Nous avons sélectionné pour cet article 12 études que nous avions résumées dans nos précédents Pueriscope, parus depuis février 2016. Elles traitent toutes du développement de l’enfant, des facteurs de risque, de la nécessité d’une prévention précoce et de l’intérêt de transmettre des connaissances scientifiquement validées aux parents. Il nous semble de plus en plus capital que les professionnels investis auprès des familles et des enfants, notamment les plus vulnérables d’entre eux, puissent asseoir leurs interventions sur les apports de la littérature scientifique. Nous effectuerons ce même travail de synthèse sur d’autres thématiques précises : prématurité, programmes et dispositifs d’accompagnement à la parentalité, protection de l’enfance. En espérant que ces revues de littérature vous seront utiles dans votre pratique.

Voici pour commencer quelques études générales sur le développement de l’enfant, l’impact de l’environnement et les facteurs de risque.
Dans cet article du JAMA, l’auteur rappelle que finalement jouer est le “job” le plus important des enfants. Il fait le point sur l’importance du jeu dans le bon développement des petits, qu’il s’agisse du cerveau et des apprentissages, du développement physique et des compétences sociales, incluant le langage et la communication. Toutes les modalités de jeu sont bénéfiques, jouer avec d’autres enfants, seul ou avec un adulte. L’auteur fait un focus spécifique sur le développement du langage. « La quantité et la fréquence des séquences de mots prononcés par le parent à son enfant dans les premières années et un facteur clé du développement du langage ». L’exposition à la télévision a un impact négatif sur ce développement car elle limite les interactions parents-enfants. La lecture de livre est au contraire positive. Quant aux jeux, il a été montré que les jeux traditionnels, sur le modèle des puzzles ou des cubes à empiler, induisent davantage d’interactions verbales que les jeux électroniques sonores et lumineux.

Les troubles très précoces du comportement doivent constituer des signaux d’alerte

Cette étude québécoise  rappelle de son côté que les enfants affichant précocement certains traits de caractère (forte impulsivité, réticence à l’effort, affects négatifs, anxiété, timidité) ont statistiquement plus de risque de sombrer dans une addiction à l’âge adulte. Mais le risque, affirment les auteurs, disparaît lorsque ces enfants moins « canalisables » grandissent dans un environnement paisible avec des adultes bienveillants et sécurisants. Ces enfants à fleur de peau peuvent alors devenir des adolescents très créatifs tout en étant capables capables de gérer leurs émotions. De son côté, l’association américaine de pédiatrie délivre des conseils aux parents sur son site web pour leur apprendre à gérer l’opposition de leur enfant. Cette société savante explique comment sortir de ces situations d’opposition avec de jeunes enfants et fait un rappel : à l’âge de 18 mois un enfant peut comprendre un ordre composé d’une étape (« pose la tasse sur la table »), à 4 ans il peut suivre une directive composée de trois étapes. Premier conseil : si vous estimez que votre enfant ne vous écoute pas, interrogez vous d’abord sur son temps de sommeil, la qualité de son alimentation et la quantité d’exercices physiques. «Ces trois éléments peuvent avoir un réel effet sur le comportement des enfants », explique John Duby, un pédiatre spécialiste du développement et des troubles du comportement.

Lequel donne ensuite des conseils très concrets : identifier ce qu’on attend de son enfant, l’expliquer avec des instructions courtes, agir toujours de la même façon et récompenser un comportement positif, mettre en place une sanction systématique en cas de désobéissance, adopter un discours positif quand le comportement redevient correct. Il est aussi important d’éviter de changer plus d’un comportement à la fois. Le Site de l’AAP précise aussi que les enfants manifestent beaucoup d’opposition lorsque le parent est stressé ou si les deux parents sont en désaccord sur le plan éducatif. Si le problème dure plus de six mois, l’AAP engage les parents à consulter leur pédiatre s’ils s’interrogent sur une expérience potentiellement traumatisante ou s’ils suspectent un retard de langage.

