vertu de ce texte, dont la première version a été promulguée en 1966, qu’un enfant confié à l’aide sociale à l’enfance (ASE) est déclaré « abandonné » par ses parents, pour ensuite accéder au statut de pupille de l’état, être adoptable, et éventuellement adopté. L’abandon est prononcé par le juge qui doit établir que les parents de cet enfant se sont « manifestement désintéressés » de lui pendant au moins une année. L’article 350 a déjà fait l’objet de plusieurs modifications. La dernière, en 2005, a conduit à la suppression de la notion de « grande détresse », exception introduite en 1996. Evoquer la situation de grande détresse des parents revenait à se positionner de leur point de vue, à ne plus faire primer « l’intérêt de l’enfant », mais aussi à vider l’article de loi de son sens. Les parents qui se désintéressent de leur enfant au point d’être visés par une déclaration d’abandon sont en effet, presque toujours, en situation de grande détresse.

Avec sa proposition de loi actuellement débattue, Michelle Meunier souhaite l’abroger et remplacer la notion de « désintérêt manifeste» par celle de « délaissement parental ». Le délaissement est plus facile à définir, à identifier et à constater que le désintérêt, abstention par défaut, plus sujet à l’interprétation. Rechercher le désintérêt positionne le curseur du côté des parents alors que la recherche du délaissement  met en lumière le vécu de l’enfant. 
L’article 350 ouvre la porte à la rupture des liens entre un enfant et sa famille biologique. Ouvre la porte seulement car une fois l’abandon prononcé, encore faut-il que l’enfant soit placé en vue d’une adoption plénière pour que cette rupture devienne effective et définitive (et encore, ce n’est pas inévitable). Pour être adopté, un enfant doit obligatoirement bénéficier au préalable du statut de pupille de l’Etat mais tout pupille de l’Etat n’est pas forcément adoptable ou adopté.

La loi du 5 mars 2007 et les injonctions paradoxales

La déclaration judiciaire d’abandon n’en demeure pas moins perçue par les travailleurs sociaux comme une mesure radicale, irréversible, à utiliser en tout dernier recours. Elle leur apparaît comme totalement contraire à la philosophie dans laquelle s’inscrivent tous les acteurs de la protection de l’enfance, celle inspirée par le rapport Bianco-Lamy de 1980 qui remettait les familles au centre du dispositif, celle entérinée par la loi du 5 mars 2007, qui pose comme un préalable le partenariat avec les parents, les mieux à mêmes d’élever leur enfant. L’objectif assigné aux travailleurs sociaux est de protéger les enfants en essayant au maximum de les maintenir dans le cadre familial ou en mettant tout en œuvre pour conserver un lien parents-enfant lorsque ce dernier est retiré du foyer.

«La loi de 2007 pose qu’envers et contre tout il faut maintenir le lien, même symbolique, confirme Magalie Scaramuzzino, responsable du pôle « protection de l’enfance » à la Fondation des Apprentis d’Auteuil. Je n’ai jamais croisé un professionnel souhaitant recourir à une déclaration d’abandon.» Pour nombre de travailleurs sociaux, saisir le juge pour une déclaration d’abandon, ce n’est pas réclamer une mesure de protection (le statut de pupilles de l’état), c’est reconnaître un échec. 900 déclarations d’abandon en 1980, plus de 300 en 1995, un peu plus de 150 aujourd’hui, les chiffres parlent d’eux mêmes.  Une décrue dont il faudrait se réjouir, selon Jean-Pierre Rosenczveig, ancien Président du tribunal pour enfants de Bobigny, incontournable sur la question. La baisse continue du nombre de pupilles de l’Etat serait une bonne nouvelle, le signe d’un progrès et de la réussite des actions de raccommodage du lien parents-enfant menées par l’institution.
Ce point de vue est néanmoins de plus en plus contesté, notamment dans ce texte (Dalloz, 2013) de Pascale Salvage-Gerest, Professeur à l’université Mendès-France de Grenoble, moins optimiste que l’emblématique juge de Bobigny: «si notre pays s’enorgueillit depuis longtemps de voir le nombre de ses pupilles de l’Etat décroître régulièrement, la loi du 4 juillet 2005 aura été l’occasion de montrer que ce n’est pas une victoire si ceux qui ne bénéficient pas de ce statut ne sont pas pour autant intégrés dans une structure familiale décente, mais demeurent, pendant toute leur minorité, ballottés de famille d’accueil en famille d’accueil ou de foyer en foyer, dans le cadre d’une délégation de l’autorité parentale ou d’une tutelle départementale qui ne leur assure ni un présent convenable, ni un avenir prometteur

