Que deviennent les enfants issus de l’Assistance Médicale à la Procréation ? Que peut-on dire de leur état de santé somatique, de leur risque de malformations ou de troubles neuro-développementaux, de leur santé mentale, de leur bien-être, de leurs performances scolaires ? La journée organisée le 4 juin dernier à Paris au Musée des Arts et Métiers par l’INED avait l’ambition d’apporter quelques pistes de réflexion. Elle a permis de rappeler que sur le plan psychique, ces enfants issus d’une AMP (y compris ceux élevés dans des familles monoparentales, homoparentales ou par un parent transgenre) vont bien et que les relations au sein de leur cellule familiale sont ajustées.  

Comme le pose Lidia Panico, chercheuse à l’INED, en introduction, il existe «peu d’études et les défis épidémiologiques sont importants ». « Le sujet est passionnant parce qu’on peut faire de nombreuses hypothèses ». Celle par exemple de l’impact négatif des grossesses multiples, de la prématurité, et peut-être même des procédures elles mêmes plus à risque. Mais, d’un autre côté, les parents qui se dirigent vers l’AMP sont de milieu plus favorisé, il s’agit de couples stables avec un fort désir d’enfant, autant de facteurs très positifs. « En terme de politiques publiques, ces enfants sont très intéressants, pose Lidia Panico. Il est important de repérer d’éventuelles difficultés pour améliorer l’accompagnement.» Les données de la recherche peuvent aussi permettre d’apaiser les discussions et de rendre le débat plus scientifique. « Souvent la perspective est du côté des parents, nous avons voulu déplacer la focale du côté de l’enfant ».

Côté santé, l’impact de la technique mais aussi du délai de conception

Cette journée a été l’occasion de passer en revue les données sur l’état de santé de ces enfants. Patricia Fauque (Service du Laboratoire de Biologie de la Reproduction-CECOS, Centre d’Assistance Médicale à la Procréation de Dijon) rappelle que 7 millions d’enfants dans le monde sont issus de l’AMP soit 2 à 6% des naissances mondiales. En France l’AMP représente 3% des naissances. L’une des grandes évolutions récentes concerne la primauté donnée aux transferts d’un seul embryon. Les grossesses gémellaires devraient commencer à diminuer. Les études montrent un différentiel de poids de naissance important pour les embryons frais avec un poids de naissance en moyenne plus faible de 500 grammes par rapport aux embryons congelés. Cette différence de croissance foetale intervient tôt. Une étude française (Sagot et al, 2012) a mis en exergue une (très faible) augmentation du risque de malformations pour la FIV et l’insémination intra-utérine. Mais une autre étude (Zhu et al) souligne un possible impact de l’infertilité sous-jacente, au-delà de la technique elle-même. Il semble que ce léger risque de malformation augmente avec le délai nécessaire à la conception.

Des performances scolaires peut-être un peu moins bonnes

Concernant le développement cognitif, une méta analyse de 2013 (Hart et al) ne met en évidence aucune différence majeure entre les enfants conçus par AMP et les autres. Dans une recherche menée à partir des registres danois (Spanmose et al, 2017), les enfants de 15 et 16 ans issus d’AMP présentent de meilleures performances scolaires. Mais après ajustement sur le groupe socio-culturel des parents, une différence en maths et en physique chimie apparaît en leur défaveur. A noter : cette étude ne prend pas en compte l’éventuelle prématurité de ces enfants. Une étude suédoise de 2018 (Norman et al) conclut elle aussi à des performances scolaires plus faibles.

