Voici, pour la période couvrant le mois de janvier 2017, notre sélection de contenus picorés sur le web sur le développement de l’enfant, le plus souvent en anglais. Vous trouverez, pour chaque focus, un titre de notre composition, le lien vers la ou les source(s) puis un résumé traduit du ou des article(s) mis en ligne sur le sujet.

Retarder la prise en charge adéquate des enfants autistes a un coût pour l’enfant et la société

JAMA Pédiatrique
Quel est l’impact en terme d’autonomie pour les individus et en terme de coûts pour la société d’un délai d’attente trop long pour une prise en charge comportementale intensive des enfants porteurs d’un trouble du spectre autistique ? C’est la question à laquelle ont souhaité répondre des chercheurs canadiens (Ontario). Ils sont partis du principe que ces interventions comportementales étaient les plus efficaces pour les enfants autistes mais que le délai moyen de 32 mois d’attente pour en bénéficier était dommageable pour ces enfants et pour la société en général. Ils ont comparé les conséquences d’un délai réduit de moitié (prise en charge à presque 4 ans) , d’une prise en charge immédiate (moins de trois ans) et d’une prise en charge différée de 32 mois comme c’est actuellement le cas (plus de 5 ans). Les chercheurs ont modélisé leurs pronostics en calculant le quotient intellectuel final attendu en fonction de l’âge auquel débute la prise en charge (plus elle débute tôt, plus l’enfant a des chances d’avoir un développement cognitif proche de la norme). A partir de ce résultat ils ont estimé le nombre d’années passées en totale autonomie jusqu’à l’âge de 65 ans. L’absence de délai de prise en charge permet d’augmenter considérablement le nombre d’année « autonomes » vécues par une personne autiste et permet d’économiser par individu, 53.000 dollars canadiens  par rapport à une prise en charge retardée.

Prévention précoce : prédire n’est pas nuire

Nature Human Behavior

C’est l’un des sujets emblématiques du moment : investir massivement dans la petite enfance pour permettre à chaque individu de réaliser son plein potentiel (et a contrario éviter que de nombreux enfants n’aient à souffrir de la perte d’une chance). Mais les interventions précoces permettent-elles un réel retour sur investissement ? Formulé autrement, offrir un soutien massif aux familles quand les enfants sont tout petits (ce qui a un coût) permet-il de modifier la destinée de ces enfants et d’éviter qu’ils ne soient plus tard un fardeau pour la société ? Et surtout, avec quel degré de certitude peut-on établir une corrélation entre la façon dont un enfant se développe à trois ans et l’adulte qu’il va devenir ?

C’est à cette dernière interrogation fondamentale que cet article publié dans Nature Human Behavior entend répondre. En introduction les auteurs rappellent qu’il existe encore une controverse entre les experts qui assurent que le vécu de l’enfance est très prédicteur du vécu adulte et ceux qui refusent un tel déterminisme. Pour faire peser la balance, les auteurs ont étudié la cohorte néo-zélandaise Dunedin : 1037 individus nés en 1972-73 et testés très régulièrement au cours de leur vie (dernière évaluation à 38 ans), avec un incroyable taux de rétention de 95%.
Les auteurs ont recherché les quatre facteurs de risque les plus identifiés dans l’enfance: précarité économique de la famille, exposition aux mauvais traitements, faible QI et faible capacité d’auto-contrôle.

