Ce rapport de la Education Endowment foundation porte sur le partenariat parents-école. Il s’agit d’une revue de littérature des actions qui facilitent cette coopération dans le but d’améliorer les résultats scolaires des enfants. Le champ d’investigation est donc très précis. Il n’est pas ici question de traiter l’ensemble de la problématique de la co-éducation mais seulement de répertorier les dispositifs qui ont un impact sur les performances académiques des élèves.

Dans l’introduction de cette revue de littérature en forme de guide*, intitulée  “Travailler avec les parents pour soutenir ls apprentissages des enfants”, Kevan Collins, le directeur de l’Education Endowment Foundation, déplore qu’ « en dépit des efforts fournis, les élèves les plus pauvres sont toujours beaucoup moins susceptibles que leurs pairs de quitter l’école avec les qualifications dont ils ont besoin. » « Alors qu’une grande partie de ce combat peut être menée à l’intérieur de l’école, ce qui survient à la maison est également crucial. Nous savons que le niveau d’implication parentale est associé de façon consistante avec les résultats académiques des enfants. Nous savons aussi que l’emploi d’un parent, son niveau d’éducation et de revenus comptent moins pour le développement de l’enfant que ce que ce parent fait réellement avec lui. »

Le rapport décline quatre grandes recommandations qu’il développe dans le détail.

1) Réaliser un diagnostic critique de ce que l’établissement fait déjà avec les parents

Les auteurs rappellent d’abord cette information capitale : il existe, pour tous les âges scolaires des liens avérés entre « l’environnement d’apprentissage au domicile » et les performances des enfants. Il est donc recommandé de pousser les parents à avoir de hautes ambitions pour leurs enfants, de maintenir une bonne communication avec les familles au sujet des activités scolaires, de promouvoir des habitudes de lecture. Il est pertinent de poursuivre des objectifs différents selon les âges. Pour les plus jeunes on peut ainsi chercher à stimuler le langage oral et l’auto-régulation.

Néanmoins, les stratégies que les écoles peuvent mettre en œuvre pour engager davantage les parents dans une perspective purement scolaire présentent des résultats mitigés. En tous cas plus mitigés que les interventions au sein de la classe qui ont davantage d’effet sur les performances académiques. Il peut être également difficile et chronophage de chercher à mobiliser les parents (parce qu’il s’agit de leur demander du temps).
Pour les auteurs, le premier frein à l’efficacité d’une co-éducation réside dans le fait que la plupart des écoles ne parviennent de toute façon pas à formuler explicitement ce qu’elles mettent en place en direction des parents. Or, il faut commencer par là : être capable de poser un diagnostic et d’identifier les modalités mises en œuvre concrètement pour favoriser ce partenariat parents-école.

Le rapport propose aux écoles:
– D’élaborer un plan d’action très clair avec les buts recherchés
– De passer en revue les pratiques actuelles et identifier celles qui fonctionnent et celles qui ne marchent pas
– D’essayer de comprendre ce que les parents les moins investis trouveraient utile. Il est absolument capital de s’informer auprès des familles pour comprendre exactement leurs conditions de vie, les éléments qui facilitent et entravent le soutien qu’elles peuvent apporter à leurs enfants
– D’arrêter les activités qui n’apportent pas de bénéfices clairs. Il est notamment important de bien différencier les actions qui ont vraiment un impact sur les résultats de l’enfant de celles qui ont des effets plus généraux (davantage de présence parentale au sein de l’école, une attitude plus active dans la surveillance des enfants, une meilleure confiance entre les différents partenaires). Pourquoi ? Parce que l’investissement des parents au sein de l’école est un bon marche-pied pour la réussite de l’enfant mais ce n’est pas suffisant en soi pour améliorer les résultats scolaires.

Pour les auteurs il ne s’agit pas forcément d’en faire plus mais peut-être de davantage cibler les actions vers un unique objectif. La première limite à la mise en place d’actions efficaces réside dans le fait que les enseignants sont en fait très peu formés à la relation aux parents, notamment à ceux qui sont considérés comme les plus difficiles à atteindre. Autre frein : ce travail nécessite du temps, rarement formalisé. Il faut évaluer la surcharge de travail et dégager le temps correspondant. Lorsque la recherche de cet engagement parental se révèle complexe, il est impératif de soutenir le professionnel et de lui proposer des ressources.
Etant donné la part très limitée de données probantes sur le sujet il est indispensable pour les établissements scolaires d’évaluer régulièrement les actions menées en mesurant les effets obtenus.

