Encore peu connu du grand public, le parrainage de proximité n’est pourtant pas une nouveauté. En témoigne le 40ème anniversaire de l’association Un enfant Une famille le 10 juin prochain. L’occasion pour cette structure de revenir sur une histoire intense et sur un dispositif porteur, illustration concrète du concept d’attachements multiples. L’occasion aussi de lancer un appel au bonnes volontés : face aux nombreux enfants qui auraient besoin d’un accompagnement, il n’y a aujourd’hui pas assez de parrains.

Quand il n’y a pas de village pour élever un enfant, on peut toujours essayer de l’inventer. C’est l’aventure un peu folle, terriblement humaine, que mène depuis 40 ans l’association Un enfant Une famille, pionnière en France du parrainage de proximité. Elle fêtera le dimanche 10 juin ces quatre décennies passées à mettre en œuvre, concrètement, un concept qui suscite aujourd’hui de plus en plus d’intérêt : la pluralité des liens.

Un mode de soutien trop peu connu

Qu’est ce que le parrainage d’un enfant ? «C’est le fait de pouvoir consacrer du temps et de l’énergie à un enfant, pas forcément de l’argent, de façon régulière, pose Claudine Husson, l’actuelle présidente. Le plus souvent ça se traduit par un accueil de l’enfant le week-end, une partie des vacances scolaires. » La stratégie nationale de soutien à la parentalité qui sera officiellement annoncée ce mercredi 30 mai y fait référence : « Le parrainage de proximité favorise la construction d’un lien affectif entre un enfant et un parrain ou une marraine bénévole. Construit en plein accord avec les parents, il prend la forme de temps partagés entre le parrain et l’enfant, mais également d’échanges avec l’ensemble de la famille. Il est mis en place dans l’intérêt de l’enfant à la demande des parents, qui peuvent à cette occasion bénéficier d’un soutien individuel bienveillant

Ce mode de soutien, qui a longtemps entretenu des liens de consanguinité avec l’adoption, a connu quelques heures glorieuses mais semble n’avoir jamais vraiment occupé en France la place à laquelle il aurait pu prétendre. A raison de 10 à 20 enfants parrainés par l’association chaque année, ce sont 600 mineurs qui ont été parrainés en 40 ans. Enfants délaissés de l’Aide Sociale à l’enfance, mineurs non accompagnés, mamans solos débordées : sur le papier pourtant les besoins paraissent importants. « L’engagement sur la durée peut rebuter les potentiels parrains, reconnaît Claudine Husson. Certaines associations mettent donc en place des « CDD ». Pour nous ce n’est pas possible. De manière générale, le parrainage est très peu considéré en France. Le réflexe des institutions est de se tourner vers des professionnels rétribués pour s’occuper des enfants. Et ça fait 40 ans que cela dure ».

Au départ, soutenir les enfants de la « DDASS »

L’histoire du parrainage est intéressante sur ce qu’elle dit notamment de la protection de l’enfance. Janine et Antoine Rebélo, fondateurs et mémoires vivantes d’Un enfant Une famille, ont d’abord connu l’aventure de l’adoption puisqu’ils ont adopté à la fin des années 60 deux jeunes enfants nés en France. Dans un livre paru à l’occasion du trentième anniversaire de l’association, le couple raconte d’ailleurs que leur fils, avant d’être adopté à l’âge de 23 mois, aura connu quatre placements successifs : « la pratique du service étant de limiter chaque placement à six mois pour éviter que la gardienne ne s’attache à l’enfant ». C’est au détour d’une annonce dans une feuille paroissiale en 1972 que le couple découvre la possibilité d’accueillir temporairement et ponctuellement des enfants pris en charge par la DDASS de l’époque et élevés dans des foyers. Les Rebélo commencent donc à parrainer de façon très informelle des enfants accueillis dans une institution du Val d’Oise. Mais se trouvent alors confrontés aux décisions erratiques voire brutales de la justice : du jour au lendemain certains de ces enfants ne peuvent plus venir et les liens sont coupés (contre la volonté des jeunes) parce que leurs parents sont soudain réapparus. En 1978 une circulaire de Simone Veil préconise de faire sortir les enfants des foyers le plus souvent possible et de trouver, pour ceux qui n’ont pas de parents, des familles susceptibles de les accueillir le week-end. « Cette circulaire ne prévoyait pas qu’il fallait une famille précise pour un enfant, elle raisonnait en terme de stocks de familles pour sortir ces enfants, précise Janine Rebélo. Mais cela nous a bien aidés quand même ! »