Le développement langagier, vraiment prédictif de la réussite scolaire

Autre sujet, désormais bien documenté : une étude du Journal of Pediatrics parue en février 2017 montre le caractère prédictif du niveau de langage des enfants à 3 ans. Cette recherche mené auprès de 731 enfants a d’abord testé leurs compétences langagières à trois ans, puis leurs compétences académiques à 5 ans et a ensuite relevé si les mêmes enfants avaient eu besoin de soutien scolaire ou d’une prise en charge spécifique, s’ils avaient dû redoubler, à 7,5 ans puis 8,5 ans et 9,5 ans. Les résultats montrent clairement que les enfants avec le plus faible niveau de langage à 3 ans étaient beaucoup plus à risques ensuite de présenter un retard sur le plan des apprentissages scolaires ou de redoubler une classe. Ces données ont été vérifiées quels que soient le sexe, l’origine ethnique, le milieu familial, le niveau de revenus des parents, le mode éducatif. Les chercheurs estiment qu’une prévention précoce des difficultés de langage pourrait réduire le recours ultérieur à des services d’éducation spécialisée.

Si l’environnement familial de l’enfant a une réelle incidence sur son développement, et notamment son évolution langagière, il semble que la violence du quartier impacte aussi les jeunes, tant physiologiquement que… génétiquement. Dans une étude parue dans le JAMA en janvier 2017, des chercheurs américains se sont intéressés à 85 enfants noirs de 52 quartiers différents de la Nouvelle-Orléans. Pour chaque quartier ont été relevés le nombre de commerce où il est possible d’acheter de l’alcool dans les 550 mètres autour de l’habitation de l’enfant, ainsi que les chiffres relatifs à la criminalité (crimes et violences domestiques). Le taux de cortisol (dit aussi « hormone du stress ») a été mesuré chez les enfants ainsi que la longueur de leurs télomères (extrémités des chromosomes plus ou moins longues selon l’âge et le mode de vie). Le cortisol et les télomères constituent des marqueurs biologiques du stress. Résultats : à chaque point de vente d’alcool supplémentaire dans les environs, la longueur des télomères de l’enfant diminue. Idem pour la violence domestique : plus elle est prégnante dans le voisinage, moins les télomères sont longues. Plus les enfants sont exposés à ces facteurs environnementaux difficiles, moins ils parviennent à faire baisser leur taux de cortisol après un test de réactivité. Pour l’équipe de chercheurs, il s’agit de la première étude qui met en relation l’exposition à la violence dans le voisinage et les marqueurs physiologiques et cellulaires du stress.

Le développement cognitif des enfants très entravé dans les pays pauvres

C’est au détour d’une réflexion consacrée aux effets du paludisme que les auteurs de cette étude parue dans Plos  ont abouti à des conclusions inquiétantes pour l’ensemble des enfants du Malawi. Les chercheurs ont au départ souhaité en savoir plus sur le développement cognitif des enfants africains soignés après un « paludisme cérébral », une des très graves complications du paludisme. Ils ont étudié 47 jeunes enfants du Malawi. Ils n’ont en fait pas trouvé de différences flagrantes entre le développement visuo-moteur des enfants guéris et celui des enfants n’ayant pas été malades. Non pas parce que les premiers n’avaient aucune séquelle mais parce que l’ensemble des enfants présentaient de faibles performances par rapport aux données de la littérature. Pour les auteurs, ces résultats interrogent donc l’hypothèse communément admise selon laquelle le paludisme cérébral provoque d’importantes séquelles au niveau cognitif. Surtout ils soulignent qu’au delà de la question du paludisme, l’ensemble des enfants du Malawi présentent un retard cognitif. Et qu’il faut donc analyser les autres facteurs environnementaux susceptibles d’impacter leur développement.
En octobre 2016, The Lancet a de son côté publié une série d’articles  sur la nécessité d’investir urgemment et massivement dans la petite enfance dans les pays en voie de développement. D’après l’UNICEF, 43% des enfants des pays peu ou moyennement développés présentent le risque de ne pas développer leur potentiel cognitif. Un investissement de 50 centimes par enfant et par an pour promouvoir la santé, la nutrition, les soins adaptés, la sécurité et la sûreté, et les apprentissages précoces pourrait changer la donne. Ce dossier rappelle que le cerveau d’un enfant se développe plus vite dans les deux-trois premières années de sa vie qu’à n’importe quel autre moment. A cette période de la vie, le manque de nourriture, de stimulation et de protection produit des effets à très longs termes pour les familles et les communautés. La science et les économistes se rejoignent pour dire qu’il faut massivement investir dans les 1000 premiers jours, incluant la grossesse.

