Des couples, des photos et l’amour en plus
Date
3 mai, 2016
Catégorie
Familles
Auteur
Gaëlle Guernalec-Levy
Photo/Illustration
Hélène Alice www.helenealice.com

Depuis 25 ans, c’est à dire bien avant que cela ne devienne une mode, Hélène Alice photographie des couples juste avant la naissance de leur bébé. Et juste après. Ce moment où naît -ou se transforme- une famille la fascine. Elle publie aujourd’hui un livre émouvant aux éditions du Souffle d’Or. Une étape, en rien une conclusion, car Hélène est bien décidée à poursuivre son travail.

« Si ma maison brûlait je n’emmènerais qu’une chose : les photos d’Hélène. Et leur grâce folle ».
Sacré compliment… Formulé par Romane Bohringer. La comédienne et la photographe, Hélène Alice, se sont rencontrées un jour de 2008 dans une rue du 11ème arrondissement parisien, alors que la première arborait le ventre très rond de son huitième mois de grossesse et que la seconde traquait justement les femmes enceintes pour immortaliser cette période si particulière de leur vie.
Hélène a lâché sont téléphone pour convaincre Romane Bohringer de participer à ce projet de toute une vie en acceptant de poser avec son conjoint avant la naissance puis avec le bébé. Romane et Philippe font donc partie des 470 couples qui, depuis 25 ans, ont accepté de se prêter au jeu. Aujourd’hui une petite trentaine d’entre eux sont à découvrir dans le très joli livre « …Et puis te voilà » qui vient de paraître aux éditions Le Souffle d’or. La photographe propose aussi régulièrement de découvrir ces clichés lors d’expositions à travers la France.

Des couples qui s’exposent dans ce moment suspendu où le ventre maternel permet toutes les projections, tous les désirs, tous les possibles puis qui posent de nouveau lorsque le bébé rêvé est devenu réalité. Des hommes et des femmes qui attendent leur premier enfant ou le quatrième, des couples métissés, des couples homosexuels, des femmes seules, pas mal d’artistes, et un milieu social qu’on devine assez uniforme, classe moyenne aisée, en tous cas milieu éduqué. « Ce n’est pas forcément un choix, assure Hélène Alice. Ce filtre socio-économique et culturel, dont j’essaie de sortir, est dû en partie au fait que je travaille sur la notion de naissance respectée. La majorité des couples photographiés ont fait ce choix là, celui d’un projet de naissance, d’un accompagnement global, voire d’un accouchement à domicile.» Ce qui n’a rien d’un hasard. La première femme enceinte passée devant l’objectif de la photographe n’est autre que sa sœur qui choisira d’accoucher chez elle. «J’étais présente, j’ai pris une claque. C’est le début de mon questionnement sur la naissance

Des sages-femmes portées sur l’haptonomie ou l’ostéopathie, en tous cas sur le respect de la physiologie, sont invitées à s’exprimer dans le livre. L’une d’entre elles, Elisa Boillot, dit ainsi : « C’est la beauté des âmes reliées et libres que l’on découvre sous son objectif ». Au fil des pages on lit même un court texte de Michel Odent, célèbre gynécologue-obstétricien, iconoclaste, très engagé, qui en son temps milita pour les maisons de naissance et instaura l’accouchement en piscine. Depuis 25 ans qu’elle immortalise les ventres ronds, Hélène Alice a vu les comportements évoluer. « Je vois davantage de familles qui font le choix d’un accouchement moins médicalisé dès le premier enfant. Avant c’était pour les naissances suivantes quand la première naissance avait été traumatisante. J’y vois l’effet d’Internet, les couples sont plus informés. Ils savent de mieux en mieux se donner toutes les chances, même si ça reste du cas par cas. »

Morgane avec OliveElle estime que les femmes « reprennent leur pouvoir». « Elles sont davantage capables de dire ce qu’elles veulent ou pas. Pas de péridurale mais la présence du père en cas de césarienne. Il y a quelque années, la grossesse et la naissance étaient des territoires abandonnés par le féminisme, déchiré par des clivages internes. Cela dit on le voit encore avec l’allaitement et les débats qu’il suscite. Je fais beaucoup de photos d’allaitement. Pas pour revendiquer quelque chose, juste pour témoigner.»

Si les femmes se réapproprient la naissance en refusant de plus en plus la surmédicalisation (enfin, dans certains milieux), les hommes eux aussi ont changé. « Les hommes s’offrent un accès à leur paternité.S’ils le peuvent ils vont aux séances de préparation, ils sont beaucoup plus présents à l’accouchement. Cela s’inscrit dans une tendance plus générale d’hommes plus à l’écoute de leurs émotions. Lorsque je vais photographier les couples, je leur propose de répondre à un petit questionnaire, comme une interro surprise. Il y a dix ans les pères restaient souvent sans voix, ils ne trouvaient rien à dire. Aujourd’hui c’est plus facile, ils explorent les univers de la transformation. Parfois ils fondent en larmes. »
Des extraits de ces réponses des futurs ou nouveaux parents, prises sur le vif, viennent accompagner les photographies. Hélène Alice raconte que pour certains, ces séances photo et les conversations qui les ont ponctuées ont eu valeur de « photo-thérapie ».
Si les clichés sont volontairement gais, enlevés, pétillants, les histoires qui les précèdent ne le sont pas toujours. Il ne s’agit pas d’occulter ces réalités, juste de savourer l’instant, le bonheur présent, intense, miraculeux.

 

A noter:

  • jeudi 12 mai : fête de sortie du livre à Paris au SUPER Café 17h-21h (16 Rue de Fontarabie, 75020 Paris)
    inscription conseillée ici
  • vendredi 13 et samedi 14 mai : la photographe sera présente sur le stand des éditions du Souffle d’Or aux Journées des Doulas (MAS – Maison des Associations de Solidarité 10-18 rue des Terres au Curé Paris 13e)