Les 3 et 4 octobre derniers, l’Institut de la Parentalité, fondé et dirigé par la psychiatre Anne Raynaud,  a co-organisé avec un centre universitaire québécois (CIUSSS-CN) un événement majeur articulant la théorie de l’attachement avec la protection de l’enfance. Ce colloque de deux jours intitulé « Innover et agir en prévention pour construire le lien d’attachement : regards croisés France – Québec » a permis d’alterner entre théorie et pratique en donnant la parole à des experts du champ psycho-social mais aussi à des juristes et des représentants des pouvoirs publics. Il a donné lieu à neuf propositions. Nous avons découpé ce compte-rendu, très dense, en plusieurs articles. Voici l’introduction de ces deux journées, avec la première table-ronde consacrée à la santé mentale pendant la grossesse. 

Retrouvez les trois autres articles de notre compte-rendu:

Deuxième partie du colloque: la construction des liens
Troisième partie du colloque: la théorie de l’attachement depuis la fenêtre de la protection de l’enfance
Quatrième partie du colloque: Des interventions de prévention et de protection construites autour de l’attachement

Découvrez également les neuf propositions formulées à l’issue de ces deux journées.

En ouverture de ces deux jours, Nathalie Casso Vicarini, fondatrice et Déléguée générale de l’association Ensemble Pour l’Education de la Petite Enfance, propose quelques rappels. « Il est établi que des conditions de vie très précoces peuvent altérer le développement ultérieur. On dispose de connaissances de plus en plus fines sur ce qui va façonner de façon durable la santé psychique et physique de l’enfant. Mais il existe un décalage entre ces connaissances et les pratiques dans la réalité. Ce décalage est lié à un manque d’accessibilité à des informations justes. »
Elle évoque la commission d’experts sur les mille jours, dont elle fait partie, et revient sur la santé mentale périnatale (autour de laquelle une alliance francophone vient de se créer) : 3000 naissances nécessitent l’hospitalisation d’une mère psychotique, 50.000 bébés interagissent avec une mère en situation d’anxiété sévère. Les bébés qui bénéficient d’un programme de visites à domicile (VAD) ont 3 fois plus de chances de développer un lien d’attachement harmonieux.
Cette commission pluridisciplinaire, qui doit rendre ses conclusions en février, a cinq objectifs  :
– Relayer le consensus scientifique auprès des parents avec des messages clés
– Baliser un nouveau parcours d’accompagnement des parents
– S’accorder sur des modalités de détection et de traitement précoce des troubles
– Repenser les congés de naissance
– Repenser le fonctionnement du système d’accueil à l’horizon des 10 ans (objectifs en quantité et qualité)

« Il faut un discours robuste solide issu de la science, non stigmatisant, accessible, lisible, martèle Nathalie Casso Vicarini. L’Etat s’estime garant de l’équité dans l’accès aux informations. »

Anne Raynaud, psychiatre, directrice de l’Institut de la Parentalité, prend le relais et insiste : « La théorie de l’attachement n’est pas qu’une mode. C’est un corpus scientifique validé, évaluable et utilisé dans d’autres pays. Nous ne pensons pas contre d’autres pratiques. Il faut l’intégrer dans une vision plurielle. Parfois sur le terrain nous percevons le sentiment qu’on vient attaquer d’autres fonctionnements. Il s’agit plutôt de faire évoluer les pratiques sans qu’on pense que ce qu’on faisait avant n’avait pas de sens ».

Anne-Laure SUTTER DALLAY : « l’hypersensibilité émotionnelle de la grossesse : de la dysrégulation aux troubles »

