Faire se rencontrer les acteurs du social et de la santé autour du bébé : c’était tout l’enjeu du colloque organisé le 29 mars dernier par la Fédération de l’aide à domicile FNAAFP/CSF, dédié en grande partie au travail si méconnu des Techniciennes de l’intervention sociale et familiale (TISF). Cette journée a permis de porter des revendications fortes : une nécessaire alliance entre le médical et le social autour de la grossesse et des premiers mois, pour protéger l’enfant et la mère, la mise en place d’une formation complémentaire des TISF centrée sur l’observation du lien mère-bébé, et la création d’une prestation légale « périnatalité ».

En ouverture de cette journée, Christian Zytynski, le Président de la FNAAFP/CSF pose le contexte. « La prise en charge des troubles de la relation mère-bébé est un enjeu de santé publique, en particulier celui du développement de l’enfant. Entre 10 et 15% des mères sont sujettes à la dépression du post partum. La durée de séjour en maternité diminue et selon une publication de la Haute Autorité de Santé en 2014, entre 15 et 30% des femmes pourraient rencontrer des difficultés en raison d’une mauvaise préparation du retour au domicile. » Il est donc capital que la santé et le social travaillent ensemble. Christian Zytynski déplore que les actions des TISF touchent « une très faible proportion de familles que nous ciblons ». Pour lui, l’accompagnement à domicile spécifique avec une TISF doit être systématiquement proposé à toute famille concernée par une sortie précoce ou avec des troubles de la relation. Quels sont les freins à une intervention plus systématique des TISF ?

– une information très insuffisante adressée aux familles, transmise de façon approximative quelques heures après l’accouchement.
– Un manque de TISF, le métier est sous tension.
– Une grande difficulté à approcher les parents en dépression, la maladie est encore taboue, le parent a honte, s’isole, et la société nie cette maladie.
– Trop de TISF n’ont pas reçu de formation complémentaire sur l’observation fine des relations père mère bébé (on y reviendra).
Un reste à charge dissuasif en particulier pour les femmes les plus isolées, souvent confrontées à l’anxiété et à la dépression. La participation financière est le principal motif du refus. D’où cette revendication portée par la Fédération d’une prestation familiale légale en périnatalité qui permettrait de mieux répondre aux familles les plus fragiles avec un droit universel.

Jean-Laurent Clochard, responsable du Pôle famille, livre de son côté les résultats d’une analyse de données effectuée à partir des informations fournies par huit associations au sujet de 373 familles accompagnées. Il apparaît que 41% de ces familles sont en situation d’isolement social (isolement ressenti), 37% ont trois enfants et plus, 30% sont en situation de monoparentalité, 29% en situation conjugale ou familiale conflictuelle, 24% ont un enfant prématuré. Quelques 52% des mères sont au foyer, 26% sont ouvrières ou employées, 9% sont en recherche d’emploi. Les familles aisées sont peu représentées (seulement 4% de cadres et professions intellectuelles supérieures). Le démarrage de l’intervention a lieu à 23% pendant la grossesse, 36% des interventions démarrent plus d’un mois après la naissance.
Les problématiques observées se répartissent de la façon suivante : 1,2% de psychoses puerpérales, 19% de dépression du post partum, 38% de « rien à signaler », 40% de troubles du lien observé.
Dans 41% des cas d’isolement social et familial, on note la présence d’une dépression du post-partum.

La prématurité du bébé, facteur de risque pour la dépression du post partum

La première table-ronde de la journée est consacrée à la présentation de travaux récents sur l’impact de l’accompagnement au domicile des familles en période périnatale par les TISF.

Anne-Laure Sutter, Responsable scientifique, Pédopsychiatre, Docteur ès Sciences en Psychologie de la Santé à Bordeaux, propose un exposé sur les liens entre prématurité et dépression du post partum. Elle revient sur quelques grands principes, notamment sur le fait que le bébé a besoin de l’autre pour sa régulation physiologique et émotionnelle et que l’attachement joue un rôle privilégié dans cette régulation. « L’attachement est un comportement instinctif non dérivé d’un autre besoin primaire, rappelle le médecin. Les comportements d’attachement innés sont mis en jeu pour s’assurer la proximité de la mère (ou du « care giver »). » La figure d’attachement principale répond de manière régulière et devient la cible privilégiée de ces comportements à 6 mois de vie. La synchronie est l’adaptation réciproque à l’instant T et en longitudinal, avec des phases de disponibilité et de repli de la part du bébé (phases qu’il faut respecter). Les mamans dépressives peuvent avoir tendance à trop solliciter le bébé. Les interactions doivent être contingentes, la synchronisation s’établit entre deux partenaires.

