L’Association Nationale des Puéricultrices(teurs) Diplômé(e)s et des Etudiants publie 92 propositions afin de redonner aux infirmières puéricultrices une place centrale dans les dispositifs où elles sont historiquement présentes mais aussi dans ceux où leur spécialisation pourrait présenter une plus-value pour le moment inexploitée.

Les puéricultrices ont quasiment le même âge que la PMI, et pour cause : la création du diplôme en 1947, répondait aux mêmes objectifs, comprendre et endiguer une mortalité infantile à l’époque très élevée (113,7 enfants pour mille naissance). Depuis, les missions des Infirmier(e)s Puéricultrices Dplômé(e)s d’Etat (IPDE) n’ont cessé de se complexifier, en même temps que le grand intérêt de leur spécificité était perdu de vue. Soixante dix ans, c’est un âge opportun pour faire peau neuve. L’ANPDE vient donc de publier un Livre blanc « pour l’évolution de la spécialité », qui formule de nombreuses propositions et permet de rappeler au passage le caractère multidimensionnel et intersectoriel de ce beau métier.

Le document le rappelle en introduction : « Les IPDE représentent aujourd’hui la seule spécialité infirmière spécifiquement dédiée à la prise en charge de l’enfant et de sa famille ». Depuis 2009, les infirmiers ne suivent plus aucun module sur la pédiatrie en formation initiale. C’est important dans la mesure où l’enfant n’est pas un « adulte en miniature » : il a des besoins particuliers, d’autant plus particuliers qu’il est jeune. S’agissant de sa prise en charge, est-il aussi rappelé, la France est aujourd’hui confrontée à des problématiques complexes : la désertification médicale, un taux de mortalité infantile qui interroge parce qu’il ne diminue pas depuis 2005, des inégalités sociales et territoriales de santé qui touchent l’ensemble de la population.
Ce Livre blanc déplore aussi dans son introduction une organisation « en silo » des différents acteurs qui « nuit à l’efficacité des missions en faveur de l’enfance et entraîne un manque de visibilité des actions menées, engendrant des dépenses supplémentaires ». Il décline ensuite les différents domaines d’intervention des IPDE et pour chacun d’entre eux formule des constats, des objectifs, des propositions.

Pour la présence obligatoire d’une puéricultrice en néonatologie

Pour le milieu hospitalier, il est ainsi noté que « la réglementation actuelle reste peu contraignante concernant les services pédiatriques » puisqu’au sein des services de réanimation néonatale, « la spécialité d’IPDE n’est pas un prérequis obligatoire ». L’Association Nationale des Puéricultrices(teurs) Diplômé(e)s et des Etudiants (ANPDE) estime donc que « dans les services de néonatalogie et réanimation pédiatrique, la puéricultrice doit être seule habilitée à pratiquer les actes des soins sur prescription ou conseil médical, ou en application du rôle propre qui lui est dévolu sur les enfants âgés de 0 à 6 ans, compte tenu de sa capacité à prendre compte globalement des besoins de l’enfant et de sa famille. » « La forte technicité des gestes et prise en soin de l’enfant interdit l’apprentissage sur le terrain. ».

Repenser la PMI de fond en comble

En PMI, sont pointés « des glissements de tâches mettant en situations de risques tant les professionnels que l’enfant et sa famille.» Le Livre blanc déplore qu’aucune durée minimale d’expérience en pédiatrie ne soit exigée pour les infirmiers recrutés en PMI et formule toute une série de préconisations : renommer la PMI, repenser l’organisation des services départementaux et dédier les professionnels par missions (modes d’accueil, consultations…), institutionnaliser la consultation de puéricultrice, réaliser les bilans de santé en école maternelle par la puéricultrice, autoriser celle-ci à prescrire et réaliser les vaccinations obligatoires de l’enfant sain, mettre en œuvre des indicateurs permettant de quantifier de façon plus précise les besoins des enfants et de leur famille sur le terrain. L’ANPDE insiste sur la nécessité de « distinguer les missions propres aux modes d’accueil, leur accompagnement et leur contrôle des autres missions de PMI afin de favoriser la spécialisation des professionnels dédiés, harmoniser les pratiques et améliorer les délais d’instruction réglementaire

L’association réclame également, notamment, une révision des quotas du nombre de puéricultrices par naissance, du nombre de visite à domicile destinées au suivi des assistants maternels et des maisons d’assistants maternels, du nombre de VAD et de suivis dans le cadre de la protection de l’enfance, la formalisation d’une réelle intégration avec le Prado qui aujourd’hui complexifie l’intervention des professionnels.

Un observatoire des incidents en EAJE

Concernant l’exercice en EAJE, le Livre blanc pose que chaque EAJE doit de façon systématique être doté d’une IPDE. Si celle-ci n’est pas membre de l’équipe, elle peut être recherchée auprès d’une puéricultrice exerçant en libéral, qui pourra par voie de convention, intervenir en renfort de la direction sur certaines thématiques. Autre proposition dans le cadre des modes d’accueil : des consultations de puéricultrice pour suivre le développement des enfants et pour accompagner la parentalité, en coordination avec le médecin traitant, la suppression de l’exigence d’expérience professionnelle avant la prise de fonction de direction en EAJE. L’ANPDE suggère également de créer un observatoire des incidents ou dysfonctionnements en EAJE (susceptibles d’engager la sécurité des enfants accueillis) afin de mesurer la réalité des conditions d’accueil. « En effet, explique le document, depuis quelques années, les services départementaux de PMI constatent une recrudescence des situations à risques menaçant la sécurité, la santé et le bien-être des enfants accueillis, en raison du non-respect du Code de la santé publique, et des modalités de fonctionnement prévues par l’avis ou l’autorisation délivré (e) par le Président du Conseil départemental. Par exemple, il est constaté des modalités inadaptées et non réglementaires de fonctionnement de la part de certains gestionnaires : nombre d’enfants accueillis supérieur à celui autorisé, composition de l’équipe non conforme qualitativement et quantitativement, matériel non conforme au jeune âge des enfants…. »