2) Prodiguer des conseils pratiques pour soutenir l’apprentissage à la maison

Ces conseils seront différents selon l’âge de l’enfant. Pour les plus jeunes l’accent sera mis sur les temps de lecture partagés, les jeux autour des lettres et des nombres. L’école peut aussi chercher à s’assurer qu’il y a bien à la maison du matériel propice aux apprentissages (livres, puzzles, jouets). L’école peut tout à fait expliquer aux parents comment lire de façon plus interactive avec l’enfant ou comment avoir avec lui des conversations fréquentes et insister sur le fait que ce sont là des facteurs clés de sa réussite ultérieure. Les auteurs donnent un exemple très concret : les enseignants peuvent tout à fait inciter les parents à utiliser l’environnement extérieur (les noms des rue ou de boutiques, les stations de métro, les panneaux) pour initier l’enfant à l’écrit et aux lettres. Lorsque l’enfant grandit et entre vraiment dans l’apprentissage de la lecture, l’école peut là encore donner des trucs et astuces aux parents pour mieux accompagner cet apprentissage. Par exemple la technique du «une pause, un indice, un encouragement » : prendre le temps lorsqu’une difficulté survient pour approfondir et la surmonter, donner  un coup de pouce sans donner la réponse, féliciter quand l’enfant trouve la solution.
Offrir des livres aux familles ne suffit pas en tant que tel pour augmenter les compétences des enfants. Mais en profiter pour prodiguer des conseils structurés, précis, pour donner des idées d’activités avec des livres choisis peut se révéler probant. Un programme (Parents and Children Together) propose ainsi la mise à disposition de livres avec des instructions très claires et encourage les parents à partager un temps de lecture ou d’activité ludique favorisant le développement du langage 20 minutes par jour. Il cible les parents d’enfants âgés de trois ans, de milieu défavorisé. Les effets sont positifs sur le développement du langage oral.

Les devoirs…Ah, les devoirs ! Sujet hautement inflammable (« Ils sont interdits ! » s’énervent les uns, « ils accroissent les inégalités ! » déplorent les autres, quand certains parents, eux, jugent la qualité de l’enseignant à l’aune de la quantité de travail personnel demandée). Pour la EEF, il est aujourd’hui attesté que les devoirs présentent des bénéfices parce qu’ils permettent de consolider ce qui a été appris dans la journée, de préparer les nouveaux savoirs et de développer des compétences d’autonomie dans les apprentissages. Les données en la matière sont davantage consolidées pour le secondaire que pour le primaire. Mais même pour les petites classes il apparaît qu’un travail personnel portant sur des tâches précises sur un temps court est bénéfique. Et quel que soit l’âge c’est bien la qualité du travail effectué plus que la quantité qui a des effets. Pour augmenter le rendement des devoirs à la maison les écoles doivent s’assurer que les exercices demandés sont très liés aux tâches effectuées en classe et que les enfants reçoivent un feedback de qualité sur leur travail.

Evidemment le rôle des parents est capital, notamment pour aider les enfants à installer des habitudes d’apprentissage efficaces. La façon dont les parents soutiennent leurs enfants est importante. Car c’est bien le soutien apporté et le cadre posé qui est bénéfique plus que l’aide effective dans la résolution d’un problème scolaire. Ce qui va compter par exemple : l’intérêt que le parent manifeste pour le travail de l’enfant, la capacité du parent à créer une routine de travail quotidienne qui sera clairement communiquée à l’enfant et renforcée par un système de félicitations et de récompenses. Les enfants apprennent ainsi à développer de bonnes habitudes à et à s’auto-réguler. L’implication parentale est plus efficace quand elle vise à promouvoir la persévérance, le sens de l’effort, la planification que lorsqu’elle cible les contenus scolaires directement.
Avant d’encourager les parents à s’investir dans les contenus eux-mêmes et à aider leur enfant sur le plan scolaire il vaut mieux s’assurer que ces parents en sont capables. Certains ne le peuvent pas, notamment pour le secondaire et il serait contre-productif de leur demander d’aider leur enfant.
En résumé, concernant les devoirs à la maison : la qualité compte davantage que la quantité, les tâches demandées doivent concerner les sujets appris en classe, un correction doit être proposée à l’élève rapidement, les parents peuvent aider l’enfant en encourageant une routine de travail, de bonnes habitudes d’étude, en manifestant de l’intérêt pour le travail de l’enfant, davantage qu’en s’impliquant dans les tâches scolaires demandées.