Un potentiel risque épigénétique

Un risque épigénétique (qui n’impacte pas la séquence d’ADN) semble exister, qui interviendrait au moment de la technique. Il y a ainsi un consensus sur le fait que le risque est 5 fois plus élevé d’avoir une pathologie liée à l’épigénétique pour le syndrome de Silver-Russel. Tous les cas de Beckwith Wiedmann après une AMP sont liés à un défaut de méthylation. Ce n’est pas le cas pour les enfants nés hors AMP et qui présentent ce syndrome.
En résumé, sur le plan de la santé, il existe des risques périnataux sur le poids de naissance dépendants des techniques et des facteurs parentaux. On ne peut pas nier le risque potentiel épigénétique, et pour les risques cardiovasculaires, il faudra voir à plus long terme. Il apparaît indispensable de prendre en compte toutes les variables confondantes (tabagisme, poids de la mère, complications obstétricales) mais aussi le délai d’infertilité qui semble crucial. Pour Patricia Fauque, il faut pouvoir croiser le registre des FIV et le registre des données de santé des enfants. L’ensemble de ces risques demeurent assez faibles.
Elle termine sa présentation sur le fait que la France présente un taux de naissance après traitement assez moyen avec surtout de fortes différences de taux de naissance entre centres. Ce qui pose question.

Santé mentale et fonctionnement familial : des enfants et des parents qui vont bien, voire mieux que les autres

Au-delà de la santé somatique, c’est le bien-être psychique de ces enfants et de leur famille qui intéresse les chercheurs, et le grand public. Vasanti Jadva (Centre for Family Research, University of Cambridge, Royaume-Uni), chercheuse appartenant à l’équipe de Susan Golombok dont nous avions chroniqué le livre en 2016, présente une étude relative aux interactions parents-enfants et à l’ajustement psychologique des enfants dans les familles qui ont eu recours à un don de gamète ou à la GPA. Les familles ont été recrutées à partir de l’année 2000 dans les hôpitaux et cliniques (143 familles pour le groupe test et 80 familles pour le groupe contrôle). Des questionnaires ont été soumis aux parents et aux enseignants et des entretiens menés auprès des enfants (lorsqu’ils ont été en âge de s’y prêter). Des vidéos observationnelles des interactions ont été réalisées.
La plupart des familles ayant eu recours à l’AMP ne connaissent pas le donneur et lorsqu’elles le connaissent, il fait en général partie de la famille.

Au un an de l’enfant, les parents des familles AMP présentent un meilleur état de santé mental, plus de bien-être et une meilleure adaptation à la parentalité que le groupe contrôle mais aussi un meilleur engagement émotionnel. A l’âge de deux ans, les mères du groupe AMP manifestent davantage de plaisir et de compétence, moins de colère, de culpabilité ou de déception dans leurs relations à l’enfant. Aucune différence n’est perceptible du côté du développement socio-émotionnel ou cognitif des enfants. A l’âge de trois ans, les résultats sont similaires en ce qui concerne la chaleur parentale et la qualité des interactions. A 7 et 10 ans, les mères qui n’ont pas révélé le mode de conception à leur enfant manifestent avantage de détresse émotionnelle que les mères qui ont expliqué à l’enfant comment il avait été conçu et les interactions sont moins bonnes. Les enfants issus d’une GPA manifestent plus de difficultés à 7 ans mais la différence s’estompe à 10 ans. A 14 ans, les scores de toutes les familles sont plutôt élevés en matière de fonctionnement familial et l’ajustement psychologique des adolescents est très similaire d’un groupe à l’autre.

Dire très tôt la vérité aux enfants

De façon générale les adolescents qui ont appris la vérité avant l’âge de sept ans présentent de meilleurs scores sur le plan du bien-être et de l’ajustement psychologique. Même si l’étude montre qu’à 7 ans les enfants comprennent assez peu ce que signifie ce mode de conception. A 10 ans ils le comprennent davantage et se montrent plutôt positifs ou sans avis sur la question et en parlent peu autour d’eux. L’étude souligne aussi les difficultés de positionnement des parents, leurs hésitations et malaise : parler de la FIV mais sans évoquer le don, en parler lorsque l’enfant est très jeune mais plus du tout par la suite, être en contact avec la gestatrice ou le donneur mais sans que l’enfant connaisse son rôle, cesser le contact avec la mère porteuse. Parmi les 47 adolescents interviewés à 14 ans (9 issus d’un don de sperme, 15 d’un don d’ovocyte, 23 d’une GPA), 7 ont exprimé des sentiments positifs, 32 de l’indifférence, 5 de l’ambivalence. Les indifférents se retrouvent dans les trois modes de conception (don de sperme, d’ovocyte ou GPA).