La Défenseure des Enfants, Geneviève Avenard, à qui nous avons posé la question, est sur la même ligne : « Nous partageons bien, et le déplorons, le constat de la « sous-utilisation » de l’article 350. En effet de nombreux enfants pris en charge au titre de la protection de l’enfance n’accèdent pas aujourd’hui de ce fait à un statut et à un projet de vie stable sur la durée. Nous sommes donc favorables à une modification du texte permettant de le rendre plus effectif, à chaque fois que l’intérêt de l’enfant concerné le commande
Pourtant, dès que le débat est relancé, la même critique indignée revient : les partisans de la déclaration d’abandon sont accusés de vouloir constituer des viviers d’enfants adoptables, au bénéfice des très nombreux candidats à l’adoption, et au détriment des familles biologiques, précaires et incapables de se défendre. C’est le Lady Bird de Ken Loach, la fameuse une de Libération « Ces pauvres auxquels on vole leurs enfants ». Cette dénonciation d’une captation des enfants fusa lors du projet de loi présenté par Nadine Morano en 2009 (jamais débattu). Puis lors du rapport rendu par Michèle Tabarot en février 2012. Jean-Pierre Rosenczveig l’a reformulée dans un texte récent (octobre 2014) co-écrit avec Claude Roméo, dénonçant « des mesures radicales visant à rompre plus systématiquement les liens de l’enfant accueilli en institution ou en famille avec sa famille biologique pour lui garantir l’accès à une autre famille sachant que nombre de personnes –cela tombe bien !- sont elles même en recherche de l’enfant qu’elles n’ont pas pu avoir naturellement.»

Enfants délaissés : pas de chiffres, pas de consensus

La question au centre des débats n’est pas tant celle des candidats à l’adoption en mal d’enfants que celle, à l’autre bout de la chaîne, des « enfants délaissés », ces mineurs pris en charge par l’ASE, qui ne font l’objet d’aucun projet de vie, dont les parents se désintéressent  et dont le placement est reconduit année après année. Des jeunes qui arrivent tout petits à l’ASE, passent de foyers en famille d’accueil jusqu’à leurs 18 ans, dont on sait très vite qu’ils ne retourneront jamais chez leurs parents. «Si je n’ai jamais entendu de professionnel se prononcer pour une déclaration d’abandon, il n’est en revanche pas rare d’accueillir des enfants dont on sait dès le départ qu’il n’y aura pas de retour possible dans la famille, reconnaît Magalie Scaramuzzino. Pour autant le lien existe et est maintenu. La question du retour auprès des parents ne peut pas être la porte d’entrée de la décision finale. »

Tous les travailleurs sociaux ont pu constater que certaines familles, même avec des aides, des étayages, des accompagnements, à cause d’un déficit intellectuel, de problèmes psychiques, d’addictions, d’un dénuement matériel, et en général de la combinaison de plusieurs facteurs de risque, ne seront jamais en mesure d’élever les bébés qu’elles mettent au monde. Et pour certaines d’entre elles, il leur est ensuite impossible, malgré les incitations, de maintenir le lien avec l’enfant lorsqu’il a été retiré du foyer.   Le placement est reconduit, une fois, deux fois, trois fois. Un jour cet enfant a 18 ans et on se demande si une autre solution n’aurait pas été possible que celle d’un placement ininterrompu, dans une famille d’accueil (qui peut être aimante et porteuse de résilience… ou pas) ou un foyer de l’ASE (qui peut être un lieu d’accueil sécurisant et structurant…ou pas). 

Ce sont ces enfants là, à la fois placés et délaissés (les deux ne vont pas forcément de paire) qui justifient la foison de rapports et textes de loi de ces dernières années. Le problème, c’est qu’on ignore combien ils sont. Or ce qui n’est pas mesuré n’existe pas ou existe trop. Des centaines ou des milliers d’enfants délaissés, quelques rares exceptions incompressibles ou au contraire des histoires trop récurrentes ? On ne sait pas. Jean-Pierre Rosenczveig estime qu’ils constituent une toute petite minorité, que la plupart des mineurs placés le sont de façon transitoire ou vont alterner placement à l’extérieur du foyer et retour au domicile. Le rapport de l’IGAS de 2009 pointait cette réalité : pour chaque tranche d’âge le nombre d’enfants accueillis par l’ASE est toujours supérieur au nombre d’enfants restitués à leurs parents. Conclusion : beaucoup d’enfants grandissent en effet à l’ASE. Lors d’un colloque organisé pour rendre publiques les 40 propositions du rapport d’Adeline Gouttenoire commandé par Dominique Bertinotti, ancienne Ministre de la Famille, les participants ont parlé de chiffres «accablants » : 30% des enfants confiés à l’ASE ne retourneraient jamais dans leur famille. « Ca fait trop longtemps qu’on tourne autour du pot », avait lâché l’un des contributeurs du rapport.