Les auteurs proposent un éclairage sur la « lecture d’été ». Il est attesté que le niveau de lecture des élèves, en particulier des élèves de milieu défavorisé, décline au cours de l’été lorsqu’ils ne sont plus incités à lire. Ils citent un programme anglais destiné aux élèves sur le point d’entrer au collège. Des livres sont donnés aux enfants au début de l’été et ceux ci doivent participer à deux événements organisés pendant l’été au sein de leur collège d’affectation. Les premières évaluations montrent de bons résultats, à consolider. Elles montrent aussi qu’il peut être complexe d’impliquer les parents. Ils estiment qu’il serait intéressant de renforcer cette implication parentale, par l’envoi de SMS par exemple.

3) Adapter la communication de l’école pour encourager un dialogue positif au sujet des apprentissages

La communication vers les parents sera d’autant plus efficace qu’elle est personnalisée, liée aux apprentissages et positive (elle valorise les succès). Il existe plusieurs évaluations de programmes utilisant des textos pour envoyer des informations à propos des devoirs ou des trucs et astuces pour faciliter les apprentissages.
Pour les parents les moins investis, des textos, des échanges en face à face, des conversations téléphoniques sont susceptibles d’être plus efficaces que des mails ou lettres génériques. Un exemple donné : lors d’une expérimentation qui prévoyait l’envoi d’un flyer par courrier aux parents pour les inciter à participer à un événement à l’école, le taux de participation s’est élevé à 0,5%. Pour les auteurs il est certes beaucoup plus coûteux, notamment en temps, de mettre en place une communication personnalisée mais à l’arrivée, cet investissement sera toujours plus rentable que d’organiser un événement auquel les parents qu’on cherche à atteindre ne viennent pas.

En fonction de l’âge des élèves il est important d’adapter la nature du message. Avec de jeune enfants par exemple, la communication peut être axée sur des conseils simples relatifs au développement cognitif de l’enfant. On peut donner aux parents des informations sur les jeux et activités à partager qui favorisent le développement de compétences spécifiques. Par exemple apprendre à l’enfant à compter les objets un par un dans une activité du quotidien : au moment de la lessive demander à l’enfant de compter le nombre de chaussettes mises dans la machine à laver.
Avec des élèves plus grands, il s’agit plutôt d’insister sur les progrès réalisés par l’élève et les tâches à venir (les examens). Evidemment, avoir des conversations sur ce que l’enfant apprend est bénéfique mais cela peut aussi mettre en difficulté le parent peu diplômé qui ne pourra pas répondre à des questions pointues. On peut en revanche insister auprès de ces parents sur leur rôle de soutien et la façon dont ils peuvent poser un cadre : rappeler à l’enfant qu’il doit réviser avant un test, qu’il peut planifier ses révisions et qu’il devrait travailler avec son téléphone éteint.

Les auteurs évoquent un programme avec des effets très prometteurs. Les parents de 15.000 collégiens ont reçu au cours de l’année scolaire 30 textos (environ un texto par semaine) les informant des examens à venir, des devoirs faits ou non, et des sujets travaillés en classe. Les élèves dont les parents ont reçu les messages ont davantage progressé en maths et ont été moins absents. Il semblerait que l’explication réside dans une meilleure communication parents/enfants.
Pour les auteurs, « les petits changements comptent ». Le fait de transmettre aux parents le nombre exact d’absences de leur enfant a ainsi un réel impact. Les parents des élèves les plus absentéistes ont tendance à sous estimer le problème de leur enfant. Lorsqu’ils découvrent l’ampleur de l’absentéisme, ils se montrent beaucoup plus vigilants.
Une étude montre qu’un courrier mentionnant le nombre d’heures manquées par l’enfant et insistant sur l’efficacité potentielle du rôle parental (« vous pouvez changer la donne ») plutôt que sur la culpabilisation de ces derniers a un réel impact.