Bien différencier le parrainage de l’adoption

Ce ne seront finalement pas les enfants délaissés qui profiteront des grands débuts du parrainage mais les jeunes Boat people réfugiés en France avec leurs parents. Puis l’association se tourne de nouveau vers l’aide sociale à l’enfance, persuadée qu’il est possible d’aider les enfants non adoptables. Dans ces années là, la frontière entre parrainage et adoption est ténue. De nombreux enfants parrainés finissent par vivre à temps plein dans la famille et par être adoptés. Les liens ont d’ailleurs toujours été très forts entre Un enfant Une famille et l’association Enfance et Famille d’adoption. Mais aujourd’hui l’ambition de l’association est de clairement dissocier les deux démarches. Le parrainage doit rester un soutien sur la durée offert à l’enfant et à sa famille biologique, et ne pas se substituer à la filiation première. Malgré ce repositionnement, l’aide sociale à l’enfance ne se saisit pas massivement du dispositif. L’Union Nationale des Acteurs du parrainage de proximité (UNAPP) pose bien qu’il faut partir des besoins des enfants. « Mais nous n’avons pas assez accès aux enfants, donc c’est le serpent qui se mord la queue ! » déplore Claudine Husson.

Pas assez de familles candidates pour ce soutien si spécifique

Le profil des enfants parrainés n’est plus celui des débuts. « Nous avons des demandes pour ou par des mères avec des enfants petits, seules, qui travaillent et souhaitent un relais pour leurs enfants, explique Claudine Husson. Des mères qui s’inquiètent pour l’avenir de leur enfant, qui savent ce qu’elles veulent et n’ont pas du tout l’intention d’être remplacées. » En face il faut donc trouver des parrains qui acceptent ce rôle de soutien parental et qui ont une claire conscience de leur place. C’est même l’urgence du moment, parvenir à recruter des familles. Car en ce moment beaucoup d’enfants sont en attente de parrainage.

Ceux qui se se sont lancés peuvent témoigner de ces rencontres singulières. Nathalie s’occupe depuis trois ans de la cadette de Véronique. Elle la prend de temps en temps le week-end et pendant les vacances. Les deux femmes s’entendent très bien. La maman voit en Nathalie « une soeur ». « Je sais que je peux compter sur elle ». Nul ne peut dire au départ comment s’écrira l’histoire, comment se construira le lien. Lorsque Jacqueline et son époux ont accueilli Ryan, cinq ans, au début un week-end sur deux, pouvaient-ils envisager qu’à 19 ans le garçon vivrait chez eux ? Quand Jean-Pierre évoque sa première rencontre avec les deux sœurs de 13 et 15 ans qu’il a parrainées en 93, il fond en larmes, 25 ans plus tard. Il y a 20 ans, Châu est arrivée en France en situation irrégulière. D’abord exploitée dans une famille vietnamienne, elle a 17 ans quand elle est prise en charge par l’ASE qui lui trouve une marraine. « C’est ma deuxième maman, elle m’a tout donné, et elle après s’est occupée de mes enfants comme une grand-mère ».
Ce sont ces témoignages, entre autres, qui résonneront le dimanche 10 juin à la mairie de Clamart, à l’occasion des 40 ans de l’association. En espérant qu’ils sauront susciter des vocations très attendues.

Pour contacter l’association Un enfant Une famille :
unenfantunefamille@orange.fr
06 87 40 01 28 ou 06 29 99 32 54