Le débat est passionnant et récurrent : les préceptes de la parentalité positive (chaleur parentale, réponse aux besoins de l’enfant, capacité à poser un cadre, discipline non violente…) sont-ils valables en dehors d’un contexte occidental ? Les auteurs d’une nouvelle revue de littérature (non systématique) estiment que c’est vraisemblablement le cas.

Nous continuons de creuser cette question à nos yeux essentielle : ce qui se révèle adapté et bénéfique pour des enfants en contexte occidental l’est-il tout autant pour des enfants des pays du sud ? Ce sujet nous semble fondamental dans une perspective de réduction des inégalités à l’échelle du monde mais aussi dans la mesure où nombre de professionnels français ont pour mission d’accompagner des familles issues de l’immigration et se trouvent souvent confrontés à des pratiques éducatives non seulement différentes mais qui peuvent aussi leur apparaître comme potentiellement délétères. Il est donc capital de savoir jusqu’à quel point le relativisme culturel peut se révéler pertinent. Et à quel moment il apparaît nocif et contre-productif, du point de vue de l’enfant.

Cette revue de littérature* qui date de 2018, publiée dans la revue BMJ Global Health, fait le point sur le sujet en s’interrogeant sur les associations entre les pratiques parentales et le développement de l’enfant dans les pays d’Afrique sub-saharienne.
Les recherches menées depuis plusieurs décennies dans les pays occidentaux ont amené à définir trois « styles » parentaux : l’éducation autoritaire (peu de chaleur, beaucoup de contrôle), ajustée (notre traduction du terme « authoritative », haut niveau de chaleur, haut niveau de contrôle), permissive (beaucoup de chaleur, peu de contrôle). On sait aujourd’hui que la parentalité ajustée est la plus associée à un bon développement de l’enfant. Les données sont également nombreuses quant à l’impact négatif d’une éducation très autoritaire, peu chaleureuse et de la violence verbale et physique. Mais l’essentiel des études sont menées en contexte occidental. Certains auteurs suggèrent que la violence éducative a moins d’impact négatif sur les enfants lorsqu’elle constitue une norme sociale. Cette conception est de plus en plus remise en question (notamment dans une très récente méta analyse que nous avons relayée).

Les auteurs de cet article concluent que les associations entre les pratiques parentales et l’état de santé psycho-sociale des enfants sont à peu près similaires dans les pays en voie de développement que dans les pays occidentaux. L’étude montre notamment un lien entre le recours aux châtiments corporels et des troubles du comportement chez les enfants ainsi qu’un risque augmenté d’échec scolaire. Les auteurs insistent : malgré un contexte socio-économique très difficile (extrême pauvreté, forte prévalence du HIV), la parentalité « positive » semble constituer dans ces pays comme dans les pays occidentaux un facteur de protection pour la santé et le développement des enfants.

*”Are parenting practices associated with the same child outcomes in sub-Saharan African countries as in high-income countries? A review and synthesis”,
Alison M Devlin, Daniel Wight, Candida Fenton, in BMJ Global Health