Les auteurs du plaidoyer pour l’adoption nationale, des professionnels de terrain, estiment que 8 à 10% des enfants placés (soit 10.000 à 12.000 enfants) seraient dans une situation de délaissement. Dans un rapport publié en 2009, la Cour des Comptes dressait également un tableau plutôt sombre : « Le parcours des enfants protégés, retracé dans leur dossier est souvent long et chaotique. Il est fréquemment marqué par une succession de prises en charge émaillées de ruptures qui s’ajoutent aux séparations familiales initiales. Ces ruptures qui traduisent à la fois les difficultés propres du jeune, l’épuisement des structures sollicitées et l’incapacité à trouver une nouvelle solution adaptée, sont lourdes de conséquences.»

Le repérage précoce du délaissement, un oxymore ?

Ce gâchis humain est dénoncé par les partisans d’une modification de l’article 350, qui s’alarment de la longueur des procédures une fois qu’elles sont lancées et de la « perte de chance » des enfants potentiellement concernés. La plupart des rares mineurs bénéficiant du statut de pupille à la suite d’une déclaration d’abandon sont en moyenne âgés de plus de cinq ans et bien des enfants deviennent pupilles après l’âge de 10 ans. A l’échelle d’un enfant et de son développement psychique, cinq, huit ou dix ans, c’est énorme. Plus un enfant est grand, plus l’arrivée dans une famille d’adoption peut se révéler complexe. Que de temps perdu, déplorent ces professionnels, qui réclament l’élaboration d’un référentiel sur la notion de délaissement parental pour déceler les facteurs d’alerte, l’identifier le plus tôt possible et intervenir rapidement. Une demande d’ailleurs relayée par la Défenseure des enfants.
La proposition de loi actuellement discutée suggère ainsi la création de comités pluridisciplinaires dans chaque département, chargés d’étudier tous les six mois, pour les enfants de moins de deux ans, les projets de vie élaborés pour eux, afin de pouvoir changer d’orientation le plus vite possible en cas d’impasse. Ces réajustements rapides proposés dans l’intérêt d’enfants très jeunes, dont l’élaboration psychique se joue là, maintenant, ne correspondent en revanche pas au temps des parents, des adultes souvent perdus, en butte à de graves difficultés socio-économiques. Agir vite ne fait dès lors pas l’unanimité. « Dans ce secteur nous savons très bien que des parents peuvent ne pas se manifester pendant six mois ou un an et reprendre contact tout à coup, explique Magalie Scaramuzzino, chez les Apprentis d’Auteuil. Les enfants s’inscrivent d’abord dans une histoire familiale, si compliquée soit-elle. Il faut donc réfléchir à la façon d’accueillir ces enfants sur le long terme, à ce qui va permettre un attachement secure.»» C’est toute la question. Faut-il laisser du temps au temps pour permettre aux parents de se ressaisir sachant que l’enfant, lui, a besoin de réponses rapides et que plus il est jeune, plus il a de chances d’être accueilli dans une nouvelle famille ? Le délaissement étant un processus qui prend son sens sur la durée, est-il vraiment possible de le repérer précocement ? 
Depuis 10 ans, la ligne de fracture semble n’avoir pas bougé. Tout le monde milite pour une sécurisation des parcours de ces enfants placés sur le long terme. Mais le désaccord est total quant aux moyens à utiliser. D’un côté ceux qui défendent la stabilité au sein de placements longs pour ne pas compromettre «’histoire familiale », de l’autre ceux qui souhaitent sortir ces enfants de l’ASE en leur offrant une nouvelle filiation.

Sortir de du débat binaire maintien/rupture du lien grâce à l’adoption simple

Un changement est tout de même survenu ces dernières années, avec le fait que les seconds rejoignent les premiers sur un point : il est préférable de ne pas totalement couper un enfant de sa famille biologique, sauf exception. Dans nos sociétés occidentales, les individus ont besoin de savoir d’où ils viennent, d’avoir accès à leurs origines, à leur histoire, pour se construire. La bouleversante souffrance des enfants nés sous X ou même par insémination artificielle avec donneur anonyme en atteste. Décider de séparer définitivement un enfant de ses parents biologiques, de lui offrir une nouvelle famille mais dans le même temps effacer son état civil, revient à l’exposer à cette blessure et à ce manque existentiel. Pour autant rien n’oblige de gommer la famille d’origine lorsqu’on propose un nouvel apparentement à un enfant. Rien n’interdit de multiplier les parentés et les parentalités. Mais aujourd’hui rien n’y incite vraiment non plus. Depuis plusieurs années, l’adoption simple est l’une des pistes les plus évoquées pour sortir de l’impasse du lien biologique et résoudre cette quadrature du cercle : permettre à un enfant de grandir dans une famille adoptive sans l’amputer de ses origines.

