Voici, pour la période novembre-décembre 2017, notre sélection d’études et contenus sélectionnés dans des revues scientifiques internationales, et portant sur la parentalité et les programmes de soutien. Vous trouverez, pour chaque focus, un titre de notre composition, le lien vers la ou les source(s) puis un résumé traduit du ou des article(s) mis en ligne sur le sujet.

Impact de la santé mentale des parents sur le développement des enfants : des professionnels plus ou moins bien armés

Journal of child and family studies

L’impact des troubles psychiques des parents sur le développement des enfants est connu. D’où l’intérêt de soutenir les familles confrontées à ces situations de façon précoce. L’étude menée ici a consisté en l’évaluation des connaissances, des capacités face à cette problématique perçues par les professionnels eux mêmes. Se sentent-ils assez armés pour accompagner les familles ? Il apparaît que les professionnels de la petite enfance ont de bien meilleures connaissances, références et capacités concernant l’impact de la santé mentale du parent sur l’enfant que les enseignants.

Bons résultats d’un programme brésilien

Pediatrics

Ce programme de soutien parental mis en place au Brésil semble prometteur. Les parents ont été incités à faire la lecture à voix haute à leur enfant. Ils devaient se rendre une fois par mois dans un centre dédié à l’enfance où ils recevaient des conseils et pouvaient emprunter des livres. Les parents du groupe intervention ont davantage interagi avec leur enfant que ceux du groupe contrôle, et leurs enfants ont montré de meilleurs résultats pour le vocabulaire en réception, la mémoire de travail et les tests de QI.

Comparaison du rendement de quatre programmes standardisés de soutien parental

European Journal of Public Health

Prouver le rendement des programmes d’intervention précoce est devenu une priorité pour convaincre les politiques d’investir dans cette prévention primaire. Cette étude suédoise analyse la rentabilité sur le long terme de quatre programmes de soutien censés prévenir les troubles du comportement externalisés : Comet, Connect, Incredible Years et COPE. Le critère pris en compte : la baisse de la prévalence des troubles de l’attention avec hyperactivité et des troubles des conduites et les économies liées à la baisse de cette prévalence. 961 enfants de 5 à 12 ans ont été suivis jusqu’à leurs 18 ans. Seuls les programmes COPE et Bibliotherapy se sont révélés rentables avec un gain plus important que le coût du programme. Le programme COMET est le plus efficace mais coûte aussi très cher.

Parentalité « passive » et retard de développement

Early child development and care

Cette étude porte sur le niveau de développement des bébés chinois (6 à 18 mois) dans les provinces chinoises encore très rurales. 448 enfants ont passé des tests. 48,7% d’entre eux présentaient des retards cognitifs, langagiers et socio-émotionnels. Les auteurs notent que les pratiques parentales dans ces populations sont très passives manquant beaucoup d’interactions directes (peu de chants, d’histoires racontées ou de jeux avec l’enfant). Les enfants en fratries et les enfants des mères les moins éduquées bénéficiaient encore moins d’interactions. Les enfants dont les parents étaient engagées dans de meilleurs pratiques parentales présentaient de meilleurs résultats au test. Malheureusement, notent les auteurs, le système de santé chinois ne propose pas de plateforme de conseils sur la parentalité optimale.

Santé mentale des enfants : les programmes de soutien parental qui ciblent les familles vulnérables conduisent à une réduction des inégalités

Journal of Epidemiology and community health

Les auteurs de cette étude ont utilisé la cohorte britannique millenium (18.000 enfants nés entre 2000 et 2002) pour proposer une modélisation de l’impact sur la santé mentale des enfants d’une implantation à grande échelle des programmes de soutien à la parentalité. Les chercheurs ont ainsi simulé la mise en place des interventions avec différentes tailles d’effet. Ils ont effectué plusieurs simulations : l’une avec un modèle universel (du soutien proposé à toutes les familles sans prise en compte de potentiels facteurs de risque), un modèle ciblé (seules les familles à risque reçoivent du soutien) et un modèle d’universalisme proportionné (aide standard pour la population générale et support intensif pour les familles relevant des minima sociaux). L’analyse de la cohorte millenium montre une prévalence de troubles mentaux de 10,8% chez les enfants de 5 ans, avec de larges inégalités selon le niveau d’éducation de la mère. D’après les auteurs, cette différence selon le statut socio-économique est nettement atténuée avec des interventions qui ciblent explicitement les familles défavorisées avec un support intensif. La réduction de ces inégalités face à la santé mentale des enfants est nettement moins forte avec les interventions universelles. Le troisième modèle, celui de l’universalisme proportionné conduit à une réduction de la prévalence dans l’ensemble de la population et à une réduction des écarts. Les auteurs concluent que ces interventions conduisent bien à une réduction des inégalités face à la prévalence des problèmes de santé mentale chez les enfants, en particulier lorsqu’est inclus un soutien intensif pour les familles défavorisées.