Comprendre ce que peut changer la levée de l’anonymat pour les mères : une nouvelle étude anglaise

Dans la mesure où la loi a changé en Grande-Bretagne avec la levée de l’anonymat des dons de gamètes, les chercheurs se demandent si le fait d’avoir un donneur identifié va modifier les relations entre parents et enfants. L’équipe de Vasanti Jadva mène donc une nouvelle étude avec une cohorte de 85 femmes ayant eu recours à une donneuse d’ovocytes (dont 12 sont des donneuses choisies donc connues et 73 sont des « ID release » c’est à dire que leur identité peut être obtenue à la majorité de l’enfant) et un groupe contrôle de femmes avec une FIV sans donneuses. Peu de différences sont apparues en ce qui concerne les entretiens menés avec les mères. Les mesures observationnelles (vidéos) montrent de moins bons scores dans les interactions pour les mères avec donneuses. Mais la chercheuse précise que toutes les mères présentent des résultats appartenant à la moyenne haute des performances. Parmi les 12 femmes qui ont choisi leur donneuse, huit ont fait appel à un membre de la famille (7 sœurs et une nièce), deux à des amies, deux à des donneuses trouvées sur le net.
Une autre étude a été lancée par la même équipe pour comprendre pourquoi de plus en plus de femmes cherchent un donneur de sperme sur internet (au lieu de passer par la banque de sperme). Il semblerait que les femmes qui ont recours à cette méthode soient moins enclines à révéler l’identité du donneur. Se débrouiller seules pour trouver le donneur plutôt que passer par l’institution leur permet de garder le contrôle sur ce qu’elles veulent dire ou pas. Alors que dans le système officiel, la levée de l’identité du donneur aux 18 ans de l’enfant est un droit.

Les enfants de pères transgenres vont bien

Agnès Condat (Service de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, GH PITIÉ-SALPÉTRIÈRE) propose une étude comparative transversale sur le développement psycho-affectif d’enfants conçus par IAD avec père transgenre.
La cohorte comprend 28 enfants nés par relations sexuelles de parents hétérosexuels, 28 enfants nés par insémination de parents hétérosexuels et 32 enfants nés par insémination dont le père est transgenre (est né femme). Le groupe contrôle conçu par relations sexuelles présente un meilleur niveau socio-économique, ce qui présente l’intérêt d’éviter un biais socio-économique (des résultats potentiellement très positifs chez les enfants de père transgenre ne pourront pas être expliqués par le niveau socio-économique de leur famille). Aucune différence n’apparaît entre les enfants pour le QI ou sur le plan de la psychopathologie (aucun enfant n’est malade). Tous les enfants sont cisgenres. Les pères transgenres manifestent davantage de sur-implication émotionnelle. Les chercheurs ont procédé à un test intéressant. Ils ont demandé à 23 enfants des trois groupes de dessiner leur famille. Les dessins ont été soumis à des groupes de cotateurs (psychiatres adultes, biologistes, endocrinologues, psychanalystes, thérapeutes familiaux, étudiants en médecine) qui devaient trier les dessins en faisant appel à leurs connaissances et expertise. Aucun n’a fait mieux que le hasard, c’est à dire qu’aucun groupe n’a pu identifier les dessins des enfants de père transgenre.

