Cette étude canadienne publiée dans The Lancet montre les effets délétères, sur le développement cognitif des enfants, d’une exposition aux écrans supérieure à deux heures par jour et d’un temps de sommeil inférieur à 9 heures par nuit.

Le Canada a publié en 2016 des recommandations relatives aux facteurs de bon développement des enfants de 5 à 17 ans par tranche horaire de 24 heures. Ces recommandations préconisent ainsi une activité physique minimum, modérée à vigoureuse, de 60 minutes par jour, deux heures maximum de temps de loisir sur un écran, 9 à 11 heures de sommeil par nuit. Mais, notent les auteurs de la présente étude qui vient d’être publiée dans The Lancet, on sait peu de choses de la relation entre le fait de suivre ces recommandations et les performances cognitives des enfants. Les auteurs ont donc procédé à une étude observationnelle transversale pour en savoir plus. Ils se sont appuyés sur la cohorte américaine ABCD (pour «Adolescent Brain Cognitive Development ») qui recrute les enfants à 9-10 ans et les suit pendant 10 ans.  Ces jeunes étaient 71% à respecter au moins une recommandation, 5% à suivre les trois.

Le fait de suivre les trois recommandations aboutit en toute logique à de meilleurs résultats des enfants sur le plan cognitif. Le fait de n’adhérer qu’à la recommandation relative aux écrans ou de respecter à la fois le temps d’écran maximal et le temps de sommeil minimal était associé à une nette amélioration des résultats. Alors que d’autres combinaisons n’apportaient pas d’amélioration supplémentaire (par exemple suivre la seule recommandation relative à l’activité physique, ou cette recommandation associée avec davantage de sommeil n’a pas d’effet significatif supplémentaire sur la cognition).

Un effet-dose des écrans, quel que soit le contenu

On ignore encore quels sont les mécanismes qui entrent en jeu dans les effets potentiellement nocifs des écrans et si ces effets sont liés au contenu, aux modalités d’exposition, à la nature même de l’écran ou de l’activité dont il est le support. Pour l’équipe de Jeremy Walsh, il existe bien un effet-dose, en dehors de toute interrogation sur le contenu, l’activité et le contexte. C’est bien le fait d’excéder les deux heures d’exposition qui a un impact sur la cognition des enfants.
Le fait que l’association entre limitation du temps d’écran et temps de sommeil suffisant ait des effets cumulatifs sur la cognition amène les chercheurs à penser que lorsqu’un enfant passe plus de deux heures sur un écran par jour, c’est la quantité et la qualité du sommeil qui en pâtit, ce qui prive cet enfant des bénéfices du sommeil. Ils estiment aussi que la relation entre le temps de sommeil et la cognition -médiée par le temps d’écran- peut aussi dépendre de l’influence familiale et de la structure du foyer. Il se pourrait que la limitation du temps d’écran par les parents non seulement atténue les effets parasites des écrans au moment du coucher mais amène aussi à replacer l’enfant dans une activité cognitivement engageante, comme la lecture.

Une moins bonne cognition globale des enfants hispaniques et afro-américains

Cette étude ne permet pas de mettre en exergue ces phénomènes sous-jacents. Mais il apparaît notamment que le niveau d’éducation des parents et l’origine ethnique impactent considérablement le niveau de cognition global des enfants (ce n’est pas le cas pour le niveau de revenus). Plus les parents avaient un niveau de diplôme élevé et plus le niveau de cognition de l’enfant l’était aussi. Les enfants asiatiques présentent le meilleur niveau de cognition globale, suivis de près par les enfants blancs. Les enfants hispaniques arrivent beaucoup plus loin et les enfants afro-américains encore plus loin. Cela ne signifie pas que ce sont le niveau d’éducation des parents ou l’origine ethnique qui viennent expliquer les effets d’une trop forte exposition aux écrans ou du manque de sommeil sur la cognition (ces variables ont été contrôlées et les corrélations observées sont les mêmes que les enfants soient blancs ou noirs ou que leurs parents aient fait des études supérieures ou pas). En revanche ces enfants sont peut-être sur représentés dans la population qui n’adhère pas aux recommandations, ce qui pourrait expliquer en partie leur moins bon développement cognitif. Il n’est pas possible de trancher cette question car les auteurs de l’étude ne connaissent pas le pourcentage d’adhésion aux recommandations selon le niveau de diplôme des parents ou selon l’origine ethnique. Ils insistent en revanche sur le fait que suivre une, deux ou trois préconisations explique 22% des variations de la cognition globale entre les enfants. Il reste donc bien d’autres facteurs entrant en jeu dans le développement cognitif.

Les auteurs reconnaissent que leur résultat relatif à l’absence d’effet de l’activité physique sur la cognition dans leur modèle d’analyse est surprenant. Le fait qu’il s’agisse d’une donnée auto-déclarée n’a peut être pas permis de mesurer suffisamment finement le contexte, l’intensité et la durée de cette activité physique. Ils rappellent que l’activité physique constitue ce jour du meilleur gage d’une bonne santé et qu’aucune étude n’a montré un effet négatif de l’activité physique sur la cognition.
Pour les auteurs en tous cas, ces travaux confirment la nécessité de promouvoir les préconisations canadiennes auprès des familles, au premier rang desquelles la limitation quotidienne du temps d’écran et des habitudes saines en matière de sommeil.