Le repas en famille, facteur protecteur pour l’enfant

Journal of Developmental and behavioral Pediatrics

Les enfants qui partagent régulièrement des repas en famille en tirent des bénéfices physiques et psychiques sur le long terme. Lorsque les habitudes familiales quant aux prises de repas sont plus saines aux 6 ans de l’enfant, ce dernier pratique davantage d’activité physique à 10 ans, boit moins de boissons sucrées, a de meilleures compétences sociales et déclare moins de comportement agressif ou d’opposition. Pour les auteurs, le partage de repas offre des occasions d’interactions sociales, de discussions autour de sujets du quotidien, d’apprentissage de comportements prosociaux dans un contexte de sécurité émotionnelle. Pour les auteurs, la prise de repas en commun ne constitue pas seulement un marqueur de la qualité de l’environnement familial mais aussi un objectif facile à atteindre pour les parents soucieux d’améliorer le bien être de leur enfant.

Interactions père-enfant à travers le jeu: d’indéniables effets

Infant Mental Health Journal

La dernière édition de la revue Infant Mental Health Journal est dédiée aux interactions père-enfant à travers le jeu. Cet article d’introduction résume les différents travaux présentés dans la revue.
Deux types de jeux ont été étudiés : les jeux d’imitation et les jeux de bagarre (ou de corps à corps). Pour chaque type d’interactions les chercheurs ont analysé la qualité et l’intensité de l’ « activation ». Pour les jeux physiques, la qualité et la « réciprocité de la domination » ont été analysées.
Le nombre de domaines du développement de l’enfant qui semblent liés aux compétences ludiques du père est frappant. Les études empiriques montrent ainsi une relation directe entre le jeu avec le père et de meilleures compétences en vocabulaire, moins d’agressivité infantile, moins de troubles internalisés. Et il semble que des aspects spécifiques du jeu affectent des aspects spécifiques du développement de l’enfant. La réciprocité de la domination pendant les jeux de bagarre semble diminuer l’agressivité de l’enfant en lui enseignant des « stratégies de domination prosociales » (c’est une hypothèse formulées par les auteurs, elle reste à vérifier par des études ultérieures). La qualité du jeu d’imitation chez le père a un impact sur le vocabulaire de l’enfant.

L’auteur de cette introduction rappelle qu’il a récemment été montré que les attitudes de défi observées chez les pères dans la petite enfance prédisent une moindre anxiété chez les enfants, comme si cette attitude stimulante poussait l’enfant à à dépasser ses limites, à se confronter à des situations complexes. Un père très engagé dans le jeu avec son enfant peut compenser la faible implication maternelle sur ce terrain, en tous cas quand on prend en ligne de compte les effets sur les habiletés langagières de l’enfant. C’est moins vrai s’agissant de la régulation des émotions. De la même façon, une mère très engagée dans les activités ludiques compense le désengagement paternel en ce qui concerne les conséquences sur les symptômes d’anxiété chez l’enfant. Pour certains des auteurs ayant participé à ce numéro, l’attitude ludique du père apparaît comme une dimension centrale de la paternité, nécessaire, avec la sensibilité et la structuration, pour prévenir la négativité chez l’enfant. Chez la mère, une absence de capacités ludiques peut être compensée par une haute sensibilité, la structuration et une parentalité non intrusive.

Il semble que la paternité soit moins affectée (en comparaison avec les attitudes maternelles) par des facteurs personnels tels que la personnalité ou les expériences vécues pendant l’enfance (excepté les traumatismes extrêmes) que par des facteurs externes et contextuels (les revenus, le soutien de la mère). Jusqu’aux deux ans et demi de l’enfant, pères et mères semblent manifester les mêmes qualités et modalités dans leur façon de jouer. Mais à deux ans et demi, des différences apparaissent. Les pères deviennent plus physiques dans leurs jeux. Pour les auteurs, même si les pères et les mères ont globalement les mêmes façons de jouer, il est tout à fait possible que les effets produits sur le développement de l’enfant soient en revanche différenciés.

L’intérêt de ce numéro spécial est de présenter des travaux menés dans plusieurs pays et donc plusieurs cultures (USA, Chine, Israël, Autriche, Allemagne), et de s’interroger sur l’universalité et la transposabilité des résultats. Les jeux de bagarre sont ainsi peu présents dans les pays non occidentaux. Les jeux pratiqués sont évidemment très liés aux qualités qu’on souhaite favoriser chez un enfant, elles mêmes liées aux valeurs dominantes dans une société donnée.
L’auteur de l’article souligne que l’accent devrait bien davantage être mis sur les pères partout dans le monde ainsi que sur la promotion du rôle des pères à travers des politiques de partage des congés parentaux. Elle estime également que le jeu constitue un support prometteur pour des interventions de soutien puisqu’il est universel et drôle, facile à implanter dans la vie de famille quotidienne, et d’un coût modeste.