Dans le cadre d’une adoption simple, contrairement à l’adoption plénière, un mineur conserve son état civil et ses droits héréditaires. L’adoption simple est pour le moment très peu utilisée en protection de l’enfance, notamment parce qu’elle s’inscrit dans un régime fiscal spécifique et assez discriminatoire mais aussi parce qu’elle est révocable et constitue une insécurité pour des enfants déjà très fragilisés. La proposition de loi de Michelle Meunier ambitionnait donc initialement de remanier le dispositif de l’adoption simple pour l’adapter aux besoins de ces enfants et sécuriser leur parcours.

Notons que certains départements n’ont pas attendu une nouvelle loi pour tenter des expérimentations et proposer du sur-mesure. Une représentante du Conseil Général de l’Ain expliquait l’année dernière lors du colloque organisé par Adeline Gouttenoire comment elle faisait du « cousu main » : « Nous procédons à des adoptions plénières avec un maintien du lien avec la famille biologique, nous faisons des adoptions simples sans maintien du lien. Nous avons des familles avec un agrément pour l’adoption qui acceptent que l’enfant ne soit éventuellement adoptable qu’à sa majorité ». Notons aussi que l’adoption ne convient pas à tous les enfants et qu’il s’agit d’une mesure de protection parmi d’autres (délégation d’autorité parentale à un tiers, parrainage) et que le statut de pupille de l’Etat est un préalable mais peut aussi être une finalité. Il n’en demeure pas moins que l’adoption simple, qui permet à l’enfant de s’inscrire de nouveau dans une famille et d’en être un élément constitutif, semble susciter un vif intérêt chez de nombreux professionnels.

Le grand bond en arrière du 11 décembre 2014

Petit récapitulatif. En 2013, Dominique Bertinotti effectue plusieurs déplacements auprès des professionnels de la protection de l’enfance au cours desquels elle manifeste sa vive préoccupation au sujet des enfants délaissés, rejoignant en cela les positions défendues avant elle par des ministres et des parlementaires de droite et laissant donc penser qu’un consensus est en train d’émerger. En février 2014, Adeline Gouttenoire remet ses « 40 propositions pour adapter la protection de l’enfance et l’adoption aux réalités d’aujourd’hui » et enfonce le clou au sujet de la sous-utilisation de l’article 350. Puis les deux Sénatrices Muguette Dini et Michelle Meunier présentent à leur tour un rapport reprenant certaines des propositions d’Adeline Gouttenoire.

En juillet 2014 Laurence Rossignol, actuelle secrétaire d’Etat à la Famille (devenue depuis Ministre de la famille, de l’enfance et du droit des femmes)  initie une large concertation qui doit se poursuivre jusqu’en mai 2015. En septembre 2014, la proposition de loi de Michelle Meunier (Muguette Dini, entre-temps, ne s’est pas représentée) avec l’introduction de la notion de « délaissement parental » et les modifications de l’adoption simple est enregistrée à la présidence du Sénat.
Et le 11 décembre dernier, premier jour des débats devant le Sénat pour la loi Meunier, on assiste à un incroyable retour à la case départ. Surprise… Le texte de Michelle Meunier a été considérablement amendé, et dénaturé, lors de son passage devant la commission des lois. L’article 18 relatif à la déclaration judiciaire d’abandon a même apparaître la notion « d’abstention volontaire » de la part des parents. Il s’agit là d’« une façon subreptice de revenir à la notion de grande détresse » signale Alain Milon le président de la commission des affaires sociales. Jusqu’à présent, l’article 350 imposait que le désintérêt des parents soit « manifeste » pour déclarer un abandon mais pas qu’il soit « volontaire ». La jurisprudence avait certes fait entrer cette notion d’intentionnalité mais elle n’était pas inscrite dans la loi. La commission des lois a souhaité qu’elle le soit.

Il s’agit donc d’une volonté appuyée de prendre en compte les difficultés rencontrées par les parents. C’est très louable, certainement, mais on est bien loin des tentatives qui émergeaient de déplacer le curseur du côté de l’enfant et de se baser sur le délaissement par lui subi. Quant aux articles sur l’adoption simple, ils ont purement et simplement disparu, les deux commissions « estimant que de telles modifications ne pouvaient être éventuellement envisagées que dans le cadre d’une réforme plus globale de l’adoption ». Tout ça pour ça.

Samedi dernier, le 24 janvier, Laurence Rossignol, vient clore le forum du Collectif « Construire ensemble la politique de l’Enfant ». Elle évoque la protection de l’Enfance et lâche: « il faut trouver comment mettre l’enfant, autant que ses parents, au centre de cette question ». Ou encore: « Il faut d’abord chercher à protéger l’enfant et à lui assurer un environnement affectif stable, et ensuite chercher à restaurer une autorité parentale défaillante. »

Le deuxième round a lieu ce 28 janvier 2015, devant le Sénat.