C’est ensuite la première table-ronde qui s’ouvre, intitulée « La grossesse : du désir à l’arrivée de l’enfant : une période sensible ». Le docteur Anne-Laure SUTTER DALLAY, Pédopsychiatre, Responsable du Réseau de Psychiatrie Périnatale (Pôle UnivA, CH Charles Perrens) propose un topo sur « l’hypersensibilité émotionnelle de la grossesse : de la dysrégulation aux troubles ».
La frontière est en effet ténue. « Avec de la prévention simple on peut éviter une pathologie mentale au long cours », assure-t-elle en préambule. D’où l’intérêt d’un véritable réseau de psychiatrie périnatale (avec hospitalisations temps plein, hôpital de jour, équipes mobiles et consultations). Elle évoque l’approche DOHaD qui constitue le fondement des réflexions sur le développement précoce. On sait que la grossesse impacte la santé de la maman au long cours. Des recherches récentes soulignent des changements de la structure du cerveau au moment de la grossesse. « On peut faire un diagnostique de grossesse sur une IRM fonctionnelle. Il y a des zones du cerveau qui mutent, des neurones apparaissent, disparaissent, des connexions se créent. Les interactions avec le bébé viennent stimuler le cerveau, de façon bénéfique ou négative. » Les pathologies mentales de la période périnatale concernent 30% des femmes. Parmi les épisodes périnataux légers on trouve 30% de premier épisode et 70% de rechutes. Parmi les épisodes sévères, on voit que la répartition est de l’ordre du 50/50. Quels sont les facteurs de vulnérabilité et de protection connus ?

Description des troubles mentaux en périnatalité

Anne Laure Sutter Dallay énumère les pathologies mentales rencontrées en périnatalité :
– le blues : il est normal, il sert à la mise en place du care giving, de l’attachement. « Ça ne doit pas durer longtemps et il ne doit pas être trop intense ».

– Les troubles de la régulation émotionnelle (troubles anxieux/ dépressions/troubles bipolaires, c’est à dire beaucoup de monde)

– La schizophrénie : c’est un vrai challenge, un trouble grave mais qui concerne peu de monde

– Les troubles de la personnalité et les addictions : ils posent le plus de problèmes pour les interactions au long cours et la prise en charge des enfants

Une femme qui souffre de bipolarité a 70% de risques de présenter des symptômes plus ou moins graves dès la naissance de l’enfant. « Il faut travailler tôt. Ces femmes ont des symptômes très tôt, on peut enrayer les épisodes graves ». D’après l’étude de Kendell et al en 1987, pour l’hospitalisation en psychiatrie, on voit un pic dans les deux mois qui suivent la naissance et ensuite, dans les deux années, les taux d’hospitalisation restent plus élevés pour ces femmes. 12% des enfants de moins de 10 ans auraient des parents souffrant d’une maladie mentale. Dans les ¾ des cas les parents n’auront pas eu de soins dans les années qui suivent la naissance. Or les troubles psychiques ont un impact potentiel d’autant plus fort que les parents ne sont pas soignés et que les enfants ne reçoivent pas d’aide. Le fait d’être un garçon et le faible statut socio économique constituent des facteurs de risques majeurs. En revanche, la chaleur des interactions participe à l’infléchissement des troubles chez l’enfant.

La transmission existe, la question demeure complexe. On évalue à 80% l’héritabilité des troubles bipolaires (dans le déclenchement de ces troubles, il y a 80% de part de gènes), idem pour la schizophrénie. L’héritabilité tombe à 40% pour la dépression. Parmi les facteurs qui impactent la survenue des difficultés on compte les événements traumatiques de l’enfance, ces événements agissent sur les dimensions épigénétiques. Anne-Laure Sutter Dallay revient sur la vedette du jour, l’attachement. « Il est médié par le care giving qui passe par toutes les dimensions environnementales, génétiques, hormonales…La transmission est directe à l’enfant mais aussi transgénérationnelle ».

Zoom sur la dépression ante et postnatale

La psychiatre définit la dépression postnatale. « Tout trouble dépressif sans caractéristique psychotique qui touche la maman dans l’année qui suit la naissance (il faudrait monter à deux ans, estime-t-elle». La prévalence est de 10 à 20%, plus élevée en population vulnérable. 30% de ces dépressions constituent un premier épisode. « Tout le monde est d’accord pour travailler en prévention, on peut protéger la santé mentale, assure Anne-Laure Sutter-Dallay. On permet à ces épisodes de ne pas se révéler, aux femmes de passer à travers les gouttes. Quand on déclenche une dépression, une fois qu’on a eu un épisode, on est plus à risque, à chaque épisode le cerveau se fragilise. On vaccine bien les enfants contre la rougeole parce que c’est grave et on ne saura jamais si c’était nécessaire ou pas. »

D’après les résultats issus de la cohorte ELFE, on sait que 12,6% des femmes déclarent une difficulté psychique pendant la grossesse. Cette difficulté est plus fréquente si la grossesse est non planifiée ou compliquée, la déclaration tardive, le niveau socio économique bas, s’il y a consommation de tabac ou d’alcool pendant la grossesse, chez les grandes multipares.
Parmi ces 12,6% de femmes qui déclarent une difficulté, seulement 27,4% bénéficieront d’une consultation spécialisée et seules 10% recevront un traitement thérapeutique ou médicamenteux.  4% se verront prescrire des psychotropes sans consultation spécifique.