La prématurité est source d’un stress immense, d’une culpabilité. Elle impacte fortement la régulation des émotions. On note 40% de dépression post natale chez les parents. Le stress vient d’un déséquilibre entre une évaluation des demandes perçues comme trop importantes et une évaluation des ressources perçues comme trop faibles. Un parent avec des antécédents en santé mentale est bien plus à risque. Les interactions avec un bébé prématuré sont plus complexes. Le bébé prématuré est plus irritable, difficile à suivre, ses signaux faciaux moins clairs. Ces bébés tolèrent moins bien les changements émotionnels. Ils ont moins de capacité à organiser leurs émotions. La contingence maternelle, elle, est significativement diminuée. Ces bébés rompent la synchronie des interactions quatre fois plus vite, les mères les rompent sept fois plus vite.
Chez les prématurés, précise Anne-Laure Sutter, « il y a quelque chose de spécial autour du canal visuel. » Ces bébés ont besoin des échanges de regard plus que du toucher. La spécialiste note néanmoins que face à ces enfants instables, les mères tentent de s’adapter. « Nos situations de recherche ne sont peut être pas adaptées. Ces mères font ce qu’elles peuvent. »

Elle évoque également le polymorphisme génétique : certains enfants sont plus vulnérables que d’autres, certains présentent plus de capacités de résilience que d’autres. « On se fondera de plus en plus là dessus pour affiner les soins » assure Anne-Laure Sutter. Elle présente un schéma récapitulatif des facteurs environnementaux impactant les interactions mère-enfant, c’est à dire ces facteurs qui peuvent altérer à la fois la sensibilité maternelle et la capacité de l’enfant à adresser des indices sensorimoteurs contingents. Parmi ceux-ci on retrouve les habituels facteurs de risque : facteurs socio-économiques, isolement, consommation (et donc exposition pour le bébé) de toxiques, niveau d’éducation de la mère, statut marital, et, évidemment, prématurité du bébé et dépression maternelle.

Catherine Crenn Hébert, gynécologue obstétricienne présente ensuite une étude menée dans le département des Hauts-de-Seine concernant les caractéristiques des familles ayant bénéficié d’une aide à domicile pour la grossesse en 2014. 371 interventions ont été dénombrées, concernant 1,5% des accouchements du 92 en 2014. Des entretiens informels à 6, 12 et 18 mois ont été effectués auprès des associations. 35% des interventions sont intervenues en anténatal dont 75% pour des femmes isolées ou précaires. Sur les 65% d’interventions en postnatal 80% concernaient des grossesses multiples.

Mais au-delà de données quantitatives, il s’agissait, par l’analyse, d’identifier un lien de cause à effet entre l’intervention TISF d’une part et la prématurité et le poids de naissance du bébé d’autre part ; l’idée étant d’apporter une preuve irréfutable de l’utilité sanitaire de l’intervention à domicile des TISF en périnatalité. Ce lien n’a malheureusement pas pu être validé scientifiquement du fait de biais méthodologiques constatés et de taille de l’échantillon. C’est pourquoi la FNAAFP/CSF et les associations d’aide à domicile intervenant en Ile de France ont sollicité à nouveau le réseau de santé en périnatalité 92 pour mener une étude plus poussée et revoir les objectifs initiaux. A suivre donc.

Former les TISF à l’observation fine de la relation mère-bébé

Régine Daireaux Demarthes, Psychologue et Formatrice à l’association Pikler-Loczy, raconte la naissance et l’évolution d’un dispositif de formation spécifique des TISF à l’observation fine selon la méthode mise au point par Emmi Pikler. Ce dispositif est né de longs échanges entre l’IFED, l’organisme de formation des TISF, la FNAAFP et l’association Pikler Loczy de France. Il s’agit donc bien d’une formation complémentaire dispensée pour les salariées des associations adhérentes de la FNAAFP.

Régine Daireaux Demarthes revient en premier lieu sur les fondamentaux de l’observation piklerienne : elle s’appuie sur les compétences du bébé et permet de réfléchir aux conditions environnementales. Trois temps différents sont requis (la rigueur méthodologique permet d’éviter le risque de projection) : l’observation elle-même (observer bébé, « en suspendant activement notre jugement »), l’écriture de l’observation avec un effort d’objectivité pour se dégager d’une interprétation trop rapide, le partage de l’observation pour poser des hypothèses de compréhension. Se demander ce que l’on fait de ce qu’on voit amène à formuler des propositions concrètes pour soutenir la construction du bébé.

Tout parent est potentiellement vulnérable à cette étape de vie, assure la psychologue, du fait notamment de la sortie très prématurée de la maternité à 2 ou 3 jours, qui correspond à un pic du baby-blues. Des mères se retrouvent seules avec leur bébé, ce qui génère une angoisse importante qui peut avoir un effet sur l’enfant. « D’autant plus qu’aujourd’hui on constate une perte d’étayage familial ou culturel. De plus en plus de mères sont isolées, soit parce qu’elles vivent seules, soit parce que les maris sont très pris par le travail. Cliniquement, il y a une augmentation des syndromes anxieux et des dépressions du post-partum. Il faut donc repérer au plus tôt pour activer le travail de réseau et orienter les mères vers les lieux de prévention et de soins, proposer des accompagnements au quotidien. » L’intervenante insiste : le programme Prado ne peut en aucun cas se substituer aux missions préventives de la PMI.

L’objectif de cette formation complémentaire très spécifique est de permettre des interventions de qualité. Les premières 35 heures sont un passage en revue de la périnatalité avec une sensibilisation des TISF à l’observation puis la deuxième session de 42 heures permet d’approfondir l’outil d’observation.

L’objectif est bien de mettre en valeur combien il est important de se poser pour regarder le bébé. Ce bébé a besoin d ‘être investi psychiquement par ses parents. Les TISF doivent elles s’astreindre à dépasser les premiers jugements rapides, développer une réceptivité psychique (« l’œil qui écoute »), à respecter des étapes nécessaires, à développer une attention au langage du corps. « L’observation est une attitude qui prend en compte les réponses et réactions du bébé ». Il est capital de préserver le sentiment de compétence parentale, de penser la singularité et la dynamique de chaque situation. Les effets attendus sur la pratique des TISF : modifier le regard posé sur le bébé, savoir à quoi il est important d’être attentif.