Des enfants sur représentés dans les catégories aisées

Autre éclairage intéressant pour mieux cerner l’état de santé des enfants : les données socio-économiques qui ont un impact sur le bien être. Alice Goisis (Centre for Longitudinal Studies, University College London, Royaume-Uni) présente une étude menée en Norvège. Elle montre que les enfants nés par AMP sont plus susceptibles d’appartenir à des parents aisés avec un niveau de revenus élevés et un niveau d’éducation plus élevé. Il existe un fort gradient social. Les enfants sont aussi plus souvent le premier né et l’enfant unique du couple. Elle en déduit qu’il est important de prendre en compte ces critères de sélection sociale quand on étudie le développement des enfants issus d’AMP et de toujours montrer des résultats à la fois ajustés et non ajustés. Sur le plan de la santé publique, il est nécessaire de s’interroger sur l’inégalité d’accès aux traitements malgré la générosité du système norvégien (la question peut se poser dans les mêmes termes en France). L’une des questions est notamment de savoir s’il existerait un besoin non pris en compte parmi la population la plus défavorisée, qui peut aussi moins spontanément se tourner vers l’AMP en raison, par exemple, d’une plus forte instabilité conjugale.

L’évaluation pour permettre des choix éclairés

La deuxième partie de cette journée a été consacrée au bien-fondé et aux modalités de l’évaluation.
Maryse Bonduelle (Vrije Universiteit Brussel, Reproduction and Genetics Research Group -REGE-) plaide pour « regarder les données médicales, développementales, le bien être, les conditions à long terme » parce que « le souhait des parents de se reproduire peut être réduit selon le bien être de l’enfant. » « La recherche doit bénéficier à l’enfant, elle doit permettre d’aider les parents à prendre une décision en étant bien informés.» Fabienne Pessione, de l’Agence de Biomédecine, est sur la même ligne : « Parfois la dangerosité d’un traitement entre en conflit avec son efficacité. Le transfert de 2 embryons garantit davantage une grossesse mais il implique un risque de grossesse gémellaire et donc de prématurité. Dans ces cas là l’information est capitale. Il faut pouvoir parler des conséquences de la prématurité, que les gens prennent leur décision en connaissance de cause.
Les associations qui participent à nos travaux ont même insisté pour que soient rédigées des plaquettes d’information moins simplistes et moins généralistes. »

Le député du Rhône Jean-Louis Touraine, rapporteur de la mission sur la révision des lois de bioéthique, évoquera le sujet lors de la seconde table-ronde : « L’évaluation est nécessaire et bénéfique, c’est une évidence. Elle est en retard dans notre pays. Il faut évaluer pour faire évoluer, pour progresser, améliorer, corriger, répondre aux questions. Un enfant sans père va-t-il avoir des lacunes, des difficultés, des chances amoindries ? Ce ne doit pas être un tabou de poser la question. Ces études sont très bien faites par l’école de Cambridge. Elles nous montrent qu’il n’y a pas d’effets négatifs. Ces enfants qui font l’objet d’un fort investissement, vont bien, même mieux. Inspirons nous de la méthode de la pharmacovigilance. On regarde les effets adverses imprévus.»

Pour des recherches éthiques…et « bienveillantes » ?

Marie Claude Picardat, de l’APGL note que l’avantage des études, qui montrent un développement normal des enfants élevés par des couples homosexuels, est qu’elles peuvent faire évoluer les mentalités. Néanmoins, elle appelle à la prudence. « Si ca permet d’éclairer une société rétive et hostile, oui, nous sommes favorables à l’évaluation, mais avec des pincettes. Nos enfants ont été des enfants d’homos puis sont devenus des enfants issus de la PMA. Quand deviendront-ils des enfants comme les autres ? » Elle déplore en outre le manque d’égard des chercheurs. « On a participé à beaucoup d’enquêtes et d’études. Nos famille sont souvent sollicitées par les chercheurs. Elles ont un peu l’impression d’être des grenouilles disséquées et laissées sur la paillasse. On a eu un litige avec l’EHESS qui n’a pas daigné répondre à un courrier. Les équipes pourraient au moins restituer les résultats des enquêtes. On s’engage, on donne, on doit être considérés

La eprésentante de l’association Mam’ensolo estime que l’évaluation permet de donner des réponses objectives aux enfants et qu’elles sont utiles dans la mesure où « on peut faire l’hypothèse que le mode de conception peut avoir une incidence sur le développement de l’enfant. » Elle aimerait que ces études portent davantage sur l’environnement social, avec notamment une évaluation tournée vers les professionnels « qui risquent de projeter leurs angoisses sur nos enfants ». «Tout le monde s’accorde à dire que les interdits de 1994 ont causé dix ans de retard. Il serait plus efficace de commencer par expérimenter, puis évaluer et enfin légiférer ». Elle appelle à des études « bienveillantes ». Ce qui interroge. Si la recherche doit être éthique, peut-elle être bienveillante?