4) Offrir un soutien plus intensif à ceux qui en ont besoin

Des approches plus intensives qui vont cibler les enfants en difficulté ( de lecture ou de comportement par exemple) ou les familles défavorisées ont davantage d’effet sur les apprentissages mais sont plus difficiles à implanter.
Une des façons d’éviter le risque de stigmatisation ou de culpabilisation des parents est de proposer un service de soutien universel mais plus intensif, avec davantage d’encouragements, pour les familles présentant plus de besoins afin de leur offrir davantage d’opportunités à saisir.

Pour ce faire il faut être certain de cibler les bonnes familles. Par exemple un programme de soutien aux parents d’enfants faibles lecteurs (SPOKES) a eu peu d’impact sur la lectures et les compétences socio-émotionnelles parce que le groupe intervention incluait des enfants présentant des compétences plus élevées que celles prévues par l’intervention. Mais les résultats laissent penser que l’approche pourrait avoir des résultats sur le long terme si elle parvient à bien cibler les enfants.

Proposer des groupes de travail au parents avec des activités séparées pour les enfants sur le même temps est une idée intéressante mais potentiellement coûteuse et ce ne sont parfois pas les parents attendus qui se déplacent.
Les écoles doivent avoir conscience que mobiliser les parents les plus éloignés est très chronophage et nécessite davantage de ressources. Ces parents ont besoin que le moment proposé soit adapté, le lieu accessible et accueillant. Ils peuvent être intimidés ou inquiets par la perspective d’une nouvelle méthode.
Il faut donc s’assurer que les lieux et horaires sont flexibles avec la possibilité de visites à domicile pour les familles qui manquent de mobilité. Ce qui peut fonctionner également : proposer des lieux accueillants avec une équipe qui revient à la charge dans ses propositions, recruter des parents « ambassadeurs », faire la publicité du service dans les lieux fréquentés par les familles, traduire le matériel promotionnel dans différentes langues. Le cœur de tout ça : construire une relation de confiance.

Le rapport pose qu’on peut envisager des visites à domicile pour les familles les moins susceptibles de venir à l’école. Ces visites mettent l’accent sur la façon dont il est possible de favoriser l’apprentissage dans l’environnement, sur les interactions parents-enfants, la lecture à l’enfant. Il existe des données probantes sur les effets positifs de ces visites sur les pratiques éducatives des parents. Une à plusieurs visites mensuelles avec une modélisation du comportement (montrer comment on peut jouer avec l”enfant ou comment on peut lire des histoires) sont associées à de bons résultats.
Des visites plus épisodiques peuvent permettre de renforcer les liens avec l’école ou d’amener le parent vers l’école mais ne seront pas suffisamment intensives pour entraîner un changement dans l’engagement du parent vis à vis de la tâche scolaire.

Les auteurs proposent aussi d’ « encourager une approche consistante vis à vis du comportement ». Les interventions qui rassemblent le parent avec l’enseignant autour d’une stratégie commune à la maison et à l’école, avec un accord sur l’objectif recherché (aider l’enfant à modifier son comportement), basées sur un partage d’informations, sont assez efficaces. Il existe des résultats prometteurs pour des programmes qui ciblent les compétences sociales, émotionnelles et comportementales de l’enfant (importantes pour les performances scolaires). Parmi celles ci, les ateliers collectifs pour enseigner des techniques de gestion du trouble du comportement. Dans ces sessions de soutien parental ciblant les troubles du comportement, quatre composants apparaissent essentiels :

– les parents ont la possibilité de s’exercer avec leur enfant sous l’observation d’un intervenant
– les compétences dans la communication des émotions (écoute active et retour sur ce que l’enfant dit) sont enseignées
– les parents sont incités à interagir positivement (par exemple comment intervenir pendant le jeu de l’enfant et le laisser prendre la main)
– l’accent est mis sur l’application d’une discipline constante (répondre à un comportement de la même façon avec les mêmes conséquences)

A la fin du document, une soixantaine de références bibliographiques sont proposées. L’ensemble du rapport est clair et précis, et les pistes proposées sont concrètes. Une lecture…inspirante.

*”WORKING WITH PARENTS TO SUPPORT CHILDREN’S LEARNING “, Education Endowment Foundation