La formation amène les TISF à mieux repérer les zones de ressources, de compétences et de difficultés. Les rapports sont plus précis, plus structurés, plus rigoureux. Les professionnelles se sentent plus légitimes et plus solides. Pour Régine Daireaux Demarthes, « ce dispositif de formation est un des meilleurs moyens de prévention pour soutenir les parents. Les TISF se sont appropriées ces pratiques, les ont intégrées. Le métier se professionnalise. Il faudrait étendre ces 70 heures à la formation initiale. »

Ce que la formation change à la posture et aux pratiques des TISF

Sandrine Amaré, Directrice pédagogique, et Marielle Valran, Ingénieur de formation, chargée d’étude, au Collège Coopératif Auvergne – Rhône Alpes, viennent confirmer l’impact de cette formation complémentaire sur les représentations et les pratiques des TISF. Elles ont en effet mené une démarche action qui a consisté en 23 entretiens semi directifs avec des TISF qui ont suivi la formation complémentaire, entretiens conduits avant et après cette formation, et 14 entretiens avec des TISF sans formation complémentaire. Dix entretiens compréhensifs avec des parents ayant été suivis ont été réalisés et un focus groupe avec des professionnels multidisciplinaires a été mis en place. Les deux chercheuses se sont appuyées sur le modèle de la vulnérabilité périnatale adapté de Lessick et Rogers qui comprend quatre dimensions : biologique (fatigue, hormones…), psychologique (stress, altération de l’estime de soi), sociale (transformation des relations sociales, présence de soutien informel, endossement du rôle de parent), cognitive (acquisition de nombreuses informations). Ces quatre dimensions ne sont évidemment pas disjointes. Comment le travail des TISF impacte-t-il ces quatre dimensions et que change la formation complémentaire ?

La dimension biologique : l’arrivée de l’enfant constitue une période fatigante. Les TISF interviennent pour soulager, notamment les tâches domestiques du quotidien. Elles prennent la mesure des difficultés rencontrées par la mère en milieu naturel. Lors de l’entretien avec les parents, elles font attention à ne pas être trop intrusives. Les TISF permettent aux mères d’avoir du temps pour elles. Il faut les mettre en confiance pour qu’elles acceptent le relais. Ici la formation complémentaire intervient à deux niveaux. Le quotidien permet une observation plus fine de la mère. La déculpabilisation est énoncée avec plus de précision après la formation. Or, la confiance et la déculpabilisation sont les conditions nécessaires pour l’efficacité de l’intervention. C’est ce qui permet à la mère d’être disponible psychiquement pour son bébé.

La dimension psychologique : les TISF doivent repérer les difficultés de la mère ou des parents avec le bébé. La présence au cœur de l’intimité des familles est une place de choix qui permet l’observation du détail du visage, du corps, de l’intention perçue des gestes, du regard de la mère. La TISF se pose avec la mère et lui demande d’observer ce qui se passe et commente ce qu’elle voit. Elle fait le travail de mise en sens de ce qu’elle voit. Elle met en mot devant la mère, avec elle, ce qu’elle observe du bébé. Il faut amener la mère à nourrir un dialogue avec le bébé. Par exemple, à une mère qui ne sait pas quoi dire au bébé, la TISF va proposer de raconter ce qu’elle fait, ce que va être sa journée. Après la formation, les TISF mobilisent un vocabulaire plus riche pour décrire les manifestations des troubles de la relation. Le regard, les pleurs et le corps sont qualifiés. La posture est plus descriptive, plus factuelle, dégagée des affects. Les TISF insistent sur la nécessité de se poser, de choisir un moment privilégié, de perdre le temps, de ne pas intervenir. Elles tentent une mise en sens avec la mère des éléments observés. Elles cherchent à comprendre, à décrypter, à décoder.

La dimension sociale : prendre une place de parents peut être difficile pour certains. Dans certaines familles les liens intergénérationnels sont complexes. Les TISF tendent à redonner une place à chacun des membres de la famille. Elles valorisent, encouragent, rassurent. Le soutien à la parentalité, ce peut être « faire pour », « faire avec », « faire à », « se retenir de faire ». La formation apporte une évolution car le dernier registre est beaucoup plus évoqué après. Il s’agit de laisser la mère interagir avec son bébé. Après la formation, les TISF ont plus conscientisé ce qu’elles font.

La dimension cognitive : au moment de la grossesse et de la naissance, les parents engrangent un volume important de connaissances. L’ensemble de ces informations provoque une saturation cognitive. A partir des discours des uns et des autres, à quelle condition la TISF peut-elle intervenir pour diminuer cette saturation ? Elle dispense des conseils pratiques, en acte, sur le moment précis. Le conseil n’est pas décroché de la réalité vécue. La temporalité permet un échange prolongé avec les parents, les conseils peuvent être discutés, expérimentés. Elle accompagne le parent dans le tri des informations en tâtonnant à leurs côtés.

En conclusion, les éléments qui ont été très transformés par cette formation complémentaire sont la qualité de l’observation, la compréhension des situations, la capacité de rédiger des observations.
Les deux chercheuses notent que des constats et interrogations restent en suspend : un sentiment de méfiance initial persiste quand la TISF arrive au domicile. Il faut aussi composer avec un nouveau profil de parents, qui sont davantage en situation de pauvreté, d’isolement, de handicap, de déficience intellectuelle. La présence des pères est peu mentionnée dans les entretiens.

