Travailler sur la sensibilité des figures d’attachement secondaires que constituent les personnels des établissements de la petite enfance: c’est l’objectif de cette intervention qui a été testée dans des établissements aux Pays-Bas, avec un programme initialement pensé pour les parents via des visites à domicile. Les résultats sont prometteurs. Il est possible d’améliorer les réponses aux besoins de l’enfant, même chez des professionnels formés et aguerris.

Le programme VIPP constitue l’une des expérimentations plus évaluées aux Pays-Bas. Il s’agit d’une intervention au domicile des familles, qui vise à renforcer un attachement secure chez l’enfant en améliorant la sensibilité parentale. Le programme met l’accent sur la reconnaissance des signaux émis par l’enfant et la capacité à y répondre de façon prompte et ajustée, ainsi que sur les émotions. Le principe du « parler pour l’enfant » consiste à se faire le porte-voix des émotions de l’enfant en les verbalisant à haute voix, à partir des expressions faciales et indices non verbaux donnés par l’enfant.

Ce programme insiste également sur la discipline « sensible » : assortir l’interdiction d’une explication sur les conséquences de l’acte, distraire l’enfant quand la crise survient, renforcer les comportements positifs, l’isoler momentanément, manifester de l’empathie. Le VIPP utilise la vidéo. Les interactions parents-enfants sont filmées et servent de support de travail avec les parents. Pourquoi ? Parce que les concepteurs du programme ont constaté que le processus d’identification fonctionnait peu avec des tutoriels vidéo mettant en scène des inconnus.

Quelques aménagements mineurs pour transposer le programme en crèche

Une nouvelle expérience vient d’être menée avec ce programme, comme l’expliquent les auteurs de l’article “Video-feedback intervention in center-based child care: A randomized controlled trial” publié dans le dernier numéro de la revue Early Childhood Research Quarterly. Il a été testé dans des structures d’accueil des jeunes enfants, toujours aux Pays-Bas, dans le but d’augmenter la qualité des soins prodigués par les professionnels. Il s’agit donc ici de travailler sur les figures d’attachement secondaires que représentent les professionnels, d’améliorer leur sensibilité aux besoins de l’enfant pour assurer la sécurité émotionnelle des tout petits, toujours sur la base de feedbacks par la vidéo. Quelques aménagements au programme initial ont été apportés, notamment parce que le niveau de connaissances des professionnels concernant le développement de l’enfant est plus élevé que celui des parents. Ce niveau de connaissances a été pris en compte et intégré dans les échanges avec les professionnels.

Parce que les effets de cette intervention auprès des parents sont majorés auprès des familles en difficultés, les chercheurs en charge de cette expérimentation ont fait très attention à intégrer dans leur échantillon des structures de quartiers sensibles. Les enfants accueillis ont entre 0 et 4 ans, mais 50% ont plus de 2,5 ans (l’accueil des O-6 ans n’est pas formalisé de la même façon qu’en France, puisqu’on ne retrouve pas aux Pays-Bas la fameuse scission entre les 0-3 ans et les 3-6ans). 64 professionnels ont participé, 34 dans le groupe intervention, 30 dans le groupe contrôle (dans ce dernier groupe, ils recevaient un « coaching par téléphone » au lieu des sessions avec feedback vidéo, coaching qui consistait en une écoute active mais sans délivrance de conseils). Un pré test a été réalisé auprès de tous les participants qui a consisté en l’observation des pratiques durant plusieurs moments et activités (repas, change, jeu libre, activités de groupe) en utilisant comme référentiel le « Early Childhood Environment Rating Scale-Revised ».

Des résultats positifs qui invitent à étendre le programme

Un post test a ensuite été effectué, avec le même outil, deux à quatre semaines après la fin de l’intervention. La capacité des professionnels à prodiguer un support émotionnel suffisant et adéquat, dans des situations normales et dans des situations de stress, leur capacité aussi à diviser leur attention entre tous les enfants, à montrer de l’intérêt pour les activités de l’enfant, à reconnaître ses besoins, émotions et compétences, tous ces items ont été évalués avec une échelle spécifique, conçue aux Pays-Bas, le « Caregiver Interaction Profile scales ».

Résultats : le groupe qui a bénéficié de l’intervention a nettement progressé dans sa façon de répondre aux signaux émis par l’enfant, et pas le groupe contrôle. Cette amélioration a surtout été manifeste dans les situations de jeu structuré (les groupes d’enfants sont plus petits lors de ces temps spécifiques et il est plus facile d’activer les connaissances apprises pendant une formation dans les situations proches des situations types évoquées, or le jeu structuré fait l’objet d’un focus important dans le programme VIPP).

Les auteurs de l’article sont tout de même très optimistes. Ils estiment qu’avec le temps les nouvelles compétences acquises vont se consolider et être transposées à d’autres types d’activité. Ils trouvent également encourageant de constater que l’intervention a été efficace auprès de professionnels formés et aguerris. Ces derniers ont d’ailleurs évalué très positivement le programme, le trouvant informatif et utile. Ils ont même émis l’idée de l’inclure dans la formation initiale des futurs professionnels.
Pour les auteurs le programme peut tout à fait s’adapter à l’organisation d’une crèche et à l’emploi du temps bien rempli des salariés. Etant donné qu’il y a toujours deux ou trois professionnels dans un espace avec les enfants, il est possible de procéder aux vidéos avec un groupe restreint et une salariée pendant que les autres s’occupent des enfants. Le debriefing de la vidéo peut être fait pendant le temps de repas de la salariée. Six sessions toutes les deux ou trois semaines : c’est gérable sans générer trop de coûts en terme de mobilisation de personnel supplémentaire.
En conclusion les auteurs estiment qu’il pourrait être intéressant de tester ce type d’interventions dans les institutions relevant de la protection de l’enfance ou les orphelinats.