Intéressante expérience menée au Texas : augmenter le niveau de connaissances des parents, y compris les moins éduqués, en matière de développement de l’enfant, à partir d’une bande-dessinée.

Comment rendre accessibles à des populations peu éduquées des informations médicales plus ou moins complexes ? En s’appuyant par exemple sur la bande-dessinée. Une équipe du Centre des études scientifiques en Santé de l’Université Tech du Texas a mené une expérience plutôt concluante avec des parents essentiellement latino-américains (résultats publiés dans Frontiers en Juillet 2018). 280 familles avec un bébé âgé de moins de 9 mois ont été incluses dans le protocole, recrutées dans les salles d’attente de 3 cliniques pédiatriques. Un questionnaire à choix multiple leur a été soumis, relatif au développement de l’enfant à 9 mois (motricité, langage, compétences intellectuelles et sociales). Parmi les 8 questions, on trouvait celles-ci : « A 9 mois un bébé peut attraper un petit objet avec une main », « A 9 mois, un bébé peut manger un gâteau sec salé ou un cookie », « A 9 mois un bébé peut marcher en se tenant à un meuble ». Les parents devaient répondre « vrai », « faux » ou « je ne sais pas ». Une bande-dessinée mettant en scène un jeune père et son bébé de 9 mois, racontant où un bébé de cet âge en est de son développement et prodiguant quelques recommandations, a ensuite été remise aux parents. Quatre à six semaines plus tard, les parents ont été soumis au même questionnaire, par téléphone.

Les informations distillées par la bande-dessinée sont des compilations des données diffusées par les sociétés savantes, dont la Société Américaine de Pédiatrie. L’histoire met en scène un père laissé seul avec son bébé et qui décide de filmer les exploits de l’enfant pour la maman. Le ton est très humoristique avec un bébé qui répond aux stimulations alors que le père n’est pas forcément prêt à filmer. A la fin de la BD quelques conseils de sécurité sont délivrés. L’intention est clairement de modéliser les comportements du bébé et les réactions des parents pour proposer un support d’apprentissage par l’observation et l’exemple. Le texte était disponible en anglais et en espagnol.

Une augmentation du niveau de connaissances

Sur les 280 parents participants au départ, 243 ont pu être recontactés pour le deuxième questionnaire. 97% des parents participants avaient l’espagnol pour langue maternelle, 49,9% ont répondu en anglais et 26,3% ont poursuivi des études au-delà du secondaire. Le nombre de réponses correctes a augmenté de façon significative entre le pré-test et le test, chez les anglophones comme les hispanophones. Quasiment tous les parents ont indiqué avoir utilisé l’information reçue. 47% d’entre eux pour évoquer le sujet du développement de l’enfant avec un ami, 12% pour appeler leur pédiatre en raison d’une interrogation sur un possible retard de développement de leur enfant, 56% pour partager la BD avec un proche.
Les chercheurs concluent qu’une majorité de parents qui ont participé ont partagé la BD avec des proches ou des amis, ont tiré des enseignements de l’histoire racontée, ont profité de ce support pour entamé une discussion avec leur médecin. Ces résultats montreraient donc qu’il existe des modèles de communication non conventionnels efficaces. La bande-dessinée peut être considérée comme l’un d’eux.

Diminuer les inégalités d’accès à l’information

Les auteurs insistent sur la dimension centrale de leurs travaux : « Une déficience dans la compréhension des informations de santé peut être due, en grande partie, à la façon inadéquate dont l’information est transmise. Cette inadéquation est particulièrement préjudiciable à ceux qui sont confrontés à des barrières en matière de communication. La communication en santé et en prévention est mise au défi par les inégalités et disparités subies par ceux qui ont le plus besoin d’un message éducatif et préventif efficace. Spécifiquement les populations dont la littératie réduite, la faible éducation ou les compétences langagières limitées réduisent les opportunités de bénéficier des messages traditionnels en matière d’éducation à la santé. Malgré la large gamme de supports développés pour informer les individus confrontés à des inégalités de santé, le message est souvent incompris et l’apprentissage est entravé voire inexistant. Les approches traditionnelles en la matière ont échoué en raison d’une délivrance inefficace du message. »

Les auteurs s’appuient également sur la théorie de l’apprentissage social de Bandura. Selon Bandura, c’est grâce à l’observation des comportements d’autrui que l’être humain peut encoder des modèles qui lui permettent ensuite de répondre aux situations qu’il rencontre. Il semble que l’histoire et les personnages de cette BD aient permis aux parents participants de comprendre l’information, de se l’approprier, de modéliser des comportements et, encore plus fort, de se faire les vecteurs de ces modèles. Pour les auteurs, l’élément le plus intéressant de l’étude tient dans le fait que les parents qui ont tiré des enseignements de la BD ont ensuite disséminé l’information autour d’eux, permettant un effet d’apprentissage partagé.