La dernière étude du Conseil National d’Evaluation Scolaire (CNESCO) se veut un « éclairage sur certaines des inégalités scolaires d’origine territoriale en France ». Des analyses qui confirment des constats déjà connus et déjà posés par la même instance (sur la ségrégations solaire et la relative inefficacité du système de zones prioritaires) et soulignent d’autres phénomènes plus surprenants sur le décrochage scolaire ou les élèves en milieu rural montagnard.

Le CNESCO s’est attelé à disséquer les inégalités scolaires sous l’angle territorial. Le rapport produit* confirme de grandes tendances et pointe quelques phénomènes moins évidents.
Ces travaux mettent d’abord l’accent sur la très inégale croissance démographique à l’échelle de l’hexagone avec des villes des régions du nord et de l’est délaissées, soit une « diagonale du vide » des Ardennes à la Dordogne, alors que se confirme un «croissant attractif » qui va de Rennes à Grenoble, en passant par Nantes, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Aix-Marseille. Les métropoles, elles, « sont des mosaïques économiques et sociales marquées par la paupérisation ». Certains quartiers enregistrent à la fois des taux de chômage élevés, un habitat social important et des revenus faibles. À Marseille, c’est le cas de l’ensemble des arrondissements sauf les 5 e , 6e , 7e et 8e (sur 16 arrondissements), à Lyon, ce sont les 8e et 9e arrondissements (sur 9 arrondissements) et à Paris, les 18e , 19e et 20e arrondissements (sur 20 arrondissements). Les zones à risque social maximal d’échec et de décrochage peuvent s’appréhender à partir de sept critères relevant des parents d’élèves : le niveau de revenu (médian), le taux de chômage (15-64 ans), le statut d’emploi (% de CDI) , le niveau de diplôme (45-54 ans) ; la nature du logement (% de logements sociaux), le type de famille (monoparentale, nombreuse).
Sans grande surprise, la politique d’éducation prioritaire est répartie sur les zones les plus défavorisées (82,8 % des collégiens scolarisés en REP+ vivent dans des cantons cumulant tous les risques sociaux d’échec scolaire15). L’enseignement privé est plus développé dans l’ouest de la France, scolarisant dans certains territoires la moitié des élèves dans le secondaire. Enfin, l’offre en langues est inégalement répartie en France, avec une offre qui peut varier de 2 à 7 langues en fonction des collèges.

Des enseignants plus jeunes et plus mobiles dans l’éducation prioritaire

En toute logique également, « beaucoup d’enseignants souhaitent accéder à une académie où la réussite des élèves est supérieure à la moyenne et où s’est développée une métropole ». Résultat : la proportion d’enseignants de plus de 50 ans varie du simple au double entre Paris et Créteil ou Versailles. « Paris regroupe la plus forte proportion de plus de 50 ans alors que Créteil a un fort renouvellement et beaucoup de postes à pourvoir. Les plus jeunes y débutent plus souvent qu’à Paris. Les académies de Guyane et d’Amiens partagent le même profil que certaines banlieues parisiennes, pour les mêmes raisons. Concernant l’éducation prioritaire, en 2016-2017, les enseignants de moins de 30 ans y sont également plus nombreux : 21,9 % des enseignants sont affectés en éducation prioritaire dans le premier degré alors qu’ils sont 29,3 % parmi les moins de 30 ans ; 11,8 % des enseignants sont affectés en éducation prioritaire dans le second degré alors qu’ils sont 21,5 % parmi les moins de 30 ans.» Quant à la Seine-Saint-Denis, elle possède à la fois le plus fort taux d’enseignants de moins de 35 ans (53,4 %, contre 23,5 % en moyenne) et la part la plus faible d’enseignants présents dans l’établissement depuis plus de 5 ans (30,8 %, contre 50,9 % en moyenne).

Inégalités de santé toujours marquées selon les territoires

Le rapport pointe également les inégalités de santé, bien connues, des élèves résidant en France. L’Île-de-France se distingue par une forte proportion d’élèves en grande section de maternelle en 2012 en surpoids ou obèses (13 %). A la Réunion et dans les Hauts-de-France, la moitié des élèves de grande section maternelle passe au moins une heure devant un écran les jours. Les élèves des Hauts-de-France sont les plus nombreux à consommer des boissons sucrées quotidiennement (33 %). Si, en moyenne, 29 % seulement des collégiens ne sont pas inscrits à la cantine, c’est le cas de près de 59 % d’entre eux en éducation prioritaire. Dans les collèges classés en REP+, seul un élève sur quatre est inscrit au restaurant scolaire. Or, note le rapport, le déjeuner joue un rôle primordial dans la journée d’un élève.