En mars 2016, Le New York Times publie cet article  (non scientifique donc) qui évoque lui aussi la jeunesse des pays en voie de développement, sur un mode très pessimiste puisque l’auteur, Semini Sengupta pointe un péril jeune de plus en plus imminent. Voici ce qu’elle explique. Un quart de l’humanité est âgé de 10 à 24 ans. Une grande majorité de cette jeunesse vit dans des pays en voie de développement. Et c’est un sacré défi pour l’ensemble du monde. Car cette force vive peut être considérée de façon très positive mais aussi perçue comme une menace potentielle. Lorsque ces jeunes gens, pleins d’espoirs et de rêves, arrivent sur un marché du travail qui n’a rien à leur offrir, les conséquences peuvent être dramatiques (et les pays en développement ne sont pas les seuls concernés). L’exemple de l’Inde est extrêmement parlant. Chaque mois un million d’Indiens atteignent l’âge de 18 ans. Les Indiens âges de 15 à 34 ans représentent la population des USA, du Canada et de la Grande-Bretagne réunis. Ces jeunes vont à l’école, sont connectés, et sont moins enclins que leurs parents à se contenter de ce que les anciennes générations ont à leur offrir. Or, « les aspirations, quand elles sont contrecarrée, peuvent être une force malveillante puissante », note l’auteur. Une augmentation du chômage des jeunes est un prédicteur sûr du mécontentement social à venir puisque « le contrat social est affaibli à cause des promesses non tenues ».
Finalement, les progrès survenus d’un côté pourraient bien se révéler à double tranchant de l’autre. La mortalité infantile diminue, la scolarisation augmente, c’est formidable. Le problème c’est que la scolarisation de tous les enfants ne garantit pas leur instruction. En d’autres termes, beaucoup d’enfants, parmi les familles les plus pauvres, vont bien à l’école, mais ils n’y apprennent pas grand chose (ndlr: c’est notamment le cas en France, l’un des pays de l’OCDE où la destinée scolaire est la plus corrélée à l’origine sociale). Or, le fait d’être scolarisé suffit à déclencher chez eux un désir de mobilité sociale. Qui ne sera pas comblé.
Le différentiel démographique induit de fortes migrations à l’échelle du monde. La masse des très jeunes gens des pays en voie de développement rêve d’un ailleurs et peut apparaître comme la solution au déficit démographique des vieilles nations, notamment européennes (d’où, notamment, la position allemande sur le sujet de l’immigration, en tous cas avant Cologne). Problème néanmoins : les vieilles nations doivent elles aussi composer avec le chômage des jeunes.

Les chercheurs plaident massivement pour la prévention précoce

C’est ce qui ressort de nos revues de littérature régulières : les auteurs des articles passés au crible concluent très souvent leur analyse par un appel à davantage d’interventions précoces. C’était par exemple le cas avec cette méta analyse présentée en octobre 2016 lors de la conférence nationale organisée par l’Académie Américaine de Pédiatrie.

