Parce que les conflits parentaux nuiraient de plus en plus aux enfants, Enfance et Partage mise sur la prévention avec la diffusion d’un guide destiné aux familles, dédié à la coparentalité.

Les deux numéros verts fondés et gérés par l’association Enfance et Partage, l’un dédié à la maltraitance (Stop maltraitance 0 800 05 12 34), l’autre au soutien parental (Allo Parents Bébé 0 800 00 34 56), constituent « une fenêtre sur les difficultés rencontrées dans la société », selon Sophie Décis, responsable juridique. Et ce qui semble remonter ces dernières années, à travers ces deux plate-formes, ce sont des situations d’enfants « malmenés » parce que pris en otages dans des conflits parentaux au moment de la séparation. C’est pourquoi l’association vient de publier un « Guide pratique pour une coparentalité réussie », co-rédigé par Sophie Décis et Emilie Legrand, psychologue de l’association.

Quelle explication à l’augmentation des conflits parentaux ?

« Nous recevons de plus en plus d’appels de parents séparés, avec des enfants pris dans un conflit, confirme la Présidente Marie-Pierre Colombel. Et nous voyons de plus en plus de placements judiciaires demandés par les juges dans des cas de séparations ». Elle estime que précédemment « la séparation des couples se faisait de manière confidentielle, discrète ». « Aujourd’hui les parents mettent devant le juge leurs difficultés, leurs conflits. Ca fragilise l’enfant. Les parents se séparent de manière précoce. Ils se mettent en couple plus tardivement, ont plus d’exigences, les unions sont plus fragiles. Ce sont des hypothèses, nous n’avons pas vraiment d’explication.»
Peut-être s’agit-il aussi du revers de la médaille d’un investissement paternel sollicité depuis plusieurs années. Les pères ont entendu le message, ils ont accepté puis revendiqué d’être présents à l’accouchement et dans l’éducation des jeunes enfants. Il y a 20 ans ils se contentaient d’un week-end sur deux et de la moitié des vacances scolaires. Plus maintenant, en tous cas dans les exemples évoqués par Enfance et Partage.

Coparentalité conflictuelle ou monoparentalité subie : les maux des familles d’aujourd’hui

Il nous semble d’ailleurs assez intéressant de constater que ce sont deux types de situations très opposées qui semblent susciter l’intérêt et l’inquiétude des professionnels et des pouvoirs publics. D’un côté un enfant perçu comme en danger parce que pris en otage entre deux parents qui n’entendent pas disparaître de sa vie, de l’autre un enfant perçu comme fragilisé parce qu’élevé par une mère seule potentiellement très isolée et en difficultés financières. La CNAF, qui soutient la diffusion du guide initié par Enfance et Partage, est bien placée pour connaître ces deux problématiques opposées puisqu’elle favorise l’exercice de la co-parentalité tout en développant des mesures destinées à améliorer le quotidien des familles monoparentales.
Nous formulons l’hypothèse que le facteur social entre en ligne de compte dans la probabilité d’être confronté à l’une ou l’autre des situations, coparentalité conflictuelle ou monoparentalité subie. Il existe plusieurs études (nous en avons parlé dans un précédent article) qui montrent en effet une sur-représentation de la monoparentalité dans les familles des milieux populaires par rapport aux plus aisées. Le niveau de diplôme, la situation professionnelle du père et son revenu jouent de concert sur la probabilité pour un enfant de ne pas voir son père (INED, 2012).

En tous cas, quand les pères sont présents, et que la séparation se profile, il semblerait que les parents aient de plus en plus de difficultés à se mettre d’accord, « dans l’intérêt de l’enfant. » Le guide proposé gratuitement (disponible en ligne) par Enfance et Partage se veut donc une sorte de vademecum d’une quarantaine de pages, organisé autour de trois axes : juridique (conséquence de la séparation sur l’autorité parentale), psychologique (vécu de la séparation et besoin de l’enfant), pratique (autour de la construction d’une coparentalité). Il insiste beaucoup sur l’autorité parentale puisque c’est l’une des questions les plus récurrentes chez les parents qui appellent, et précise fort à propos la distinction entre actes usuels et non usuels. Le fascicule incite également à avoir recours à la médiation familiale, outil précieux mais encore sous-utilisé.

Et pour proposer encore davantage de soutien aux parents en difficulté au moment de la séparation ou après, Enfance et Partage propose que son numéro vert Stop maltraitance (0 800 05 12 34) s’intitule également « Stop conflit ».