Le collège National des Sages-Femmes de France publie ses premières recommandations, consacrées à l’administration d’oxytocine pendant le travail spontané. Elles incitent très clairement les équipes médicales à se montrer patientes et prudentes.

C’est une grande première pour le Collège National des Sages Femmes de France (CNSF) : il se positionne comme un acteur de la recherche en publiant des recommandations pour la pratique clinique. Le thème choisi a dans le passé suscité des controverses et mérite amplement ce coup de projecteur : l’utilisation de l’oxytocine (version synthétisée de l’ocytocine) pendant le travail spontané. Cet intérêt du collège pour cette hormone de synthèse s’explique notamment par son utilisation massive par les équipes françaises ( 60% des femmes qui accouchent recevraient de l’oxytocine) et par une étude récente de l’INSERM qui a mis en évidence un sur-risque d’hémorragie grave de la délivrance en lien avec l’administration de ce produit. Ce focus s’inscrit dans une réflexion plus large, et de plus en plus d’actualité, sur l’accompagnement physiologique d’un accouchement normal.

Pendant le premier stade du travail, ne pas envisager l’oxytocine avant 5 cm de dilatation

Ces recommandations, publiées en partenariat avec le CNGOF, l’INSERM et le CIANE, concernent les grossesses à bas risque, à terme, sans utérus cicatriciel et en travail spontané. Elles ont eu d’abord pour objet de redéfinir les différents stades du travail.

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Le premier stade s’étire du début de la dilatation jusqu’à la dilatation complète et se divise en deux parties : une phase de latence au cours de laquelle la dilatation sera considérée comme anormale si elle est inférieure à 1 cm toutes les quatre heures. La phase active débute à 5-6 cm de dilatation. C’est le premier changement : elle débutait jusqu’à présent à 3-4 cm. A partir de 7 cm, la dilatation ne doit pas être inférieure à 1 cm toutes les deux heures.
Le fait de repousser le début de la phase active doit inciter les équipes médicales à faire preuve de patience, à « savoir attendre ». Autre préconisation : en phase active, en cas de travail trop lent, il est préférable de recourir à une rupture artificielle des membranes avant d’administrer de l’oxytocine. A noter également, la péridurale ne constitue pas une indication pour une administration systématique d’oxytocine. Et reculer la phase active à 5 cm de dilatation ne signifie pas qu’il faille attendre cette étape pour proposer une analgésie.

Médicaliser de façon raisonnée

oxytocine-reglette-1Le collège a également examiné de près le deuxième stade de travail qui se scinde lui aussi en deux phases : la phase de descente et la phase d’expulsion. Là encore, il est conseillé de ne pas se précipiter. C’est au bout de la deuxième heure sans descente du bébé qu’il faut envisager le recours à l’oxytocine. Comme le relève le docteur Camille Le Ray, qui a participé à ces recommandations, « on a montré qu’après la troisième heure à dilatation complète, on observait une augmentation des risques maternels, notamment hémorragiques ». En résumé, avant deux heures, c’est trop tôt, après trois heures, c’est trop tard. Les modalités d’administration sont également détaillées : une dose initiale de 2 mUI/min doit être respectée ainsi que des paliers de 30 minutes entre chaque dose.  Pour le collège il ne s’agit pas de démédicaliser mais de « médicaliser au plus juste », de façon raisonnée afin d’optimiser l’efficacité de l’oxytocine et de réduire ses effets secondaires. Les maternités sont incitées à établir des protocoles de service, à reprendre systématiquement les situations où il y a eu hémorragie sévère ou troubles du rythme cardiaque, à suivre de près les taux d’administration d’oxytocine. Pour Corinne Dupont, sage-femme coordinatrice du réseau AURORE, docteur en santé publique, « c‘est un indicateur de la qualité du soin ». Il est possible, voire souhaité, que ces recommandations aient des effets « boule de neige » sur les pratiques. Contraintes à la patience, les équipes pourraient ainsi en finir avec l’examen du col toutes les heures (pratique franco-française). Il est en effet plus simple de ne pas intervenir quand on ne sait pas… Les accouchements risquent d’être plus longs. Pour Sophie Guillaume, présidente du collège, « les maternités vont devoir repenser leurs organisations, envisager d’installer moins vite les femmes en salle de naissance ». D’un autre côté, note-t-elle, « si on évite des hémorragies de la délivrance très chronophages, on regagne du temps ».  Les préparations à la naissance devront aussi intégrer ces données et rappeler aux futurs parents que devoir attendre quatre heures sans évolution n’est pas inquiétant.

Si elles sont suivies d’effet, ces premières recommandations du Collège des sages-femmes pourraient faire bouger le curseur vers une approche plus physiologique de l’accouchement.