La thérapie comme terrain de recherche

Le psychanalyste Serge Hefez livre à son tour son point de vue : « ma pratique c’est la psychothérapie. Mon terrain de réflexion et de recherche c’est ce face à face singulier avec les patients, les couples, les familles dans mon cabinet. A partir de ça je tire une réflexion, une analyse, une expertise. Il y a 25 ans je recevais pour la première fois une famille homoparentale avec une fille adoptée et un garçon né par AMP. J’ai compris ce qu’était un processus familial. La vision n’est pas la même pour tous les psychanalystes. C’est un véritable champ de bataille. J’ai été très soulagé de lire la littérature internationale qui disait que ces enfants étaient comme tous les autres. Donc oui, c’est important de besoin de faire autant d’études. Si j’avais lu que 90% de ces enfants devenaient psychotiques, je me serais posé des questions : ai-je un biais de sélection ? » »

Méfiance vis-à-vis des études qui portent sur la parentalité

Dans le public, Nathalie Rives, Présidente de la fédération des CECOS (qui interviendra dans la deuxième table-ronde) différencie les études qui portent sur les facteurs biologiques de celles qui portent sur le psychoaffectif (comme celles présentées par Vasanti Jadva le matin).  « Pour le psycho affectif, on n’évalue pas les enfants mais la capacité des parents à les élever et les conséquences sur les enfants. On a tendance à vouloir stigmatiser. Cela revient à définir ce qu’est un bon parent. Or, qu’est-ce qu’un bon parent ? »
Un peu plus tard la représentante de Mam’ Ensolo rebondira en écho : « si les études visent à dire ce qu’est un bon parent? » Serge Hefez leur emboîte le pas : « La police des familles est là depuis toujours. Il y a un risque de crispation normative et réactionnaire fort. Au delà d’évaluer les bons parents, qu’est ce qu’une bonne famille ? »

Ce que la recherche entend par « bon parent »

Cet éternel débat est étonnant. D’abord parce que comme le posera le député Jean-Louis Touraine dans son intervention, « la connaissance n’a rien à voir avec la morale, elle n’est ni morale ni amorale.» Il semble qu’il y ait toujours en France une confusion entre la recherche de causes ou d’explications et la recherche de potentiels coupables. C’est rarement la recherche qui est « stigmatisante » mais l’utilisation, notamment politique, qu’on en fait. Les différents orateurs semblent par ailleurs ignorer des décennies de recherche en psychologie sur la parentalité et l’éducation.

Il se trouve qu’on sait aujourd’hui à peu près ce qu’est un bon  parent ou à tout le moins ce qu’est la parentalité la plus adaptée à un enfant lambda. Des milliers d’études ont ainsi mis en exergue l’importance des interactions précoces, le besoin d’attachement de l’enfant, l’importance de la sensibilité et de la chaleur parentales, la capacité des parents à répondre aux besoins fondamentaux de l’enfant (dont son besoin de sécurité affective et de stimulation cognitive) et à poser un cadre sans recours à la violence. Ce sont, en très résumé, les critères qui permettent de définir une parentalité ajustée aux besoins d’un enfant dans une société occidentale. A contrario la recherche (et les mesures de protection de l’enfance) montre que les enfants confrontés à des parents peu chaleureux ou désengagés, trop laxistes ou trop autoritaires, c’est à dire des parents qui soit ne répondent pas aux besoins de leur enfant soit ne posent pas de cadre, se développent moins bien. Il se trouve que les études sur les « nouvelles » familles soulignent que leurs postures et pratiques éducatives ne sont pas moins ajustées que celles des autres familles.