Les chercheurs ont souhaité identifier les signes cliniques permettant de repérer les enfants à risque après un événement ou un vécu difficile. Pour eux, de nombreuses études montrent l’impact sur le long terme des expériences douloureuses vécues dans l’enfance mais il existe encore trop peu de travaux qui mettent en exergue les effets à court terme de ces traumatismes sur le cerveau et le corps des enfants. Les résultats soulignent que les dysfonctionnements au sein du foyer affectent le poids des enfants très tôt dans l’enfance alors que les abus et négligences ont un impact plus tardifs sur le poids. Les enfants exposés à des conditions de vie difficiles ou des événements traumatiques ont également un risque accru de développer de l’asthme, une infection, des plaintes somatiques, des interruptions du sommeil. La maladie mentale maternelle est associée à un taux élevé de cortisol.
Pour le Dr Debbie Oh, qui a conduit cette recherche, « avec une intervention appropriée, les enfants sont capables de se remettre de ces effets négatifs sur leur santé, ce qui fait de la détection précoce un outil puissant pour protéger la santé et le bien-être des enfants avant que les mécanismes de l’impact sur leur vie d’adulte ne se mettent en place. »
Les trois pédiatres auteurs de cet autre article paru dans le JAMA plaident pour que la petite enfance et le suivi pédiatrique constituent des moments privilégiés de prévention de la santé mentale. Les troubles du comportement constituent en effet un important facteur de risque pour la santé et apparaissent souvent dans l’enfance. « Tout comme l’immunisation est prodiguée en soins primaires à travers un calendrier vaccinal pour prévenir les maladies infectieuses, nous pensons que les rendez-vous médicaux de routine présentent une remarquable opportunité pour la prévention primaire de nombreux troubles physiques et mentaux de l’enfant et de l’adulte. » Les auteurs rappellent d’ailleurs qu’un texte a récemment placé au cœur des missions des maisons de santé américaines la surveillance de routine et le dépistage des troubles du développement et du comportement afin que ces troubles soient repérés avant qu’ils ne deviennent sévères. Ils vont plus loin. Constatant l’efficacité des programmes de soutien à la parentalité (tels que Triple P ou Incredible years), ils estiment qu’il faut proposer ces programmes en routine, en prévention primaire, de façon universelle et plus seulement ciblée (uniquement pour des parents déjà identifiés comme plus vulnérables).

Prévention précoce : prédire n’est pas nuire

Nous reprenons ici une incroyable recherche  menée sur une non moins incroyable cohorte néo-zélandaise. Ces travaux soulignent tout l’intérêt de ces analyses longitudinales encore souvent décriées en France. C’est en tous cas l’un des sujets emblématiques du moment : investir massivement dans la petite enfance pour permettre à chaque individu de réaliser son plein potentiel (et a contrario éviter que de nombreux enfants n’aient à souffrir de la perte d’une chance). Mais les interventions précoces permettent-elles un réel retour sur investissement ? Formulé autrement, offrir un soutien massif aux familles quand les enfants sont tout petits (ce qui a un coût) permet-il de modifier la destinée de ces enfants et d’éviter qu’ils ne soient plus tard un fardeau pour la société ? Et avant tout, avec quel degré de certitude peut-on établir une corrélation entre la façon dont un enfant se développe à trois ans et l’adulte qu’il va devenir ? C’est à cette dernière interrogation fondamentale que cet article publié dans Nature entend répondre. En introduction les auteurs rappellent qu’il existe encore une controverse entre les experts qui assurent que le vécu de l’enfance est très prédicteur du vécu adulte et ceux qui refusent un tel déterminisme. Pour faire peser la balance, les auteurs ont étudié la cohorte néo-zélandaise Dunedin : 1037 individus nés en 1972-73 et testés très régulièrement au cours de leur vie (dernière évaluation à 38 ans), avec un incroyable taux de rétention de 95%.

Les auteurs ont recherché les quatre facteurs de risque les plus identifiés dans l’enfance: précarité économique de la famille, exposition aux mauvais traitements, faible QI et faible capacité d’auto-contrôle. Parmi cette cohorte, les auteurs de l’étude ont ensuite identifié un « noyau dur » constitué par 22% des participants, qui cumule, lors du dernier recensement (à 38 ans) les fardeaux médico-socio-économiques : obésité, tabac, hospitalisations répétées, minima sociaux, inculpations pour crimes. Ce noyau dur perçoit 80% des minima sociaux, représente 82% des enfants ayant grandi sans père, a fumé 68% des paquets de cigarettes consommés par la totalité de la cohorte, constitue 98% des participants en surpoids, consomme 89% des médicaments, comptent pour 97% des personnes de la cohorte incriminées pour un crime.

