Il existe d’indéniables liens entre la défaveur sociale, les difficultés comportementales et émotionnelles précoces des enfants et leurs difficultés scolaires ultérieures. C’est ce que souligne cette étude publiée en mars 2017 par la Early Intervention Foundation, fondation anglaise, effectuée à partir d’une cohorte d’enfants nés en 1970. 

Pour pouvoir analyser la reproductions des difficultés de génération en génération et donc des inégalités, les travaux réalisés à partir de la « British cohort study » cherchent à comprendre les liens entre la survenue de troubles du comportement précoces et les difficultés cognitives ultérieures d’une part, et entre le statut socio-économique de la famille et les difficultés comportementales d’autre part. Cette étude a été publiée par la Early Intervention Foundation qui constitue un des neuf “what works centers” britanniques.
Les auteurs montrent qu’il existe bien une prévalence plus forte de problèmes émotionnels et comportementaux chez les enfants de milieu défavorisé. D’après leurs résultats, ce sont des différences au niveau du bien-être maternel et du niveau d’éducation des parents qui expliquent en grande partie le différentiel de développement des enfants pauvres. Ce sont les facteurs associés à la précarité économique (stress et dépression de la mère, moindre niveau d’études des parents notamment), plus que la précarité économique elle-même, qui conduisent à un gradient social en matière de développement émotionnel et de comportement.

Le niveau d’instruction des parents, facteur clé pour le développement de l’enfant

Il semble ainsi qu’un faible bien-être psychologique maternel ait des répercussions beaucoup plus massives pour les enfants des familles en grande précarité que pour les autres. Les facteurs associés à un haut niveau de revenus semblent protéger les enfants des risques de la dépression maternelle tandis que les facteurs associés à la précarité semblent au contraire augmenter ces risques. La plus faible prévalence de troubles émotionnels et comportementaux chez les enfants de parents plus instruits s’explique notamment par le fait que ces parents adoptent des pratiques parentales plus adaptées, mettent en place un environnement plus stimulant et interagissent mieux avec l’enfant. Dire que les enfants de milieu défavorisé présentent davantage de troubles précoces et de difficultés cognitives un peu plus tard ne relève pas d’un stigmatisation mais de la réalité la plus crue.

Il existe un fort lien entre les problèmes émotionnels et comportementaux à l’âge de 5 ans et les difficultés cognitives et scolaires à 10 et 16 ans. Le niveau d’éducation parental et le bien-être maternel expliquent à eux seuls la moitié de cette corrélation. Si les problèmes de comportements détectés à 5 ans sont encore présents à 10 ans, alors le risque est fort que les difficultés cognitives soient présentes à 16 ans. En revanche, si les problèmes sont réglés avant l’âge de dix ans alors ils n’auront pas d’incidence sur les performances cognitives à 16 ans. Le haut niveau d’éducation des parents est fortement associé avec de très bonnes performances cognitives de l’enfant.
Les auteurs décrivent une longue chaîne : le faible niveau d’éducation des parents et la fragilité psychologique de la mère conduisent à davantage de problèmes émotionnels et comportementaux dans la petite enfance. Ces difficultés émotionnelles et comportementales à 5 ans produisent à 10 ans des troubles similaires ainsi que des faibles performances cognitives à 10 ans,qui à leur tour aboutissent à de faibles scores à 16 ans. Ces facteurs de risque présentent donc des conséquences à long terme s’ils ne sont pas identifiés et contrés rapidement à travers des interventions de soutien.

Briser la chaîne de la reproduction par des interventions ciblées

Pour les auteurs, ces travaux plaident pour des interventions précoces qui devront cibler le bien-être maternel et le comportement des enfants, dans les milieux défavorisés. « Assumant que les relations que nous avons mises en exergue sont réellement causales, posent les auteurs, alors nos résultats suggèrent que les programmes ciblant les familles à faibles revenus – programmes qui améliorent le bien-être maternel, le comportement de l’enfant et ses apprentissages cognitifs précoces- pourraient annuler la plupart des disparités socio-économiques dans le développement des enfants. » Ils proposent la mise en place de services ciblés pour les plus démunis, au sein de systèmes locaux universels. Prendre ces données en compte constitue pour eux la meilleure façon de promouvoir la mobilité sociale et de briser le cycle intergénérationnel des inégalités.