Pendant le premier temps d’échanges avec la salle, l’accent est mis sur la faible proportion d’interventions en anténatal, alors que, comme le souligne le pédopsychiatre Michel Dugnat, grand témoin de la journée, « il faut vraiment mettre le cap sur l’anténatal ». Anne Laure Sutter note que 13% de femmes déclarent des difficultés psychologiques pendant la grossesse mais que très peu sont suivies (avec en plus des problématiques sociales qui constituent des facteurs de risque en première ligne). « Quand les parents arrivent jusqu’à nous, ils demandent une aide ménagère, explique une responsable d’association. Les mères ont du mal à voir l’intérêt de la TISF en prénatal. Elles paient, on doit répondre à leur demande. Comment les convaincre de l’intérêt pendant la grossesse ? » Michel Dugnat répond : « Un des freins ce sont les conseillers de la CPAM. Il faut qu’ils aient compris de l’intérieur l’intérêt du métier pour bien en parler à la maternité aux mamans. Il faut toucher les sages-femmes. Qu’elles en parlent pendant l’entretien prénatal précoce. »

Le partenariat, indispensable pour porter la relation mère-bébé

Fanny Raulin, TISF, ouvre la deuxième table-ronde intitulée « Un partenariat médico-psycho-social nécessaire au prendre soin du bébé ». Elle lit la très belle lettre d’une maman qu’elle a accompagnée et qui raconte en quoi ce soutien a été capital. «J’ai reçu beaucoup de conseils par rapport à l’allaitement. Beaucoup de choses ont changé, moi même j’ai changé. Je recevais les TISF le vendredi. J’étais dans un état de fatigue extrême. Elles ont été bienveillantes. On a essayé de me trouver un nouveau logement. Elles m’aidaient à me ressaisir avec petit coup de pied aux fesses. On a expérimenté des méthodes, on a trié les affaires laissées dans l’appartement. Sans tout cela je ne serais pas là où j’en suis maintenant. »

Pour Fanny Raulin, il faut un discours très transparent sur les difficultés de la maman, les difficultés relationnelles, pour ajuster les objectifs d’intervention. Il s’agit d’un accompagnement dynamique qui s’ajuste en permanence. « Ce travail en partenariat nous aide à avoir un discours adapté et à faire pour et avec. Moi toute seule je ne peux pas dire qu’il y a un bon accordage. C’est le fait de partager mes observations qui leur donne du relief. » Elle insiste : « le risque quand on intervient au domicile dans l’intimité est qu’on peut être pris dans les problématiques des parents, les drames vécus, les enfances morcelées, ça nous éloigne du bébé. Le travail en partenariat nous aide à nous recentrer sur l’observation du bébé et de la relation parent-bébé. Ce travail m’aide à assumer mes compétences de TISF. L’aide quotidienne (le linge par exemple) reste un support très intéressant mais il faut aller au-delà. La formation initiale est à améliorer, il faut inclure un module d’observation du bébé et de la relation parentale. »

Elle rappelle qu’une demi journée auprès des familles c’est précieux. Autour d’une table avec les partenaires, les TISF sont les seules à observer au cœur du quotidien, dans les moments de jeu, quand la maman nourrit le bébé. La TISF voit la dynamique familiale aux moments clés de la journée. Pour Fanny Raulin, il faut observer avec bienveillance et le temps est précieux.

Michel Dugnat pose de son côté que la discipline de la psychiatrie périnatale demeure en pleine émergence. « On a 20 ans de retard », assène-t-il. L’enjeu est d’éviter la séparation précoce. Il l’assure, « si les ados brûlent des voitures c’est qu’ils ont été des bébés carencés ».
Il plaide, et c’est un message porté par la FNAAFP-CSF à travers ce colloque, pour une alliance des professionnels et des associations gestionnaires afin de faire de la grossesse et de la période périnatale une priorité nationale.

Accompagnement gratuit par une TISF: l’expérience nantaise

Cette deuxième table-ronde est l’occasion de présenter un partenariat innovant mis en place à Nantes : 16 heures d’accompagnement gratuit par des TISF, co financées par la CAF et la PMI, pour des familles présentant des signes de vulnérabilité dès la sortie de maternité. La convention a été dans un premier temps signée entre la CAF, la polyclinique de Nantes, le Conseil Départemental, et l’association d’aide à domicile locale, l’AAFP/CSF 44. L’objectif : soutenir le développement de la fonction parentale, faciliter les relations parents-enfants, soutenir l’intervention des TISF. La puéricultrice cadre de la polyclinique est chargée de détecter la vulnérabilité et de proposer le premier contact. Elle remplit une fiche de liaison indiquant les facteurs repérés : anxiété, pathologie mentale, addiction, stress, signes psychosociaux (isolement, précarité, violences, difficultés conjugales, handicap, parent mineur, suivi ASE pour une précédente naissance), fragilité néonatale (prématurité, naissance multiple, annonce d’un handicap).

