Jean-Michel Blanquer a confirmé ce 29 août les orientations qui s’étaient dessinées ces derniers jours. La priorité est donnée aux fondamentaux (lire, écrire, compter, respecter autrui), à la recherche de méthodes efficaces et étayées, à la détection précoce des difficultés et à l’évaluation. Ce dernier sujet se révèle toujours aussi sensible.

Lutter précocement contre la difficulté scolaire (en assurant que 100% des enfants maîtrisent les fondamentaux à l’issue de l’école élémentaire), s’appuyer sur la recherche, évaluer. Les intentions et références de Jean-Michel Blanquer, nouveau ministre de l’Education nationale, sont apparues encore plus clairement à l’occasion de sa conférence de presse de rentrée. Dans le dossier de presse il est question de la  « mise à disposition d’outils pédagogiques efficaces », de détection précoce des difficultés et d’évaluations,  un programme anglo-saxon standadisé de réduction des inégalités scolaires (le Perry Preschool project) est mentionné ainsi que le programme français PARLER de Michel Zorman (le dispositif qui a précédé PARLER bambin). Le souhait de s’appuyer sur des données probantes est patent.

Focus sur l’apprentissage de la lecture

Comme avec la préconisation d’un « enseignement explicite, progressif et structuré ». Concernant l’apprentissage de la lecture, ces recommandations rejoignent celles émises lors de la dernière conférence de consensus sur le sujet organisée par le CNESCO. De son côté le ministère propose un « travail régulier sur le vocabulaire, la découverte du principe alphabétique, l’écoute, la compréhension de textes lus par l’adulte et la manipulation de livres qui développent l’intérêt et le plaisir de l’enfant pour la lecture. » « Au CP, des exercices répétés de décodage et le travail sur le sens et la compréhension des textes sont au cœur de l’enseignement de la lecture. La lecture en classe est quotidienne, individuelle et collective, en silence et à voix haute, pour les apprentissages et pour le plaisir ; elle s’articule avec l’écriture, l’écoute, la parole. »
Le Ministre estime que c’est bien en maternelle que ce prépare cet apprentissage et insiste sur la « maternelle, école du langage », une conviction qui ne suscitera probablement pas d’opposition. De même les annonces concernant l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap (développement de l’information aux familles, plus de 8000 postes créés pour accompagner les élèves concernés, l’ambition d’accueillir davantage d’enfants souffrant d’un trouble du spectre autistique) prêtent peu à la polémique.

Le retour très contesté des évaluations

La mise en place d’évaluations à l’entrée du CP (une première) et en sixième a en revanche d’ores-et-déjà provoqué quelques remous. « À la rentrée 2017, des évaluations diagnostiques seront organisées pour les élèves de CP, dans toutes les écoles de France, explique le Ministère. Elles ont pour ambition d’offrir aux enseignants une base solide et utile pour connaître l’état des connaissances et le savoir-faire de chaque élève. Elles permettront de choisir les meilleurs outils d’enseignement et les stratégies pédagogiques pour les faire progresser. Les inspecteurs de l’éducation nationale (IEN) disposeront des résultats des évaluations pour mettre en place les actions de formation et d’accompagnement adaptées et destinées à répondre, au plus près du terrain, aux besoins des élèves. » Plusieurs syndicats ont contesté l’opportunité de ces tests qui seraient générateurs de stress pour les jeunes élèves et leur famille, leur contenu même (les exercices, tous à l’écrit, ne seraient pas adaptés à des élèves si jeunes) et leur finalité. Ils craignent en effet la pression mise sur les enseignants ou une mise en concurrence des établissements. Le Ministère assure de son côté que les résultats des CP resteront au niveau de l’académie et que ceux des élèves de sixième seront anonymisés.

Pour Franck Ramus, directeur de recherches au CNRS, spécialiste du développement cognitif de l’enfant et de ses troubles, qui plaide régulièrement pour une “éducation fondée sur des preuves”, ces évaluations constituent au contraire une heureuse initiative . «Des évaluations nationales (idéalement à tous les niveaux), c’est essentiel. Pour la recherche, bien sûr, mais aussi tout simplement pour le ministère. Comment peut-on imaginer diriger une énorme machine comme l’éducation nationale, sans rien savoir de précis sur les acquis des élèves à chaque niveau, et sur l’évolution de ces acquis dans le temps ?»

Le chercheur estime que les enseignants y trouveront également leur compte. «Ce serait utile pour eux d’avoir un retour sur le niveau de leurs élèves, objectif et indépendant de leur propres observations, et qui leur permette de voir comment ils se situent par rapport à la distribution nationale des résultats. De la même façon, on en sait beaucoup trop peu sur les pratiques enseignantes, qui devraient être observées, sondées beaucoup plus systématiquement et les données agrégées au niveau national. Ca éviterait les dialogues de sourd du genre « arrêtez la méthode globale » / « ça fait 20 ans qu’on l’a arrêtée ». Il faut des données pour savoir! Sans données, pas d’éducation fondée sur des preuves.»