Voici une très instructive meta analyse qui plonge dans les boîtes noires des programmes de soutien à la parentalité. Consacrée aux interventions ciblant les comportements « disruptifs » des enfants, elle identifie les « techniques » transmises aux parents qui se révèlent les plus efficaces. Et montre aussi à quel point les résultats diffèrent selon que le programme est proposé en préventif ou en curatif.
La littérature montre que pour des enfants présentant un comportement disruptif (haut niveau d’agressivité, faible capacité d’auto régulation, provocations, défiance…), les programmes qui visent à modifier le comportement des parents constituent la méthode la plus efficace. Ces programmes sont en général multi-facettes (l’objectif est d’augmenter les connaissances et compétences des familles et modifier leurs pratiques) et il est difficile de savoir ce qui fonctionne exactement. La méta analyse* publiée en février 2019 dans la revue Child and Adolescent Psychiatry propose de passer au crible la boîte noire de ces programmes afin d’identifier les techniques qui apparaissent comme les plus efficaces, c’est à dire de comprendre ce qu’il est nécessaire d’enseigner aux parents pour que le comportement de leur enfant soit moins disruptif. Les auteurs avaient également comme objectif d’affiner les théories permettant d’expliquer comment les pratiques influent sur le comportement de l’enfant. Cette méta analyse cherche enfin à comprendre si les techniques les plus efficaces diffèrent selon que le programme est préventif (la famille est à risque) ou curatif (le trouble est déjà diagnostiqué).

Résumé des ingrédients les plus fréquents dans les programmes de soutien parental

L’un des grands intérêts de cet article est notamment qu’il propose un tableau résumant ces « techniques » déclinées dans la plupart des programmes. A savoir :
– la psycho-éducation (la transmission d’informations sur le développement de l’enfant),
– le renforcement positif (réagir au comportement positif de l’enfant par des félicitations et récompenses),
– la discipline non violente (ignorer le comportement négatif, le temps de pause -l’enfant, plus ou moins à l’écart, cesse son activité-, enseigner à l’enfant les conséquences naturelles et logiques de ses actes)
– la parentalité pro-active (poser des règles, donner des instructions claires et appropriées à l’âge de l’enfant, surveiller l’enfant -et connaître notamment ses pairs-),
– le renforcement de la relation (par le jeu notamment), l’écoute active,
l’augmentation des compétences des parents pour eux-mêmes (reconnaître et réguler ses propres émotions, impliquer son partenaire),
– le renforcement des compétences didactiques des parents (pour qu’ils apprennent à leurs enfants à réguler leurs émotions, à résoudre eux-mêmes un problème, à interagir avec autrui).

Plus grande efficacité des programmes « curatifs »

Concernant l’efficacité relative de ces programmes selon leur niveau de ciblage, il apparaît clairement que plus ces programmes sont ciblés plus ils sont efficaces. Lorsqu’ils ont une visée universelle (toutes les familles potentiellement concernées), les effets sont très faibles (cela semble vrai surtout pour les pays européens). L’impact est plus fort lorsque le programme est proposé à des familles présentant des facteurs de risque, il est encore plus marqué quand les enfants manifestent déjà quelques troubles du comportement. L’effet le plus évident concerne les programmes destinés aux familles dont l’enfant présente manifestement un trouble du comportement.
Trois techniques sont associées à des résultats plus forts : le renforcement positif, le fait de féliciter l’enfant et le fait de recourir aux « conséquences naturelles et logiques » (faire comprendre à l’enfant que son comportement a des conséquences, par exemple, si l’enfant manipule violemment un jouet, ce jouet lui est retiré des mains). D’autres techniques présentent elles aussi de bons effets : le time-out, la parentalité pro-active et notamment la surveillance de l’enfant.

En prévention, attention à ne pas transmettre trop d’informations

Les auteurs insistent : en plus des trois ingrédients majeurs cités (renforcement positif, félicitations, conséquences naturelles et logiques), certaines techniques additionnelles viennent renforcer l’efficacité pour les enfants qui présentent déjà des signes (prévention sur indication) ou sont diagnostiqués (traitement). Par exemple : le travail sur la relation parent-enfant à travers le jeu, l’écoute active, le time-out. A contrario, pour les programmes universels ou axés sur les populations à risque (prévention sur sélection), certaines techniques additionnelles viennent amoindrir les effets des trois techniques majeures. C’est le cas de l’auto-régulation parentale (qui vise à augmenter le bien-être parental). Transmettre cette technique aux parents atténue l’efficacité du programme en contexte universel. Il s’agit là pour les auteurs de l’illustration d’un adage fréquemment vérifié en psycho-éducation : « moins, c’est plus ». C’est à dire que lorsqu’on transmet trop d’informations, les conseils vraiment utiles et adaptés se noient dans la masse. Les auteurs concluent donc qu’il est désormais essentiel de différencier les programmes à visée universelle des programmes préventifs. On ne peut se contenter de répliquer pour de la prévention universelle des programmes qui ont fait leurs preuves en curatif.

*Meta-Analyses: Key Parenting Program Components for Disruptive Child Behavior, Patty Leijten, Frances Gardner, G.J. Melendez-Torres, Jolien van Aar, Judy Hutchings, Susanne Schulz, Wendy Knerr, Geertjan Overbeek in Child and Adolescent Psychiatry, Février 2019, vol 58, Issue 2