La fiche de liaison arrive au secrétariat de l’association d’Aide Familiale Populaire de Loire-Atlantique dont le siège est situé près de la polyclinique. Un premier contact est pris avec la maman à la maternité. Un contrat est signé avec la famille qui indique toujours le coût. « Il s’agit de montrer à la famille que le coût global est de plus de 600 euros, indique Samuel Robert, responsable de secteur à l’association. Le message qui leur est adressé est : c’est un beau cadeau, ce serait dommage de ne pas en bénéficier ! » Les interventions sont planifiées sur un mois à raison de deux fois 2 heures par semaine avec une alternance le matin et l’après-midi pour travailler des choses différentes.
Le programme a concerné 75 familles, pour 1200 heures. Les financeurs renouvellent leur confiance et l’expérimentation va s’étendre au CHU de Nantes.

Le réseau, outil indispensable

Blandine Mulin, Médecin de santé publique, coordinatrice du Réseau Périnatalité en Franche-Comté et Présidente de la Fédération Française des réseaux de santé en périnatalité, rappelle la place et le rôle des réseaux. Sont-ils un lieu propice au développement de partenariats ? « Oui ! », assure le médecin qui cite Frederick Douglass, auteur américain, grande figure du mouvement abolitionniste : « il est plus facile de créer des enfants solides que de réparer des hommes brisés ». « Pendant longtemps nous n’avons eu que la psychiatrie adulte, rappelle-t-elle. Nous avons créé la pédopsychiatrie et là, on a vu qu’il fallait agir encore plus tôt avec la psychiatrie périnatale. C’est l’effet matriochka. Quand il y a une carence d’accompagnement, on va être là pour accompagner cette mère pour qu’elle soit en capacité d’accompagner son enfant. Nous ne devons pas être dans l’omnipotence. »

Comment en pratique mettre en action l’interdisciplinarité ? Il faut avant tout avoir conscience des obstacles : tous les professionnels n’ont pas été formatés de la même façon, ils n’ont pas le même langage, pas la même temporalité (somaticiens/ psy), pas les mêmes priorités, pas les mêmes lieux d’exercice, ils manquent de temps, de coordination. Si la prise en charge est morcelée, ce ne sera pas intéressant. Il existe a contrario des outils incontournables : la volonté partagée de prendre soin de la santé de la mère et du nouveau-né, l’apprivoisement mutuel, la culture commune, le langage commun. L’entretien prénatal précoce apparaît comme la pierre angulaire de l’accompagnement et du travail en réseau. Ce moment n’a pas de sens tout seul. Il doit être relié à ce qui s’est fait avant et se fera après. Blandine Mulin insiste sur la reprise de cas : travailler ensemble apporte de la sécurité. Ca prend du temps mais ça en fait gagner.

Autre outil intéressant : les formations pluridisciplinaires, les journées des réseaux, le travail indirect des psy dans les équipes, et avoir un professionnel de coordination.

« Petits pas, Grands Pas », ou comment accompagner les PMI dans leur mission de prévention

Julie Bodard, Directrice de l’Agence des Nouvelles Interventions Sociales et de Santé (ANISS) et Romain Dugravier, Professeur de pédopsychiatrie, Chef de service au centre de Psychopathologie périnatale Boulevard brune et Président de l’ANISS, présentent ensemble une démarche globale de soutien à l’action préventive des PMI, « Petits Pas, Grands Pas ».L’ANISS est une association constituée à partir de cliniciens et de chercheurs pour développer des actions de promotion de la santé avec une expérience assez forte sur les interventions préventives précoces.
Le constat est simple : l’offre de services publics est diverse et riche mais l’offre universelle « passive » (juste une mise à disposition) laisse trop de personnes sur le côté de la route. Par exemple l’entretien prénatal précoce touche 33% de la population concernée, surtout des femmes très bien insérées, ce qui est un peu l’inverse du projet de départ.
Comment promouvoir des services publics et optimiser leurs interventions ?
Romain Dugravier met en avant la logique d’universalisme proportionné soit un service minimal pour tous mais une offre graduée en fonction des problématiques identifiée. Il s’agit en d’autres termes de passer d’un modèle égalitaire à un modèle équitable, de s’ajuster aux problématiques et aux besoins des familles. Mais aussi de lutter contre « l’effet Matthieu » : les services passifs bénéficient aux familles qui savent demander de l’aide. Le résultat est donc que le système creuse les inégalités de santé.

Pour Romain Dugravier, il faut défendre un dialogue entre la littérature internationale et les services proposés en France. « Aujourd’hui on se regarde en chien de faïence alors qu’on peut apprendre de ce qui peut se passer ailleurs. » Pour mettre en place des interventions précoces il existe des invariants :

– Il est mieux de savoir pourquoi on intervient et il faut sans arrêt le rappeler
– Plutôt que d’essayer de construire de nouveaux systèmes, il faut s’appuyer sur l’existant, faire évoluer les services
– Analyser les pratiques par la supervision. Cet outil est trop négligé, on fait des économies dessus.
– Il faut une coordination et une graduation de l’offre au sein d’un réseau.

Une fois posés ces principes préalables, en quoi consiste la démarche « Petits pas Grands pas » ?
Il s’agit d’impulser une dynamique avec l’ensemble des partenaires de la PMI.
Une étude a été menée en 2016 sur les pratiques préventives dans les PMI de 60 départements. « Les résultats nous ont interpelés », explique Julie Bodard. Ne serait-ce que sur le plan de la communication. Les plaquettes étaient très hétérogènes, ne respectant pas forcément les recommandations pour être accessibles et compréhensibles. Le simple fait « d’aller vers » est difficile. Les PMI ne disposent pas de numéro de téléphone. Les visites à domicile (VAD) sont proposées sur la base de critères de risques très hétérogènes (plus de 100 critères de vulnérabilité recensés).