Facteurs de risque et impact de la DPN

Or la dépression pendant la grossesse a un impact sur l’enfant : augmentation du risque des troubles dépressifs (idem pour la schizophrénie et la bipolarité). La dépression anténatale fait une différence significative. Il faut essayer qu’elle ne survienne pas. Cet épisode anténatal constitue le facteur de risque le plus important pour les dépressions postnatales.
Pour les dépressions qui surviennent après la naissance de l’enfant (DPN), d’autres facteurs de risque ont été identifiés : la qualité du soutien social, les événements de vie stressants mais aussi, de façon moins marquée, un faible statut socio-économique, le statut migratoire, la qualité du soutien conjugal, le tempérament de l’enfant, le style cognitif attributionnel négatif. Un facteur de risque nouveau a émergé : les disputes conjugales avec insultes.
L’immense majorité de ces épisodes postnatals rentrent dans le registre des troubles bipolaires de type 2 ou 3. Ils nécessitent une vigilance au long cours car ils présentent un risque de rechute. « On peut confondre la manie (accélération psychique qui rend irritable, donne des problèmes relationnels) avec la dépression, prévient la psychiatre. Il y a de vrais enjeux de soins. On ne traite pas la manie avec des anti dépresseurs ».

La DPN a un impact sur le développement cognitif de l’enfant, dans certaines conditions. La psychiatre Lynn Murray a travaillé finement sur les effets différenciés des troubles des interactions.
Les mères qui présentent un manque d’engagement dans les interactions entraînent plus de troubles du développement cognitif, les mères avec des attitudes intrusives entraînent des troubles émotionnels plus tardifs. « On manque de recherches sur le sujet » déplore néanmoins Anne-Laure Sutter Dallay. « Concernant les effets des caractéristiques néonatales des enfants, on parle de spirale interactive. Qui de l’oeuf ou de la poule… » Un bébé avec des caractéristiques particulières, avec un comportement moteur désorganisé, des bébé irritables, avec des difficultés d’orientation, entraînent chez toute maman une augmentation du risque de DPN. « En informe-t-on la mère ? Non. » (voir à ce sujet les études Murray et al 1996, Field 1997, Sutter et al 2003). Pour expliquer la symptomatologie dépressive des mamans il faut prendre en compte l’enfant.

Parcours de soins et traitement médicamenteux

La question du traitement médicamenteux est sensible. « Si on dit dépression, on dit antidépresseur. C’est plus complexe. 3% des femmes en France prendront des antidépresseurs pendant la grossesse. Les antidépresseurs augmentent pour l’enfant le risque de troubles de l’adaptation néonatale, de TSA (mais avec des guillemets concernant ces troubles). Quand on donne des antidépresseurs à la mère on soigne ou on nuit au bébé, on ne peut pas le savoir à l’avance ».
Par ailleurs, on ne connaît rien à l’état immunitaire des femmes pendant la grossesse. Le parcours de soins pour ces femmes et leurs enfants est complexe. « Pour chaque patiente on met tout en balance, on appelle le réseau, il faut une pratique multidisciplinaire, multi physiopathologique. Le parcours de soins doit être pensé selon la spirale interactive. Les 1000 jours sont cruciaux. Il faut se préoccuper des femmes qui ont un projet de grossesse. Là où j’exerce, nous proposons des consultations antéconceptionnelles pour les femmes avec des antécédents de troubles. C’est une prévention extraordinaire. On n’a plus d’hospitalisation du jour au lendemain aux urgences avec placement abrupt. Les soins conjoints sont nécessaires, il faut le penser en prévention primaire. On peut avoir une action extraordinaire ».