Une ségrégation scolaire toujours forte

Le CNESCO revient également sur la ghettoïsation scolaire en pointant que « plus d’un élève sur dix (12 %) fréquente un établissement qui accueille deux tiers d’élèves issus de milieux socialement très défavorisés (ouvriers, chômeurs ou inactifs), c’est-à-dire qu’ils vivent au quotidien dans des établissements presque exclusivement défavorisés ». La ségrégation sociale varie de 1 à 10 selon les départements, avec une forte concentration en région parisienne, dans le nord de la France et dans les régions lyonnaise et marseillaise. Les taux de réussite au brevet et au baccalauréat entre 2004 et 2014 progressent, mais les différences perdurent entre les académies.
Les difficultés en lecture se concentrent sur certains territoires. Les résultats du test de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC), montrent des scores plus faibles en lecture dans le Nord de la France et la banlieue d’Ile-de-France, dans les Outre-mer. Concernant la numératie, 9,7 % des jeunes de 17 ans ont des difficultés pour faire un calcul simple, mais certaines régions comme la Picardie sont nettement au-dessus de la moyenne (19,8 %). Information intéressante : Les difficultés en lecture et en numératie ne se recoupent pas nécessairement. Ainsi, plus de la moitié des jeunes qui ont des difficultés de lecture n’ont pas les mêmes difficultés en numératie.

Décrochage scolaire : des résultats parfois contre intuitifs

Concernant le décrochage scolaire, les plus fortes proportions de décrocheurs se concentrent dans deux zones, les marges du grand bassin parisien (Somme, Aisne, Marne, Yonne, Eure, etc.), les régions méditerranéennes à fort taux de chômage et à économie déséquilibrée, avec une économie présentielle touristique et saisonnière. Ces deux types de zones correspondent aux cantons les plus à risque social d’échec scolaire et de décrochage. Cependant, et c’est l’autre élément moins attendu de ce rapport, d’autres cantons présentent des résultats atypiques. L’Aquitaine, par exemple, est une zone à risque social modéré alors qu’elle est très concernée par l’accumulation de décrocheurs. A l’inverse, les Vosges font figure de zone à fort risque social alors qu’elles sont peu touchées par l’accumulation de décrocheurs. « D’autres hypothèses sur le décrochage scolaire peuvent alors être formulées, écrivent les auteurs, comme le rôle des équipes éducatives dans les établissements scolaires ou les distances aux collèges et lycées pour les communes non équipées ».

Les élèves montagnards : performants mais peu ambitieux

Le rapport propose aussi un focus instructif sur « l’école rurale montagnarde ».
Certains élèves y ont de bons résultats scolaires et ont pourtant une moindre ambition scolaire que leurs homologues urbains. « L’offre de formation à proximité des élèves de ces territoires étant limitée, les élèves se projettent dans un espace scolaire tronqué. Il existe ainsi une opposition entre les bons résultats scolaires des élèves ruraux montagnards et leur moindre ambition scolaire. Les élèves des écoles rurales montagnardes se caractérisent par un bon niveau de réussite aux épreuves d’évaluations standardisées CE2-6 e (Alpe et Fauguet, 2008). Pourtant cette situation a tendance à se dégrader au cours de leur scolarité au collège (Oeuvrard, 1995 ; Davaillon et Oeuvrard, 1998). Concernant leur aspiration, les jeunes issus de zones rurales de montagne sont 59 % à dire spontanément qu’ils souhaiteraient s’orienter vers la seconde générale et technologique (71 % pour la France entière). Cette moindre aspiration s’accentue chez les parents puisqu’ils ne sont que 51 % à vouloir que leur enfant envisage une 2nde GT, soit 8 points de moins que les élèves eux-mêmes (OER, 2004). »

*Cnesco, Blanchard, A., Botton, H., Miletto, V. et Caro, P. (2018). Panorama des Inégalités scolaires d’origine territoriale en France. Paris.