Le rythme des VAD est très variable, les professionnels n’ont pas de référentiels d’intervention.  L’articulation entre professionnels semble complexe: le PRADO rend compliqué et “confusionnant” le système pour les parents qui ne savent plus qui vient faire quoi. Alors que faire pour que cet acteur important, la PMI, puisse mieux travailler ? Le rôle de l’ANISS est de co construire une démarche pour accompagner les PMI en favorisant l’accès des services à tous.

La démarche est pragmatique : il s’agit de questionner les besoins des familles pour comprendre comment on adapte l’offre puis d’outiller les PMI afin qu’elles soient autonomes. L’ANISS propose des outils permettant de faire un point sur l’existant, de travailler sur l’évaluation pérenne (formulation d’objectifs, définition d’indicateurs, outil pour analyser l’adéquation entre besoins et services), de développer un langage partagé et partageable. Une formation est proposée pour les professionnels de PMI. Un accompagnement permet d’améliorer la capacité à contacter tous les parents et revoir les documents de communication.
L’essentiel étant de replacer la prévention au cœur de leurs activités, de passer d’une logique de prévention basée sur des critères de risque difficiles à définir à une logique de besoins.
« C’est juste de la logistique, résume Romain Dugravier, une façon de promouvoir l’offre de prévention. La pédopsychiatrie de la PMI peut être vécue comme plus menaçante que soutenante. Or la question n’est pas de repérer les familles qui ont des besoins mais de leur permettre d’accéder à un droit. 
Michel Dugnat note qu’un aggiornamento est certainement nécessaire « pour la vieille dame qu’est la PMI ». « La PMI et la pedopsy sont cousines. On a besoin d’une alliance assez large. »

La CNAF et la CNAM main dans la main autour du PRADO

Pour clore cette table-ronde, Eric Hausalter,  Directeur adjoint et responsable de la coordination et de l’efficience des soins à la CNAMTS et Mariette Daval, Directrice du département insertion et cadre de vie à la CNAF, évoquent le partenariat de leurs organismes réciproques autour du PRADO.
Eric Hausalter rappelle la genèse de ce dispositif de sortie précoce de la maternité : la durée de séjour se réduisait, la relation de remboursement s’automatisait, se dématérialisait. Le moment était propice pour réfléchir à d’autres services de santé. Pour aider la maman hospitalisée, des personnels de la CPAM ont été mis à disposition dans les hôpitaux. Le Conseiller Assurance Maladie (CAM), va au chevet de la maman, lui propose un service. « Cela concerne le temps court, juste après la sortie, explique Eric Hausalter. On s’assure que pour la sortie dite standard, il y a une intervention d’une sage-femme dans la semaine. Le CAM prend les rendez-vous. »
En 2017, 400.000 mamans en ont bénéficié. Les mères sont plutôt satisfaites. Il s’agit de mères qui vont plutôt bien. Mais certaines d’entre elles sont à la limite d’une prise en charge plus importante. « Dès le départ on savait qu’un accompagnement social était important, assure Eric Hausalter. On a pris contact avec la CNAF. On a utilisé les CAM, on les a formés. A la sortie ils informent la mère de la possibilité d’une aide sociale. Le CAM est le premier acteur en mesure de donner des informations sur les TISF. Ensuite la CNAF a ses vecteurs. »
Pour Mariette Daval, de la CNAF, « la façon dont on propose l’intervention d’une TISF est une démarche pro active. » Des séances d’information collectives CAF-CPAM ont été organisées ainsi qu’une sensibilisation des conseillers CPAM au métier de TISF. « Ca fonctionne, même si le dispositif est encore relativement neuf. »

Michel Dugnat apporte une touche grinçante : « J’ai le souvenir qu’un calcul de l’école d’économie de Paris avait conclu que si on passait de 4 à 3 jours en maternité on économisait 280 millions d’euros. Si ça tombait dans la santé mentale via les TISF, ce serait parfait. Mais non, ça va éponger le trou de la sécu. »

La théorie de l’attachement, trop culpabilisante pour les mères ?

Jacques Dayan, Professeur en pédopsychiatrie, ouvre la troisième table-ronde dédiée aux perspectives d’avenir avec un propos qui se veut résolument non consensuel. Parmi les cibles de son irritation : la théorie de l’attachement et la protection de l’enfance.
Le médecin démarre mezzo voce en estimant qu’il serait nécessaire d’importer en France une réflexion sur les troubles anxieux dépressifs en se servant de ce qui a été fait dans les pays anglo-saxons, mais en y mêlant une « french touch ». Il cite quelques uns des progrès (plus ou moins) récents : le congé maternel, la PMI, les personnels psy en maternité, les techniques obstétricales, la sécurité sociale, les TISF et autres suivis à domicile. Il précise également qu’il y a des souffrances non psychiatriques mais qui doivent quand même être prises en charge et livre quelques grands principes de travail : la neutralité bienveillante (une neutralité « neutre » est agressive en cas de détresse), la temporalité, la sécurité, la cohérence.

