Le rapport, très attendu, de Michèle Peyron, dédié à la PMI, vient d’être remis à Adrien Taquet, le secrétaire d’Etat en charge de la protection de l’enfance. Ce dernier a de son côté annoncé vendredi matin une contractualisation avec des départements volontaires, une réflexion sur une nouvelle répartition des missions entre médecins et puéricultrices et sur un éventuel transfert des missions d’agrément des modes d’accueil.

Le rapport que la députée de Seine-et-Marne Michèle Peyron vient de remettre à Adrien Taquet jette une lumière crue sur l’état de la Protection Maternelle et Infantile et livre un constat sans appel, celui «d’une crise majeure de la protection maternelle et infantile dans notre pays ». « Non seulement la France désinvestit dans la PMI – à rebours de la priorité donnée à la prévention par la Stratégie Nationale de Santé (SNS) 2018-2022 – mais la PMI est menacée d’un « effet falaise » avec une perte massive de mémoire et de transmission ». Deux tiers des médecins de PMI atteindront en effet l’âge de la retraite d’ici 2020. Michèle Peyron prédit qu’ « Au fil de l’eau, et sans un sursaut des pouvoirs publics, la poursuite des évolutions observées pourrait aboutir à une extinction de la PMI dans la majorité des départements d’ici une décennie. »

Une baisse de moyens à rebours des besoins et d’un consensus international sur l’utilité de la prévention

Or, la députée l’assure : «la PMI constitue un levier de prévention adapté pour réduire les inégalités sociales de santé ». « La plus-value de la PMI réside dans une triple accessibilité géographique (plus de 5000 points de consultation), financière (gratuité) et administrative (absence de formalités, accueil inconditionnel, capacité à « aller vers » à travers les visites à domicile) ». Son rapport pointe les disparités territoriales, avec une dépense annuelle par enfant de moins de 6 ans variant de moins de 1 € à plus de 300 € selon les départements. Les évolutions chiffrées sont accablantes : en 1995, près de 900 000 enfants avaient été vus en consultation de PMI, représentant 2,7 millions d’examens alors qu’en 2016, l’activité ne s’élève plus qu’à 550 000 consultants (1,49 million d’examen), soit une baisse de -45 %. Les visites à domicile infantiles par des infirmières puéricultrices ont vu leur nombre presque divisé par 2 en 25 ans. La PMI couvre environ 6 % des besoins en termes d’entretien prénatal précoce. Le bilan de santé en école maternelle se maintient avec un taux de couverture national de 70 % mais des écarts de 10 % à 98% selon les départements.
Michèle Peyron constate donc une réduction des moyens dévolus à la prévention « alors même que les évolutions sociétales en cours auraient plutôt nécessité de les renforcer (demande accrue de soutien à la parentalité, augmentation de la pauvreté, augmentation des troubles du comportement, familles migrantes sans couverture sociale etc.) ».
Elle déplore également la substitution des mission de prévention « prévenante » par des visites relevant de l’urgence sociale, la gestion des informations préoccupantes absorbant environ 10 % du temps des équipes. « Au total, pose le rapport, 30 % à 40 % des moyens humains sont donc « dérivés » du cœur de métier préventif de la PMI, obligeant les équipes à pratiquer un hyper-ciblage sur les publics les plus vulnérables et les enfants les plus jeunes.» C’est bien ce qui remontait du terrain depuis de nombreuses années: la multiplication des missions confiées à la PMI, à moyens constants, et donc une dilution de l’action préventive, avec très certainement une perte de sens pour les professionnels concernés.

Pour l’Agence des Nouvelles Interventions Sociales et de Santé, qui souligne de longue date le rôle essentiel de la PMI dans la prévention des inégalités sociales de santé, “le rapport de Michèle Peyron constitue un véritable apport en décrivant de manière très détaillée la situation actuelle de la PMI, ce que les derniers rapports IGAS n’avaient pas su faire”.

