Françoise Simon, directrice de l’enfance et de la famille au Conseil Départemental de la Seine-Saint-Denis (mais qui vient de quitter ses fonctions), a répondu à nos questions sur les difficultés souvent cumulatives auxquelles est confronté ce département. Ses réponses viennent en contrepoint du témoignage choc d’Hélène, professionnelle de la protection de l’enfance dans le 93, qui livre son sentiment d’impuissance face à des situations douloureuses de plus en plus nombreuses et de plus en plus graves.

 

Le département de la Seine-Saint-Denis voit-il exploser le nombre d’enfants placés ?

Françoise Simon: Pas du tout. Nous observons une grande stabilité du nombre d’enfants confiés et suivis à domicile, quatre mille enfants dans chaque catégorie (en dehors des Mineurs non accompagnés). Mais ce qui a changé c’est le flux. Il s’accélère considérablement du fait d’une forte augmentation des admissions en urgence, due en partie à ce qu’on pourrait appeler la « tendance parapluie ». Les écoles qui sont inquiètes à la veille du week-end, un enfant au commissariat à 18H00 pour lequel on ne pense pas forcément à vérifier s’il peut temporairement dormir chez un copain. Le territoire de Seine Saint-Denis est particulièrement concerné, avec une forte arrivée de nouvelles populations chaque année et une concentration des difficultés. En 2015, sur l’ensemble du département, sur 1973 nouveaux accueils, 73% étaient pratiqués en urgence, contre 68% des 1800 accueils en 2013. C’est ce qui explique cette impression chez les travailleurs sociaux d’un plus grand nombre d’admissions.

Combien de temps ces enfants restent-ils au sein des services de l’ASE ?

F.S: Plus de 50% de ces enfants qui arrivent dans l’urgence ne restent pas plus de huit jours au sein de l’ASE. Il n’empêche que ces placements catastrophes et express ne sont pas satisfaisants. Il est difficile de trouver la solution d’hébergement la plus adéquate quand on ne connaît pas l’enfant ni sa famille, l’accueil ne pouvant être préparé. Les travailleurs sociaux ont l’impression qu’ils ne gèrent plus que ces urgences qui embolisent les services et qu’ils ne peuvent plus mener un travail de prévention ou suivre correctement les enfants déjà accueillis.

Quelles sont les solutions envisagées pour endiguer ces prises en charge en urgence?

F.S: Avec nos partenaires, nous sommes en pleine refonte du dispositif d’accueil et en plein renforcement de la prévention. L’action de l’Aide sociale à l’enfance ne se réduit pas à l’accueil des enfants hors du domicile parental. De nombreuses actions se déroulent sous forme de soutien à domicile.

Nous venons ainsi de créer une Aide à domicile avec possibilité d’hébergement, mesure d’accompagnement intensive par une équipe éducative à domicile (ADOPHE). L’idée est vraiment de multiplier les outils de prévention et d’évoluer vers des formules d’accompagnement mixtes. Dans cette optique c’est toute la philosophie de notre système qui change.

Considérez-vous l’accompagnement à la parentalité comme du ressort de la protection de l’enfance ?

F.S: Totalement. C’est pourquoi nous avons lancé en 2016 un appel à projet pour la création de deux services d’accueil de jour supplémentaires qui s’adressent aux familles en grande difficultés éducatives avec des enfants de moins de six ans. Il s’agit d’un accueil à la journée de parents qui viendront volontairement, orientés par la PMI, la pédopsychiatrie ou la psychiatrie adulte. Ces dispositifs permettent d’éviter des accompagnements plus lourds, voire des accueils des enfants hors du domicile parental pour environ à 80% des situations.

Nous lançons aussi un relais parental et nous voulons renforcer le soutien à la parentalité pour les parents d’enfants plus grands.