Les auteurs ont défini des groupes à « hauts coûts », c’est à dire des ensembles d’individus qui coûtent cher à la société, dans les différents secteurs : en frais sociaux, frais de justice, frais médicaux. Et pour chacun de ces groupes les chercheurs ont relevé les quatre facteurs de risque : il s’agit d’individus qui ont grandi dans des milieux pauvres, ont subi des mauvais traitements, ont présenté de faibles performances de QI et ont manifesté de faibles capacités d’auto-régulation pendant l’enfance. Ces facteurs de risque se retrouvaient pour tous les domaines socio-économiques observés (tabac, obésité, criminalité, indépendance financière, etc) sauf pour ce qui concernait les préjudices subis, moins associés aux facteurs de risque pendant l’enfance. 20% d’un groupe de population qui représentent à eux seuls de 50% à 80 % des dépenses de l’ensemble de la société selon les secteurs concernés…

Les auteurs se demandent dès lors si cette population ne doit pas faire l’objet d’une cible prioritaire pour les actions de prévention précoce. Ils constatent que le degré de prédiction est extrêmement fort face à un cumul de facteurs de risque pendant l’enfance et que la capacité prédictive reste élevée quand elle se base uniquement sur l’examen neuro-développemental à trois ans. Avec leur modélisation, face à deux enfants de trois ans dont l’un allait se retrouver à l’âge adulte dans plusieurs groupes « à hauts coûts » et l’autre dans aucun, les chercheurs ont été capables à 80% d’avoir la bonne prédiction.

Le ciblage peut avoir du sens

Les auteurs concluent en rappelant l’utilité des cohortes longitudinales. Ils estiment important de montrer à travers des études agrégeant les données les effets cumulatifs des situations à risque, comme c’est souvent établi en médecine mais beaucoup moins en sciences sociales. Les auteurs suggèrent aussi qu’il peut être intéressant pour les acteurs des secteurs sanitaire, social et judiciaire de comprendre qu’ils ont affaire aux mêmes publics. Pour revenir à la question de départ, les auteurs tranchent : l’impact des facteurs de risque rencontrés dans l’enfance sur le devenir adulte est sous-estimé. Pour eux la question n’est plus « qu’est-ce qui marche ? » mais « qu’est-ce qui marche pour cette population d’enfants qui cumulent les facteurs de risque ? »
Les auteurs terminent avec la grande question qui anime bien des débats français : faut-il procéder à de la prévention ciblée ? « Nous sommes conscients d’un potentiel mauvais usage d’une segmentation de la population pour des actions de prévention : le risque de la stigmatisation et de l’étiquetage. Cependant, les prédictions reportées ici montrent clairement que les adultes les plus « coûteux » dans notre cohorte ont commencé la grande course de la vie dans un starting block nettement en arrière par rapport aux autres, ce qui a lourdement handicapé leur développement cognitif. Il est peu probable qu’un citoyen aussi défavorisé puisse payer sa part des coûts sanitaires et sociaux, mais il n’y a aucun intérêt à le blâmer pour des désavantages économiques qui le suivent depuis l’enfance. A la place, atténuer les effets des difficultés vécues pendant l’enfance est un objectif louable et atteindre cet objectif à travers un soutien précoce aux familles et aux enfants pourrait profiter à tous les membres de la société ».