Marie-Josée POULIN : « Je devrais être heureuse mais… », grossesse et troubles psychiatriques, défis et pistes de solution.

Marie-Josée Poulin, psychiatre québécoise, présente un programme de psychiatrie périnatale et les statistiques de la Province de Québec. Elle a intitulé son intervention « Je devrais être heureuse mais… » « Les troubles psy périnataux sont de grands voleurs de bonheur, commence-t-elle. La grossesse, un paradis ? Depuis les 15 dernières années, c’est un rêve idéalisé pour nos jeunes mamans avec Pinterest, Instagram. Elles veulent accoucher d’un accouchement. Elles ont le syndrome de la superwoman. Or la grossesse est un défi pour l’équilibre bio psycho social, avec de grands enjeux liés aux fluctuations hormonales, aux bouleversements psychologiques, aux changements dans les rôles socio-familiaux. C’est une fenêtre de vulnérabilité pour certaines femmes ».
Elle relève une amélioration considérable des traitements pour troubles psychotiques. « Les gens ont une vie normale, ils veulent fonder une famille ». Mais au-delà de la dépression postpartum, les psychiatres adultes ont du mal à voir la grossesse de leur patiente. Ces grossesses suscitent des défis organisationnels dans la provision de soins et de services optimaux. « Ça fonctionne en silos trop souvent. On a rarement un véritable réseau avec l’ensemble des composantes ».

Le trouble psychiatrique, première complication de la grossesse en occident

Marie-Josée Poulin évoque les « cliniques sur spécialisées en psychiatrie périnatale » : « Nous suivons des femmes en préconception jusqu’aux deux ans de l’enfant. Parfois c’est plus court. La raison d’être de ces services c’est le dépistage précoce et la prévention, l’évaluation en interdisciplinarité, l’avancement des connaissances. Notre objectif est de faciliter l’équilibre psychologique de la mère et de l’enfant jusqu’à rémission fonctionnelle complète et durable. Les enjeux sont énormes puisqu’il s’agit de prévenir, détecter et traiter ». Les services évoqués reçoivent des femmes qui ont un trouble psychique ou en ont déjà eu un, qui sont enceintes ou veulent le devenir, des femmes qui ont une psychose du post partum, qui déclarent un premier épisode.
« Qu’est ce qu’on dépiste ? Chez qui ? Pourquoi ? Quand ? La majorité des femmes enceintes bénéficient d’un suivi interdisciplinaire, ce qui représente une opportunité de dépistage unique ».

Les complications obstétricales les plus fréquentes dans les pays occidentaux sont psychiatriques. La première cause de mortalité maternelle c’est le suicide. Le taux de suicide chez les femmes connues pour des trouble psychiques est 70 fois plus élevé dans l’année qui suit l’accouchement s’il n’y a pas de suivi. La Food and Drug Administration américaine vient de déclarer le dépistage de la dépression post partum obligatoire (état dépressif dans le mois après accouchement ). Les échelles d’évaluation sont assez faciles à faire passer.
Marie-Josée poulin cite une de ses patientes : « Aidez moi je suis hormonisée, je ne suis pas humanisée ». Elle évoque l’impact des hormones gonadiques. Les femmes sont très sensibles à la progestérone (fort taux en début de grossesse) elles vont avoir des nausées, s’endormir, elles sont plus à risque de dépression, de dysphorie. La progestérone est un stabilisateur d’humeur. Les oestrogènes c’est l’inverse. Elles augmentent l’agressivité et l’irritabilité (au 3è trimestre), les bipolaires sont plus à risque de phase maniaque, les obsessionnelles plus à risque de décompensation. 5 à 8% des femmes en population générale, 50% des bipolaires, 30% des schizophrènes sont très sensibles aux fluctuations hormonales. Au premier trimestre 11% des femmes auront des troubles dépressifs, en période périnatale 12 à 20%, en postnatal : 20%.