Parmi cette cohorte, les auteurs de l’étude ont ensuite identifié un « noyau dur » constitué par 22% des participants, qui cumule, lors du dernier recensement (à 38 ans) les fardeaux médico-socio-économiques : obésité, tabac, hospitalisations répétées, minima sociaux, inculpations pour crimes. Ce noyau dur perçoit 80% des minima sociaux, représente 82% des enfants ayant grandi sans père, a fumé 68% des paquets de cigarettes consommés par la totalité de la cohorte, constitue 98% des participants en surpoids, consomme 89% des médicaments, comptent pour 97% des personnes de la cohorte incriminées pour un crime. A chaque fois qu’un groupe était identifié comme étant à “hauts coûts” pour la société dans un secteur (santé, social, justice) -l’ensemble de ces groupes selon les différents secteurs constitue le noyau dur de 22% de la cohorte-,  les auteurs ont cherché les quatre facteurs de risque dans leur enfance. Et les ont trouvés. il s’agit en effet d’individus qui ont grandi dans des milieux pauvres, ont subi des mauvais traitements, ont présenté de faibles performances de QI et ont manifesté de faibles capacités d’auto-régulation pendant l’enfance. Ces facteurs de risque se retrouvaient pour tous les domaines socio-économiques observés (tabac, obésité, criminalité, indépendance financière, etc) sauf pour ce qui concernait les préjudices subis, moins associés aux facteurs de risque pendant l’enfance. 20% d’un groupe de population qui représentent à eux seuls de 50% à 80 % des dépenses de l’ensemble de la société selon les secteurs concernés…les auteurs se demandent dès lors si cette population ne doit pas faire l’objet d’une cible prioritaire pour les actions de prévention précoce. Ils constatent que le degré de prédiction est extrêmement fort face à un cumul de facteurs de risque pendant l’enfance (un enfant qui cumule plusieurs facteurs a peu de chance de devenir un adulte épanoui, en bonne santé et financièrement indépendant) et que la capacité prédictive reste élevée quand elle se base uniquement sur l’examen neuro-développemental à trois ans. Avec leur modélisation, face à deux enfants de trois ans dont l’un allait se retrouver à l’âge adulte dans plusieurs groupes « à hauts coûts » et l’autre dans aucun, la prédiction se révèle exacte à 80%.
Les auteurs concluent en rappelant l’utilité des cohortes longitudinales. Ils estiment important de montrer à travers des études agrégeant les données les effets cumulatifs des situations à risque, comme c’est souvent établi en médecine mais beaucoup moins en sciences sociales. Les auteurs suggèrent aussi qu’il peut être intéressant pour les acteurs des secteurs sanitaire, social et judiciaire de comprendre qu’ils ont affaire aux mêmes publics. Pour revenir à la question de départ, les auteurs tranchent : l’impact des facteurs de risque rencontrés dans l’enfance sur le devenir adulte est sous-estimé. Pour eux la question n’est plus « qu’est-ce qui marche ? » mais « qu’est-ce qui marche pour cette population d’enfants qui cumulent les facteurs de risque ? »
Les auteurs terminent avec la grande question qui anime bien des débats français : faut-il procéder à de la prévention ciblée ?

« Nous sommes conscients d’un potentiel mauvais usage d’une segmentation de la population pour des actions de prévention : le risque de la stigmatisation et de l’étiquetage. Cependant, les prédictions reportées ici montrent clairement que les adultes les plus « coûteux » dans notre cohorte ont commencé la grande course de la vie dans un starting block nettement en arrière par rapport aux autres, ce qui a lourdement handicapé leur développement cognitif. Il est peu probable qu’un citoyen aussi défavorisé puisse payer sa part des coûts sanitaires et sociaux, mais il n’y a aucun mérite à blâmer un individu pour des désavantages économiques qui le suivent depuis l’enfance. A la place, atténuer les effets des difficultés vécues pendant l’enfance est un objectif louable et atteindre cet objectif à travers un soutien précoce aux familles et aux enfants pourrait profiter à tous les membres de la société ».

Le soutien parental pour stimuler le développement cognitif des enfants

JAMA Pédiatrique

Un lien est désormais clairement établi entre la situation de pauvreté d’une famille et le développement cérébral des enfants. Partant de ce constat, des chercheurs de plusieurs universités américaines ont voulu savoir si la participation de parents de milieu très défavorisé à un programme efficace de soutien à la parentalité a une incidence sur le développement cognitif des enfants et sur la probabilité qu’ils échappent plus tard à la pauvreté. Ils se sont intéressés au programme « Strong African American Families » (fortes familles afro-américaines) qui promeut auprès des familles américaines noires du sud rural les principes d’une parentalité « soutenante ». Les parents recrutés pour l’étude l’ont été lorsque leurs enfants avaient 11 ans. A 25 ans, les jeunes adultes ont ensuite été soumis à un IRM. Ces examens ont montré chez les jeunes du groupe témoin vivant dans des familles pauvres mais ne bénéficiant pas du programme, une diminution du gyrus dentelé et d’une partie précise de l’hippocampe. Cette diminution n’est pas constatée chez les jeunes adultes dont les parents ont été accompagnés.

Le devenir scolaire des enfants afro-américains impacté par l’incarcération des pères

The Atlantic
Dans cet article, l’auteur établit un lien direct entre l’incarcération massive des parents noirs américains (surtout les pères) et les difficultés scolaires des enfants. Le fait d’avoir un parent en prison a en effet un fort retentissement sur les enfants. Les études montrent que les résultats scolaires de ces enfants chutent juste après le départ en prison, que leur taux de redoublement est plus élevé. Ils sont plus enclins à l’anxiété, la dépression et sont nombreux à souffrir d’un syndrome de stress post traumatique, de trouble de déficit de l’attention et de troubles du comportement. Ces enfants sont plus à risque de connaître ensuite la précarité, de devenir SDF et d’être eux-mêmes incarcérés.