Débat sur la déclaration commune anticipée de filiation

Les échanges seront vifs concernant la question, non pas de l’accès aux origines des enfants issus d’un don (qui semble ici faire consensus) mais de l’éventuelle inscription dans l’état civil de l’enfant de sa conception par AMP avec donneur. Le rapport de Jean-Louis Touraine reprend en effet une proposition notamment portée par la sociologue Irène Théry d’une déclaration commune anticipée de filiation qui figurerait sur l’acte de naissance intégral de l’enfant (comme c’est le cas pour les jugements d’adoption). Pour les promoteurs de cette proposition, il ne s’agit pas seulement de permettre à tous les enfants ainsi conçus de pouvoir accéder à leurs origines. Il ne s’agit même pas de contraindre les familles à « dire la vérité », mais davantage de sortir d’une conception française du don fondée sur le secret, la fiction, ce qui a pour conséquence de renforcer voire susciter la stigmatisation de ces familles. Cette déclaration anticipée doit permettre de valoriser ce mode de conception et d’en finir avec cette honte sociale induite ou pré-supposée par le système lui-même.

Ces dernières semaines les tribunes se sont multipliées pour porter les arguments des uns et des autres. Ce sont les alliés d’hier (favorables à la PMA pour toutes et tous) qui s’affrontent désormais.
Lors du colloque de l’INED, Marie-Laure Picardat de l’APGL, manifeste sa vive opposition : « Imposer l’inscription à l’état civil, ça nous paraît attentatoire aux libertés. L’origine des personnes c’est l’histoire de leurs parents, le désir de leurs parents. A un moment leurs parents ont rencontré de l’aide. L’information sur l’ADN ce ne sont pas leurs origines, ce sont des connaissances.» Nathalie Rives, Présidente de la fédération des CECOS, la rejoint : « Nous sommes opposés à une inscription sur l’acte de naissance. La question des origines ne se limite pas à l’identité du donneur. Sur les informations à transmettre, les souhaits des uns et des autres ne sont pas les mêmes. Je suis favorable à une évolution progressive dans le respect des souhaits des uns et des autres. Imposer une inscription c’est contre nos principes. Jamais je n’accepterai de prendre en charge un couple ou une femme seule en les obligeant à faire déclaration anticipée. On ne peut pas distinguer les individus selon la naissance.» La tribune publiée dans Libération le 19 mai, « PMA, don et stigmate : parlons-en », répond en grande partie à ces arguments.

Jean-Louis Touraine défend son rapport et cette proposition : « L’inscription sur l’acte intégral se fait déjà pour les enfants adoptés. Je pense qu’il est nécessaire qu’il n’y ait pas de discrimination entre enfants élevés par les couples homosexuels et hétérosexuels. Il n’est pas acceptable au 21è siècle que ces enfants soient pénalisés. Il faut des droits équivalents. On ne doit pas rendre difficile leur accès aux informations sur leur donneur. Il est important que les parents ne soient plus 80% à ne pas informer les enfants. C’est indigne de la France. L’intérêt de l’enfant doit toujours être prioritaire. Il faut un accès aux informations médicales sinon c’est une perte de chance. »
Arthur Kermalvezen, de l’association Origines, emblématique représentant des enfants issus d’un don, confie son malaise. « Dans un premier temps on était favorable à une inscription quelque part. On a réfléchi pour savoir si ça pouvait fonctionner. Vu les résistances, ça pourrait être inopérant. La petite proposition qu’on fait est qu’avant d’en arriver là, il faut arrêter de créer les conditions garantissant le secret (comme le choix du groupe sanguin identique entre le donneur et le père d’intention). Il faut cesser de demander à des scientifiques de créer le mensonge. »

Le projet de loi de bioéthique sera déposé en Conseil des Ministres avant la fin juillet et présenté devant l’Assemblée Nationale après l’été.