Des pathologies qui se révèlent pendant la grossesse

« Dans les troubles classiques du postpartum, on a impression que 40% sont des femmes bipolaires et que c’est leur mode d’entrée dans bipolarité, note la psychiatre. La psychose postpartum est une urgence absolue. La période à risque pour la vraie dépression connaît son pic à 30 jours. Le blues est une incontinence émotionnelle pendant 2 semaines et il n’y a pas d’atteinte fonctionnelle. »
Pour les troubles bipolaires il n’y a pas de risque augmenté de rechute pendant la grossesse mais en postpartum le risque très élevé. La psychose postpartum entraîne un très fort taux d’homicide. C’est un état confusionnel aigu avec des hallucinations multisensorielles, des hospitalisation mandatoires. Mais le pronostic est excellent et le traitement efficace rapidement.

Marie-Josée Poulin évoque la nécessité d’une prévention primaire pour la schizophrénie. En général le couple est touché et donc bébé à naître à des risques génétiques, avec une augmentation du risque en cas de complications obstétricales, de grippe, de consommation de cannabis par l’enfant plus tard, si le bébé est un garçon. « On hérite d’une sensibilité à développer la maladie, pas de la schizophrénie en elle-même ».

La balance des risques pour protéger au mieux le bébé

Ces parents porteurs de troubles mentaux présentent des risques pour leur bébé. Le parent dépressif est suicidaire et risque de commettre un infanticide « altruiste ». Le parent psychotique est aussi à risque d’infanticide, le parent avec un trouble de la personnalité est à risque de négligences graves, la psychose post partum peut conduire au néonaticide.
Du côté du traitement, Marie-Josée Poulin évoque elle aussi une « balance de risques ». « Le foetus est exposé à la médication ou à la maladie de sa mère ». C’est un univers clinique complexe. « Nous les psychiatres périnatalogistes sommes experts de la non médication ». Les psychotropes peuvent traverser barrière placentaire, il existe un risque de tératogénicité et de tératogénicité comportementale. « Si le trouble psychique est sévère avec des rechutes rapides et graves on choisit une médication efficace antérieure en monothérapie ». Les bébés ont une sensibilité différente aux effets de la médication et de la maladie. La psychiatre déroule les alternatives à la médication : la luminothérapie, les psychothérapies, la psychoéducation, les thérapies conjugales, la relaxation, les omega 3…
La prise en charge postnatale est importante pour les troubles bipolaires et schizophrènes qui sont à haut risque de rechute. Il faut évaluer en continu les habiletés parentales.

Marie-Josée Poulin invite à « penser global ». « Ma plus belle victoire : une table à langer dans un hôpital psychiatrique. Nous avons aussi des salle de jeux avec deux miroirs bidirectionnels, un centre de documentation, des livres prêtés aux femmes ». Elle défend des approches multidisicplinaires, une vision systémique du changement, une approche préventive et éducative, une thérapie intégrative, un modèle « biopsychosocial ».
Elle insiste : « Il faut protéger le futur de l’enfant, ne jamais oublier l’existence et le devenir de la relation. On dit qu’une mère comprend ce qu’un enfant ne dit pas. Oui mais la psychopathologie empêche la mère de décoder. Il faut un coaching

Echanges autour de l’Entretien prénatal précoce

Après ces deux présentations, un temps d’échange est consacré à trois questions :
– Pourquoi l’Entretien Prénatal Précoce (EPP) est-il si peu utilisé en France ?
– Qu’est ce qu’il faut aborder en séances de préparation ?
– Connaissez-vous des outils sous utilisés ou à développer ?

Brigitte PROVENZANO, Sage-Femme, Vice Présidente de l’ARPPPP (Association pour la Recherche en Prévention Psychique Précoce en Périnatalité), introduit ces trois questionnements. L’EPP peut apparaître comme un dispositif fourre-tout à clarifier. Il s’agit d’un entretien, pas d’une consultation. Il peut bousculer, ouvrir sur les émotions de l’autre. Que faire quand on repère une vulnérabilité ?
L’EPP n’est pas obligatoire et il n’y a pas de formation sur le repérage des vulnérabilités. Les préparations à la naissance et à la parentalité devraient être plus structurées, avec des objectifs définis et standardisés. En France il y a une rupture de continuité entre le pré et le postnatal. Qui est le responsable du repérage des vulnérabilités dans cette période des 1000 jours ?