La violence du quartier impacte physiologiquement et génétiquement les enfants

JAMA Pédiatrique
Le niveau de violence du voisinage proche a-t-il un impact physiologique chez les enfants ? Des chercheurs américains se sont intéressés à 85 enfants afro-américains de 52 quartiers différents de la Nouvelle-Orléans. Pour chaque quartier ont été relevés le nombre de commerce où il est possible d’acheter de l’alcool dans les 500 mètres autour de l’habitation de l’enfant, ainsi que les chiffres relatifs à la criminalité (crimes et violences domestiques). Le taux de cortisol (dit aussi « hormone du stress ») a été mesuré chez les enfants ainsi que la longueur de leurs télomères (extrémités des chromosomes
qui se réduisent avec l’âge ou un mode de vie délétère). Le cortisol et les télomères constituent des marqueurs biologiques du stress. Résultats : à chaque point de vente d’alcool supplémentaire dans les environs, la longueur des télomères de l’enfant diminue. Idem pour la violence domestique : plus elle est prégnante dans le voisinage, moins les télomères sont longs. Plus les enfants sont exposés à ces facteurs environnementaux difficiles, moins ils parviennent à faire baisser leur taux de cortisol après un test de réactivité. Pour l’équipe de chercheurs, il s’agit de la première étude qui met en relation l’exposition à la violence dans le voisinage et les marqueurs physiologiques et cellulaires du stress.

Les pères latinos appelés à la rescousse

Journal of Clinical Child & Adolescent Psychology
Les pères, longtemps délaissés par la recherche, suscitent de plus en plus d’intérêt. 136 pères issus de l’immigration sud américaine et s’exprimant en espagnol ont été pour une étude sur l’impact de l’engagement paternel sur le développement cognitif des enfants. Ils ont suivi un programme de guidance parentale axé sur la lecture dialogique (le fait de faire la lecture à son enfant). Les pères ont été soumis à des questionnaires avant et après l’intervention, les interactions père-enfant ont été observées et les compétences langagières des enfants testées. Les résultats ont montré des progrès significatifs par rapport au groupe témoin, tant sur le plan de l’engagement des pères que du comportement et du développement cognitif des enfants, ou des interactions.

Obésité infantile : interactions entre un récepteur de l’ocytocine et les variables socio-économiques

JAMA Pédiatrique

Cette recherche analyse les interactions très complexes entre l’obésité, les facteurs socio-économiques et le rôle de l’ocytocine. L’étude a porté sur des enfants de milieux socio-économiques différents dont le génotype a été analysé. De récentes études ont en effet montré qu’une variation du gène codant le récepteur de l’ocytocine modifie la façon dont l’individu va réagir à cette hormone (connue pour son rôle dans les interactions sociales et l’empathie, notamment). De façon très schématique il existe trois formes de ce gène, selon les allèles présents. Les enfants porteurs de l’allèle A seraient ainsi plus à risque de développer un trouble autistique. Dans cette étude les chercheurs ont analysé les corrélations entre l’indice de masse corporel des enfants, leur milieu socio-économique et le gène codant le récepteur de l’ocytocine dont ils étaient porteurs. Ils ont abouti à la conclusion que les enfants porteurs de l’allèle A connaissaient de grande variation de poids selon qu’ils appartenaient à une famille à faibles revenus ou à une famille aisée ( ils présentaient l’IMC le plus fort dans la catégorie la plus précaire et l’IMC le moins élevé dans la catégorie des hauts revenus). Les enfants porteurs de deux allèles G semblaient beaucoup moins sensibles à la variable socio-économique en ce qui concerne le risque d’obésité.

Les jeunes et l’alcool : le miracle islandais

The Atlantic
Fascinant article qui explique comment l’Islande est parvenue à sauver sa jeunesse des addictions, notamment à l’alcool. En 1998, 42% des 15-16 ans avaient déjà bu de façon excessive, ils n’étaient plus que 5% en 2016. Sur la même période, le pourcentage de jeunes ayant déjà consommé du cannabis à 16 ans est passé de 17 à 7%. L’un des intervenants raconte qu’il y a 20 ans il était peu recommandé de se promener le vendredi soir dans certains quartiers de Reykjavik à cause de « hordes d’adolescents rendus violents par l’alcool ». Harvey Milkman, un psychologue américain interviewé par The Atlantic, confie que la façon dont les Islandais ont procédé constitue « la plus l’étude la plus remarquablement intense et profonde sur le stress dans la vie des adolescents que j’ai jamais vue ».