Une nomenclature pour les soins prodigués par les IPDE en libéral

En milieu scolaire, le Livre blanc rappelle à juste titre qu’actuellement, le suivi médical et paramédical des enfants à l’école est insuffisant, notamment chez les enfants de 0 à 6 ans. «Concernant l’examen des 6 ans, en moyenne 43 % des élèves n’y auront pas accès, ces taux étant extrêmement variables d’une région à une autre. » Dans ce cas, pourquoi ne pas réaliser les bilans de santé en école maternelle par la puéricultrice ou permettre la réalisation de ces bilans par des IPDE libéraux ? Du côté des prises en charge en ambulatoire, il est pointé que 40% des consultations pédiatriques non programmées ne peuvent être assurées par les praticiens médicaux alors qu’une large part des consultations aux urgences pédiatriques pourraient être prises en charge par une consultation de puéricultrice. « Ce sont effectivement plus de 60% des consultations aux urgences qui relèveraient de conseils de puériculture ».

C’est donc une revendication forte de l’ANPDE : créer une nomenclature spécifique aux soins réalisés par l’IPDE en libéral qui lui permettrait d’assurer notamment les prises en charge néonatales et pédiatriques pour les enfants de moins de 6 ans dans l’application des prescriptions médicales, la prescription des dispositifs de soutien à l’allaitement, des solutions de réhydratation orale, des préparations pour nourrissons et les préparations de suite spécifiques en fonction des besoins de l’enfant de 0 à 1 an, la délivrance de certificats d’aptitude à la vie en collectivité, pour les enfants ne présentant pas de handicap ou de maladies chroniques.

Remettre les puéricultrices au cœur de la protection de l’enfance

Le Livre blanc se conclut par un long développement sur la protection de l’enfance, considérée comme une « mission majeure » des IPDE. Or, les puéricultrices sont absentes des services de protection de l’enfance. « A ce jour, notent les auteurs, les professions composant les services de protection de l’enfance ne sont pas issues de la filière soignante et n’ont donc pas de formation sur l’évaluation clinique de l’enfant de moins de 6 ans. Ainsi, les mesures d’assistances éducatives en milieu ouvert et plus largement l’immense majorité des investigations diligentées par les juges des enfants sont privées d’une analyse clinique pertinente en l’absence de soignants dans le cadre de l’évaluation de la situation de l’enfant. En outre, l’absence d’IPDE des services de l’ASE prive ces services ainsi que le juge des enfants, d’un suivi de santé adapté à la situation, et rend difficile la coordination avec le parcours de santé de l’enfant. Elle est pourtant plus que nécessaire alors que le Défenseur des Droits estime que les enfants en situation de handicap sont sept fois plus nombreux dans le cadre de la protection de l’enfance que dans la population générale. »

L’ANPDE estime par ailleurs que « paradoxalement, la mission de protection de l’enfance des PMI, où sont présents les IPDE, complique la tâche de ces derniers.» « En effet, la PMI répond à deux missions difficilement conciliables si elles sont exécutées par les mêmes IPDE. La première est d’assurer un accès aux soignants à toute la population et donc plus particulièrement aux populations les plus fragiles. La seconde est d’exécuter des mesures d’enquêtes au titre de la protection de l’enfance dans le cadre des informations préoccupantes. En d’autres termes, La PMI est perçue par la population comme le « gendarme » de la protection de l’enfance, rendant difficile le maintien, voir l’établissement d’un lien de confiance. Le risque est que les populations en difficulté dans le lien de parentalité ne poussent pas la porte de la PMI pour chercher de l’aide de peur de se voir mis à l’index, voir renvoyer devant la justice. C’est donc toute la mission préventive de la PMI qui est parasitée par cette double mission. »

Le Livre blanc préconise donc de détacher la mission de protection de l’enfance de la PMI, d’instaurer la présence de puéricultrices dans les services en charge de la Protection de l’Enfance (ASE, associations en charge des mesures d’AEMO), au sein de la cellule de recueil d’information préoccupante, dans les pouponnières, Maisons d’Enfants à Caractère Social (MECS) et Instituts Thérapeutiques Educatifs et Pédagogiques (ITEP), dans l’évaluation des candidatures d’agrément d’assistants familiaux, dans la formation et le suivi des assistants familiaux.

En conclusion, les auteurs affirment que « ce Livre blanc est l’occasion de réaffirmer haut et fort la nécessité de professionnels spécialisés pour la prise en charge de l’enfant. » « Qu’il s’agisse des professionnels paramédicaux ou médicaux, on ne peut se permettre de passer outre une formation spécifique. Nous devons mobiliser les moyens nécessaires pour que nos enfants aient accès à des prises en charge de qualité pour tous sur l’ensemble du territoire, qu’il s’agisse de soins techniques ou de prévention. Il ne s’agit pas de demander des moyens supplémentaires mais plutôt de les réorienter et d’encourager les pratiques innovantes des IPDE. »