Puis il en vient à ses deux cibles et, comme il le dit lui-même, livre une « attaque violente contre la théorie de l’attachement ». Pour Jacques Dayan, il existe un « biais méthodologique » dans cette théorie. Il cite Sharon Hays, une sociologue selon laquelle la théorie de l’attachement « c’est bien sympa pour le bébé mais la mère, elle, est censée répondre parfaitement à la demande ». Pour le médecin, les notions de « sensibilité maternelle » ou de guidance interactive alimentent une idéologie qui incite la mère à être parfaite. C’est un retour à « l’idéologie culpabilisante du maternage intensif » dans laquelle la mère doit se dévouer à son enfant. Jacques Dayan ne remet pas en cause le principe de l’attachement pour le bébé mais plutôt « ce que ça demande à la mère ». Or, il l’assure : « ce qui compte c’est que les moments soient bons et que la mère pas trop malheureuse.» Certaines mères peuvent néanmoins être en difficulté. « C’est à la société de les aider, affirme le médecin. Peut être est-il besoin de réfléchir à une aide universelle. Mais c’est quoi le minimum d’une aide universelle ? »

Après la théorie de l’attachement, il s’en prend également aux services de l’Aide Sociale à l’Enfance, reprenant le refrain sur « la police des familles ». D’après lui les PMI et TISF subissent de fortes pressions de la part des conseils départementaux et de l’ASE. « Parfois les TISF sont détournées de leur travail et sont considérées comme des auxiliaires de police. Certaines PMI sont devenues des antichambres de l’ASE. Or, la meilleure personne qui protège l’enfant, c’est la mère. »
Pour Jacques Dayan il est urgent de diffuser le savoir en pédiatrie périnatale, de réformer la prise en charge des dysfonctionnements précoces mère-bébé. Car en France, assure-t-il, les pratiques reposent sur des bases non scientifiques. Résultat ? « La protection de l’enfance c’est une industrie, martèle-t-il. Nous sommes les champions du placement ». Le médecin montre des chiffres qui, en valeur absolue, sont en effet saisissants : 140.000 enfants placés en France contre 68.110 en Angleterre et 11.256 pour le Québec. Il cite une étude dano-américaine sur des enfants de parents schizophrènes qui montre que les enfants qui s’en sortent le mieux sont ceux qui ont été adoptés et ceux qui sont restés auprès de leur famille avec un soutien et que ceux qui s’en sortent le moins bien sont ceux qui ont été placés. Comme le sujet est sensible et complexe, et que le point de vue de Jacques Dayan est aussi tranché que peu consensuel, nous proposons d’y revenir dans un article annexe.

Le médecin propose en tous cas de se placer dans une « idéologie du soutien plutôt qu’une idéologie de la méfiance. »

Gérard Cerdan, Directeur de l’association d’Aide à Domicile ADIAF-SAVARAHM, prend la suite. « Face à des vulnérabilités, des fragilités des familles en période périnatale, nous, professionnels de l’humain, avons pris des responsabilités et sommes prêts encore à les prendre. Mais on ne pourra pas être les seuls, on ne pourra pas continuer sans financement spécifique. Nous demandons que les responsabilités soient partagées. » Il assure que les besoins sont aujourd’hui bien connus, puisque même les stars ne sont pas épargnées par le post-partum. « Il y a toutes les mamans ignorées, plaide-t-il. Nos voisines, nos sœurs, nos compagnes, des anonymes non prises en compte en raison de leur culture et de leurs origines. Aujourd’hui on ne répond pas de façon satisfaisante aux besoins de ces femmes. » Il fait part de trois enjeux. Un enjeu national de santé publique qui implique la création d’une prestation légale, un enjeu régional qui nécessite de se pencher sur les schémas régionaux de santé, un enjeu local qui signifie un partenariat avec les acteurs de santé pour assurer l’accompagnement à domicile.
Gérard Cerdan en profite également pour expliquer que le recrutement de TISF dans sa région, Rhône-Alpes, constitue une urgence. Sur 625 TISF, 50% ont plus de 50 ans.

Plan Marshall pour la santé mentale en périnatalité : l’exemple britannique

Alain Grégoire, ex-chef de service en psychiatrie périnatale et professeur honoraire à l’Université de Southampton explique de son côté en quoi a consisté la révolution lancée sur ce terrain par l’ancien premier ministre David Cameron. Ce dernier avait en effet annoncé une somme considérable exclusivement consacrée à la santé mentale en périnatalité : 365 millions de livres.
Et… l’argent est vraiment arrivé !
Le mot clé est l’équité. “Où que l’on habite on a droit aux soins“. Les services spécialistes en psychiatrie périnatale sont désormais partout au Royaume-Uni avec des thérapies fondées sur les preuves (cognitivo-comportementales ou interpersonnelles). « On a quitté il y a longtemps la psychanalyse », précise Alain Grégoire. Il évoque les thérapies sur la relation mère-enfant à partir de la vidéo. Il existe des sages femmes et des infirmières spécialistes dans tous les services de maternité.
Il reprend le principe de l’universalisme proportionné à travers une pyramide. A la base, toute la population a des besoins universels auxquels on peut répondre par des pratiques respectueuses des besoins psychiques, une promotion de la santé mentale. Plus on monte et plus les besoins s’affinent (et moins ils concernent de monde). Tout en haut, le risque est sévère (cela ne veut pas dire que la souffrance de la personne est supérieure mais que le risque est élevé), les besoins sont beaucoup plus complexes, les dispositifs doivent l’être aussi, ils coûtent plus cher. « Si c’était le cœur ou le cancer on aurait les services spécialisés partout. Il faut des dispositifs pour ceux qui sont très atteints partout ».

