Une stratégie nationale pour la protection de l’enfance : c’est dans cette perspective que le secrétaire d’Etat Adrien Taquet a mobilisé six groupes de travail depuis le 27 mars dernier. Ces derniers ont restitué leurs travaux ce mercredi 26 juin et la stratégie devrait être annoncée début juillet.

La protection de l’enfance constitue un des trois « piliers » du pacte de l’enfance qu’Agnès Buzyn et Adrien Taquet souhaitent mettre en œuvre. Les deux autres axes s’articulent autour du soutien à la parentalité d’un côté (Agnès Buzyn veut « croire à cette utopie selon laquelle une politique de soutien ambitieuse rendrait obsolète la politique de la protection de l’enfance ») et de la « mobilisation pour une société sans violence » de l’autre.  Le projet pour l’enfant (PPE), les mineurs non accompagnés (MNA) et le recours à des adultes non professionnels sont revenus à plusieurs reprises dans les travaux présentés ce mercredi par les six groupes de travail sollicités par Adrien Taquet.

Pilotage, gouvernance, sécurisation des parcours

Le groupe de travail consacré au thème « Renforcer le pilotage de la politique publique et la participation des enfants et de leurs familles » a été le premier invité hier à rendre ses conclusions.
Frédéric Bierry, président Conseil départemental du Bas Rhin a pointé l’augmentation du nombre d’enfants placés et des situations complexes ainsi que l’épuisement des équipes. « L’amélioration de la gouvernance est nécessaire, mais ce n’est pas une fin en soi. Les acteurs se sont tous entendus pour dire qu’il n’y avait pas besoin d’un grand big bang législatif, institutionnel, administratif. Beaucoup de choses existent. Il est apparu nécessaire que le cadre soit mis en œuvre partout avec un un haut degré de transparence. »

Le groupe « sécuriser les parcours de l’enfant » a ensuite mis en exergue plusieurs priorités :
– Réaffirmer le rôle du projet pour l’enfant
– Permettre la co saisine d’au moins deux juges pour les décisions complexes
– Simplifier la vie quotidienne de l’enfant protégé, avec notamment la redéfinition des actes usuels et non usuels
– Favoriser l’implication durable d’adultes non professionnels auprès d’enfants (famille élargie, tiers de confiance, parrains, pairs…) pour favoriser la construction de liens durables. Cette proposition sera émise par un autre groupe de travail
– Anticiper et mieux préparer la fin des mesures de protection

La question des soins psychiques et de l’accès aux CMP également été abordée. Le président de ce groupe, Stéphane Troussel, président du Conseil Départemental de Seine Saint Denis relève que dans son département 20 à 30% des enfants protégés sont porteurs de handicap notamment psychique. Il en a profité également pour adresser un message politique au sujet des mineurs non accompagnées, demandant une « recentralisation des missions d’évaluation de la minorité ».

Redonner la parole aux enfants

Du côté du groupe de travail relatif au thème « Diffuser une culture de la transparence et de la qualité des lieux d’accueil », les préconisations sont les suivantes :
– Faire connaître aux enfants leurs droits
– Systématiser le recensement et le traitement des événements indésirables graves et des cas de maltraitance
– Encadrer le recours à l’hôtel pour en garantir le caractère exceptionnel
– Créer un fonds national d’investissement pour une modernisation des lieux d’accueil
– Faciliter expression des enfants au sein des lieux d’accueil

Pour Anne-Marie Armanteras de Saxcé, Présidente de commission à la Haute autorité de santé et de ce groupe de travail, « la parole de l’enfant est un sujet transversal ». « Au moins chaque année, avant la fin de chaque mesure, un enfant doit pouvoir dans le cadre de son PPE, exprimer son ressenti, son vécu. » Il faut donc en contrepoint une «  formation plus dense des professionnels au recueil de la parole ». Est préconisée aussi une enquête annuelle dans chaque structure. « Pour faciliter l’expression des enfants sur leurs malaises et difficultés qu’ils vivent au quotidien, si le référent ne suffit pas, il faut que les enfants puissent connaître les coordonnées d’un référent à l’extérieur formé à l’écoute des enfants. »

Focus sur l’accueil familial

Le groupe dédié au sujet « Développer les modes d’accueil de type familial » a ensuite présenté un résumé de ses travaux. Au programme : Réviser statut et améliorer conditions les d’exercice des assistants familiaux, préciser le cadre juridique des lieux de vie et d’accueil, soutenir les adultes non professionnels qui s’investissent durablement auprès des enfants, promouvoir, notamment au travers des campagnes de recrutement, les différents types d’accueil familial. Patrick Weiten, Président de département de la Moselle, a développé d’autres propositions : Pérenniser une rémunération par socle de base pour les assistants familiaux, organiser des équipes pluridisciplinaires pour les accompagner, associer les assistants familiaux à la mise en œuvre du PPE, préserver la place de la famille originelle même dans le placement familial, poursuite l’accueil des enfants après leur majorité, promouvoir l’accueil familial pour les MNA.

Prise en charge du handicap et ambition scolaire

Le groupe qui s’est penché sur l’accompagnement des enfants en situation de handicap a mis en avant la nécessité d’un décloisonnement des actions menées dans le champ médico-social et sanitaire afin de garantir une continuité de la prise en charge. Jean-Jacques Coiplet, Directeur Général de l’ARS des Pays de la Loire, a rappelé le manque criant de pédopsychiatres.
Le dernier groupe à présenter ses travaux était celui dédié à la promotion de l’ambition scolaire. Ses préconisations :
– Former les professionnels de l’ASE au suivi scolaire des enfants et les professionnels de l’éducation nationale aux fondamentaux de la protection de l’enfance
– Mieux associer l’équipe éducative au Projet pour l’enfant
– Organiser l’intervention d’enseignants au sein des lieux d’accueil en protection de l’enfance
– Garantir aux enfants protégés de pouvoir bénéficier des dispositifs de droit commun (« devoirs faits », internats, parcours d’excellence)
– Mettre en place une gouvernance et un partenariat plus opérationnel entre les acteurs de l’éducation nationale et de la protection de l’enfance

En attendant la réalité des mesures qui seront annoncées dans les prochains jours, l’ensemble des participants a salué les modalités de la concertation mise en place et la volonté affirmée d’une réflexion interministérielle. Lors de cette restitution la parole a été donnée à Gautier Arnaud Melchiorre, ancien enfant placé. Le jeune homme a livré un vibrant plaidoyer pour « le projet de l’école », « pierre angulaire de notre démocratie ». Il a clairement manifesté son opposition à la possibilité d’un RSA qui serait délivré à la majorité d’un jeune protégé. « Il faut dépasser la philosophie de l’allocataire. Le jeune de l’ASE a été passif dans son placement. Il faut le rendre actif dans son projet, pas lui préparer un avenir passif avec un RSA à la majorité. » Et son intervention a dû mettre du baume au cœur des professionnels présents dans la salle : « Oui j’ai pleuré, ça a été très difficile, j’ai été très seul mais j’ai rencontré de super éducateurs. Ne vous laissez pas aspirer par l’impasse du misérabilisme. » Même si dénoncer les abus quand ils existent relève peut-être davantage de l’alerte que du misérabilisme.