Marianne Fontange, gynécologue, explique que les professionnels ont été secoués par la thématique des violences obstétricales. « En ce moment c’est difficile. Il faut compter aussi avec les échographistes en anténatal. C’est un moment où il se passe des choses, où on peut avoir l’intuition d’une vulnérabilité parentale ».
Pour Marie-Josée Poulin, « il faut faire des formations interdisciplinaires avec des psys, des Sages-Femmes, des gynécologues et autres intervenants, travailler sur des cas cliniques ». Elle incite à « penser aux campagnes médiatiques pour déstigmatiser, en parler ouvertement »  et à « avoir des systèmes d’accueil très souples pour que chaque intervenant sache où diriger la personne par la suite ».

Laurence Toullec, sage-femme de PMI en Gironde, estime que « l’EPP est un outil de rêve ». « Mais je ne reçois jamais de demande en tant que telle. Ce n’est clair pour personne, ça reste très flou ».

Marie Laure  Beijas, sage-femme, chef de projet périnatalité à l’ARS Nouvelle Aquitaine prend la parole : « L’EPP est apparu après le plan 2005-2007. Dans nos maternités, pendant longtemps on s’est contenté de suivre la physiologie. L’Etat émotionnel des femmes n’était pas si facile à aborder. Cet EPP nous a ouvert les yeux sur la demande des femmes et des couples. C’est un outil d’analyse préliminaire des risques. Mais il n’est pas si utilisé (30% des femmes en bénéficient). Un EPP seul ça n’existe pas, si on ne le relit pas au postnatal ». Pour Anne Laure Sutter-Dallay c’est la question du parcours de soin. Qui est garant ? Quel est le lien ? Il faut réfléchir à une gradation des soins psychiques, avoir 3 niveaux calés sur le modèle des maternités ».
Ce sont les questions qui reviennent : « Que fait-on quand on repère une vulnérabilité ? A qui on parle ? » « Faut-il un socle commun dans les formations ? » « Comment renforcer le maillage de sécurité autour de la famille ? »
Marie-Josée Poulin précise l’organisation québécoise: « Notre réseau intégré de soins est à parfaire. On a deux gros départements de gynéco obstétrique, nous faisons Dépistage/Diagnostic/prévention, nous avons un guichet unique et on fait un retour écrit. Il ne faut pas être trop rigide. On peut être en quatrième ligne et faire de la prévention ».
« En France, les staffs médico psycho sociaux sont un super outil, assure Anne Laure Sutter-Dallay. Il y en a à peu près partout. C’est un lieu régulier de coordination des parcours de soins ».
Marie-Josée Poulin défend l’idée de « l’intervenant pivot, la personne qui accompagne la famille ».

Laurence Toullec, sage-femme de PMI en Gironde avertit que « la PMI ne peut pas être ce coordinateur, nous n’en avons pas les moyens humains ». « Mais nous avons une équipe pluridisciplinaire et une bonne connaissance des acteurs de terrain. En milieu rural beaucoup de patientes arrivent tardivement à la maternité car elles voient le médecin généraliste longtemps ».
Marie Laure Beijas rappelle de son côté que la place des pères a évolué. « Ils sont dans les maternités, ils y passent des nuits. Ce sont les « pères chaussons ». Ils sont de plus en plus présents et bien accueillis ». Pour Anne Laure Sutter-Dallay « les sorties précoces sont contre indiquées si les patientes sont vulnérables ». « On a des recommandations de la Haute Autorité de Santé qui définissent des contre indications pour les sorties précoces. Si on un staff qui le discute, on peut garder les gens et faire des liaisons. Ce qui change nos pratiques c’est l’apparition de l’onglet « staff medico psycho social » dans le dossier de la maman ». Oui, mais pour Marianne Fontange, « on ne peut arriver sur le staff que si on a une sensibilisation des professionnels et une formation ». « Il y a des enjeux financiers. La formation ça coûte cher. Occupez vous aussi des soignants. Nous n’en pouvons plus ». Le message est passé.

Retrouvez l’intégralité de notre compte-rendu, découpé en quarte articles (dont celui-ci, en gras ci-dessous):
Première partie du colloque: focus sur la santé mentale périnatale
Deuxième partie du colloque: la construction des liens
Troisième partie du colloque: la théorie de l’attachement depuis la fenêtre de la protection de l’enfance
Quatrième partie du colloque: Des interventions de prévention et de protection construites autour de l’attachement