Dans les années 90, un questionnaire a été envoyé à tous les collégiens et lycéens d’Islande pour connaître leur consommation d’alcool, de tabac et de drogue. Les résultats, alarmants, ont mis en exergue que toutes les écoles et tous les quartiers n’étaient pas touchés de la même façon. Les responsables de cette étude ont mis en évidence des modes de vie très différents selon le taux de consommation des jeunes et surtout ont pu identifié des facteurs de protection : la pratique intensive d’un sport, la durée du temps passé avec les parents au cours de la semaine, se sentir soutenu à l’école et ne pas traîner à l’extérieur le soir. A l’époque de nombreux programmes de prévention, éducatifs, basés sur la sensibilisation aux dangers des substances toxiques, avaient été testés, sans succès. Le maire de la capitale mais aussi de nombreux parents voulaient tester autre chose. Le plan national « Jeunesse en Islande » a été mis en place. La législation s’est durcie, interdisant la vente de tabac aux moins de 18 ans et la vente d’alcool aux moins de 20 ans, les liens entre les écoles et les parents ont été renforcés, les familles incitées à assister à des conférences sur la nécessité de passer du temps avec les enfants en semaine et pas simplement de petits moments de qualité occasionnels, de connaître la vie de leurs enfants, leurs fréquentations et de ne pas les laisser sortir tard le soir (une loi a même interdit aux jeunes de 13 à 16 ans d’être dehors seuls le soir après 22h00 en hiver et après minuit en été). Les associations de parents d’élèves ont fait signer des engagements aux parents (interdire l’organisation de soirées non supervisées, ne pas acheter d’alcool à des mineurs, garder un œil sur les autres enfants). Autant d’éléments qui ont rendu un peu moins efficace le célèbre refrain « mais tout le monde le fait ». Le budget alloué à la pratique sportive et à l’enseignement des arts a été considérablement augmenté. Les familles les moins aisées ont pu bénéficier d’aides. Chaque année, le questionnaire a continué d’être envoyé à tous les adolescents pour constituer une base de données. En même temps que d’année en année les parents se sont mis à passer plus de temps avec leurs enfants, que la pratique sportive augmenté, la consommation d’alcool et de tabac a chuté.

Faible niveau de langage à 3 ans, risque scolaire à 8 ans

The Journal of Pediatrics
Une nouvelle étude qui montre le caractère prédictif du niveau de langage des enfants à 3 ans. Cette recherche mené auprès de 731 enfants a d’abord testé leurs compétences langagières à trois ans, puis leurs compétences académiques à 5 ans et a ensuite relevé si les mêmes enfants avaient eu besoin de soutien scolaire ou d’une prise en charge spécifique, s’ils avaient dû redoubler, à 7,5 ans puis 8,5 ans et 9,5 ans. Les résultats montrent clairement que les enfants avec le plus faible niveau de langage à 3 ans étaient beaucoup plus à risques ensuite de présenter un retard sur le plan des apprentissages scolaires ou de redoubler une classe. Ces données ont été vérifiées quels que soient le sexe, l’origine ethnique, le milieu familial, le niveau de revenus des parents, le mode éducatif. Les chercheurs estiment qu’une prévention précoce des difficultés de langage pourrait réduire le recours ultérieur à des services d’éducation spécialisée.

Inégalités scolaires en Angleterre, ou la loterie du code postal

The Conversation
Dans cette analyse, Chris Rolph, maître de conférence à l’Université de Nottingham montre que le fossé scolaire entre le nord et le sud de l’Angleterre est toujours réel avec un net décalage entre les bons taux de réussite de Londres et sa banlieue et des scores moins glorieux pour le nord du pays. L’auteur rappelle sans surprise que les écoles qui accueillent le plus d’enfants de milieux défavorisés sont celles qui sont les moins performantes. Néanmoins il note un changement : à Londres les écarts entre les écoles en fonction de l’origine sociale des enfants sont beaucoup moins forts et les écoles londoniennes sont beaucoup plus capables de faire progresser les élèves plus faibles tout au long de leur scolarité que les autres. Le chercheur parle de la « loterie du code postal » pour dénoncer cet arbitraire géographique selon lequel les élèves vont plus ou moins réussir (puisque ce n’est pas seulement lié à leurs origines sociales).