Mobiliser l’assurance maladie pour atteindre des objectifs socles

Parmi les 20 propositions formulées par la mission, on trouve cette nouvelle répartition de la charge financière : « aux départements, sur leurs ressources propres (dotations et fiscalité), la charge de financer l’ensemble des missions de PMI ayant trait aux modes de garde, à la protection de l’enfance, au soutien à la parentalité ; à l’Assurance Maladie, via la cotation (nouvelle) des actes des infirmières puéricultrices et un fonds national, la responsabilité de financeur et de gestion du risque : remboursement des actes des médecins, des sages-femmes, des infirmières puéricultrices de PMI, financement des bilans de santé en école maternelle, financement d’actions de prévention sur objectifs, remboursement des vaccins achetés par les PMI ».
La mission propose des objectifs socles qui doivent « allier une approche universelle (pour le bilan de santé) et un universalisme proportionné (pour les consultations et les visites à domicile infantiles)» :
– 80 % minimum des enfants de maternelle (3-4 ans) bénéficiant d’un bilan de santé gratuit d’ici 2022 (contre 70 % aujourd’hui). Michèle Peyron préconise la généralisation d’un bilan de santé gratuit « M’ta santé » en moyenne section de maternelle, réalisé par une infirmière puéricultrice de PMI, financé par l’Assurance Maladie, avec la présence des parents et un contenu harmonisé
– 20 % des examens obligatoires des 0-6 ans couverts par la PMI (contre 13 % aujourd’hui) ;
– 20 % des enfants de 0-3 ans bénéficiant de visites à domicile par une infirmière puéricultrice de PMI ;
– 20 % des femmes enceintes bénéficiant d’un entretien prénatal précoce par un professionnel de PMI ;
– 20 % des femmes enceintes bénéficiant de visites à domicile intensives par une sage-femme de PMI ;
– 100 % des femmes ayant accès à une IVG médicamenteuse dans un rayon de 50 km par rapport à leur domicile

S’appuyer sur les infirmières puéricultrices

Le rapport met à l’honneur une profession phare de la PMI, les infirmières puéricultrices. La députée souhaite ainsi l’introduction dans la nomenclature des actes, des actes de prévention des infirmières puéricultrices de PMI, qui ont vocation à être cotés et remboursés par l’Assurance Maladie. Une proposition qui réjouit l’Association Nationale des Puéricultrices Diplômées et Etudiantes qui l’avait portée dans son livre blanc. “Ces dispositions vont permettre de reconnaître et de valoriser un travail déjà effectué sur le terrain par les puéricultrices mais aussi de faire appel aux infirmières puéricultrices en libéral“, commente Charles Eury, Président de l’ANPDE. Du côté de l’ANISS, Thomas Saïas, en charge de la direction scientifique, lui aussi plutôt satisfait, pose quelques jalons :  “Il faudra veiller à ce que toutes les réponses ne soient pas uniquement structurelles. Nos récentes recherches montrent que les compétences des professionnels en matière de prévention sont très inégales. Cette notion de compétence doit être prise en compte dans la mise en œuvre des solutions, de manière à ce que ces dernières ne soient pas trop plaquées. Il faut repenser la prévention dans un continuum de formation initiale et continue et former les professionnels dans ce sens, sur le long terme.”

Michèle Peyron propose également la création d’une prime de lutte contre les inégalités territoriales de santé de 300 €/mois pour les jeunes médecins afin de renforcer l’attractivité de la PMI et l’expérimentation du transfert aux CAF des missions « modes de garde », sans transfert d’effectifs.

Des annonces après la remise du rapport

Dans la foulée, Adrien Taquet a annoncé vendredi matin un partenariat pour soutenir la PMI, sous la forme d’une contractualisation avec les départements volontaires. Il a précisé que cette contractualisation portera sur des objectifs de santé publique qui viendront remplacer les normes actuelles de la PMI, « devenues obsolètes ». Parmi ces objectifs de santé publique figureront notamment la réalisation des bilans de santé en école maternelle ainsi que le nombre de consultations pré et post natales à domicile. La répartition des missions entre médecins et infirmières puéricultrices sera “retravaillée dans le cadre d’un nouveau protocole national de coopération inscrit dans la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, pour faciliter notamment les délégations de missions“. Enfin, le ministère des solidarités et de la santé a missionné l’Inspection générale des affaires sociales “afin de revoir en profondeur la mission d’agrément des modes de garde collectifs et des assistantes maternelles et afin d’envisager les conditions de son transfert éventuel afin de permettre aux PMI de recentrer leurs missions sur la santé de l’enfant et l’accompagnement des parents“. Adrien Taquet souhaite en tous cas que la PMI devienne “une composante essentielle du parcours des 1000 premiers jours de la vie de l’enfant“. Le secrétaire d’Etat a en effet repris cette notion des 1000 jours, inspiré du concept de l’origine développementale de la santé et des maladies (DOHaD), pour penser un parcours de santé et de prévention cohérent pour les parents et leurs jeunes enfants.