Pourquoi ce plan national a-t-il été décidé ? Les conditions étaient réunies avec une appréhension très claire des besoins. « Nous savons que la dépression est la complication médicale la plus fréquente de la maternité. Nous avions des services spécialisés pour toutes les femmes, pour toutes les complications physiques, mais pas pour le psychisme. » Or, il n’y a pas un moment dans la vie humaine où le risque d’une maladie aussi grave que la psychose est aussi haut que dans les premières semaines après la naissance. Les psychoses puerpérales sont plus rapides, plus graves, que les mêmes psychoses à d’autres périodes. La principale cause de mortalité de la mère c’est le suicide et les troubles mentaux. C’est la seule cause de mortalité maternelle qui ne baisse pas. Il y a un risque pour la mère et pour l’enfant.
Alain Grégoire n’y va pas par quatre chemins : « La santé mentale, on s’en fout. Mais quand on a des problèmes avec les enfants et notamment quand ils deviennent adultes, ça vaut la peine qu’on s’en occupe. »

Agir tôt, quand il est encore temps (et que ça coût moins cher)

Il explique que les enfants qui à 16 ans font une dépression, ont tous eu une mère dépressive (à 60% dépressive pendant la grossesse). On connaît aujourd’hui les effets transgénérationnels. Le risque vient de l’expérience dans l’enfance. La période anténatale constitue une occasion fantastique pour la détection de la dépression. Pour la moitié des mères qui avaient une dépression, la moitié l’avait déclaré pendant la grossesse. Or, seules 40% des mères dépressives sont signalées, dont la moitié ont eu un traitement et la moitié de ces 50% ont bénéficié d’un traitement « acceptable ».
Alain Grégoire l’assure : « On sait ce que doit faire un service de soin spécialisé en périnatalité. Et tout le monde doit y avoir accès. Avec les services que vous avez vous êtes un peu en arrière de là où nous étions il y a 2 ou 3 ans. Le calcul avait été fait que si on continuait, les coûts seraient de 8 milliards de livres par an. Il serait ridicule de ne pas le faire, quand on pense au prix des soins physiques. Au Royaume-Uni toutes les femmes auront une équipe mobile spécialisée et un lit à plein temps si besoin ».

Laurine Bricard, de la Direction Générale de la Cohésion Sociale, Sous-Direction de l’enfance et de la famille, estime que les échanges de la journée font écho aux propos entendus dans les groupes de travail qui viennent de se pencher sur la question de la prévention et de la lutte contre la pauvreté des enfants : c’est bien l’idée de travailler le plus tôt possible auprès des jeunes enfants, de proposer du soutien à la parentalité. Pour que l’enfant aille bien il faut que ses parents aillent bien. Elle rappelle que la stratégie nationale de soutien à la parentalité sortira bientôt. « Il y aura un accompagnement des familles en période périnatale en développant et en renforçant la capacité à intervenir auprès des familles à besoins particuliers (migrants, handicap… reste à identifier ce qui doit entrer dans les trois petits points). » Laurine Bricard le reconnaît : «  La prématurité on était passés à côté ». Elle ne peut évidemment pas se prononcer sur l’idée d’une prestation légale, sujet politique.
Deux représentants de l’organisme de prévoyance AG2R expliquent leur souhait de développer des aides concrètes pour les salariés sur le terrain. Ils l’assurent, « la branche est un moyen de corriger ou de coordonner l’accès à la prévention. »

Pour une alliance nationale autour de la périnatalité et une prestation légale

François Edouard, vice-président de la FNAAFP-CSF pose en conclusion la question cruciale : « Faut il supprimer le reste à charge des familles en période périnatale avec une prestation légale ? »
Il plaide pour un changement de logique : quitter l’action sociale pour aller sur une prestation ouverte à tous (soit un droit égalitaire).
Les blocages sont évidemment d’ordre financier mais pas seulement. Il existe un fort tropisme sur le soin médical et une méconnaissance de l’alliance du social et du médical. Autre frein: le manque de personnel. Mais aussi l’information des femmes à la maternité.
François Edouard le répète : le reste à charge  pour des interventions à domicile est discriminatoire car si une mère reste en maternité, elle n’aura pas de reste à charge. La gratuité fait le succès des expérimentations. C’est pourquoi il faut reconnaître une prestation légale. La réponse du Ministère ?
« On nous a dit récemment « oui c’est cohérent, c’est recevable ». Alors qu’avant on nous avait dit « n’y pensez même pas ! ». On réitère donc notre demande. »

Michel Dugnat assure la conclusion de cette journée :
« La conjoncture peut elle être rassemblée pour avoir quelque chose qui ressemble à l’alliance britannique ? Les représentants des sages-femmes, des obstétriciens, des médecins généralistes, des gynécos, de la santé mentale, des sociétés savantes peuvent ils faire alliance pour porter le message qu’on a besoin de quelque chose d’extraordinaire ? Dans de nombreux endroits, il n’y a pas d’unités parents bébé, pas de TISF, pas d’équipes mobiles. Avons-nous la volonté de dire la priorité des priorités ? Sommes nous assez intelligents pour assurer la protection des enfants à naître et casser le cercle vicieux entre pauvreté, dépression maternelle et complexité de vivre quand on est déprimé ? La priorité de la santé mentale ça doit être la prévention en anté conceptionnel et en anténatal. »

Une semaine après le colloque, la FNAAFP-CSF appelle en tout cas à mettre en œuvre une alliance nationale la plus large possible autour du soin psychique en période périnatale et de la relation parent-bébé.