Pour accompagner efficacement les parents, éviter la rétention d’informations

Nous reprenons ici une recherche et un article non scientifique qui insistent tous deux sur la nécessité d’informer les parents, d’augmenter leurs savoirs pour augmenter leurs compétences. Nous l’avons souvent évoqué, les acteurs français du champ psycho-social ont souvent pour principe de refuser la position du “sachant” et pour principal objectif de valoriser des compétences parentales qui seraient forcément présentes. Nous l’avons également déjà écrit : il nous semble que cette posture confine au délit d’initiés dans la mesure où les parents des milieux aisés ont les moyens culturels et financiers d’accéder à l’information quand les parents de milieu populaire, eux, sont laissés à leurs seules compétences censément innées.
Dans cet article du JAMA Pediatrics, Dimitri A.Christakis demande qu’on s’intéresse davantage aux plus petites « expériences défavorables de l’enfance ». La littérature scientifique se penche depuis longtemps sur les effets des traumatismes subis pendant l’enfance, maltraitances psychiques, physiques ou sexuelles, négligences, grande pauvreté, violence conjugale etc… L’auteur souhaite qu’on étudie davantage les effets d’une parentalité « mal avisée » ou pas assez adaptée aux besoins de l’enfant, le plus souvent par manque d’informations. Lire une histoire le soir, ne pas exposer un très jeune enfant aux écrans, veiller à des horaires de repas et de sommeil réguliers…autant de règles éducatives qui contribuent au bon développement d’un enfant. De façon moins aisément quantifiable, la façon dont les parents interagissent avec leur enfant, dont ils accompagnent ou pas ses émotions, va avoir un impact considérable sur son développement. Les enfants qui ne bénéficient pas de réponses parentales adaptées, rappelle Dimitri A.Christakis, sont moins aptes aux apprentissages scolaires lorsqu’ils entrent à l’école primaire. Le médecin estime qu’il est capital de transmettre aux parents des conseils basés sur des preuves scientifiques pour leur permettre d’accompagner de façon optimale le développement de leur enfant.

Caridad Araujo est spécialiste du financement des programmes de pré scolarisation dans les pays d’Amérique du sud. Elle est interviewée en mars 2016 par The Atlantic et c’est très instructif. Elle explique ainsi que la banque inter américaine pour le développement investit massivement dans les services d’accueil du jeune enfant de qualité mais aussi dans les programmes de soutien aux parents. « Visites à domicile, sessions collectives, le but est de promouvoir de meilleures pratiques parentales, une plus grande qualité des interactions au domicile, plus d’opportunités pour la stimulation sociale et l’apprentissage. » Cette spécialiste explique d’un point de vue économique l’intérêt d’une pré scolarisation de qualité. « Nous savons que le plus fort retour sur investissement avec les interventions en petite enfance apparaissent quand ces investissements ciblent les familles les plus désavantagées et quand les services proposés sont de très haute qualité.» Elle prône donc une politique de prévention précoce et ciblée (ce qui suscite chez nous nombre de débats). Néanmoins, si elle estime que la pauvreté est l’un des facteurs de risque les plus forts concernant le développement d’un enfant et ses chances de réussite, il n’est pas le seul. L’exposition au stress et à la violence est aussi un facteur de risque. Ces risques se surajoutent souvent les uns aux autres.

Caridad Araujo estime que le soutien apporté aux familles doit évidemment être un soutien économique et social. Un parent moins soucieux de savoir comment il va se loger ou nourrir son enfant sera plus à même de l’accompagner dans son développement. Mais elle l’affirme : les familles pauvres ne manquent pas seulement d’argent. Elles manquent aussi, souvent, du savoir nécessaire pour donner à un enfant toutes les chances d’atteindre son potentiel. « Il s’agit de ce savoir ce qui permet de rendre les parents conscients du rôle crucial qu’ils peuvent jouer dans le développement de leurs enfants. Beaucoup d’adultes n’ont pas conscience de l’importance de ce rôle, même lorsque l’enfant est très petit, à quel point les bébés sont sensibles aux interactions avec les adultes, à quel point ils ont besoin de ces échanges, ces interactions permanentes, de ce babil, pour leur développement et celui de leur cerveau. Leur faire prendre conscience de tout ça, leur prodiguer des outils qui leur permettront d’interagir, leur expliquer comment jouer avec leur bébé, comment créer des opportunités d’apprentissage, c’est la meilleure façon de soutenir les familles dans leur rôle. »