Adrien Taquet installe officiellement ce jeudi la commission d’experts chargée de travailler sur l’accompagnement des parents au cours des 1000 premiers jours de l’enfant. Il s’agit de l’un des trois axes du « Pacte pour l’enfance » annoncé en juin dernier (les deux autres sont relatifs à la lutte contre les violences faites aux enfants et à la réforme de l’aide sociale à l’enfance).

Le projet annoncé en juin dernier prend forme. La commission sur les 1000 premiers jours sera présidée par Boris Cyrulnik et composée d’une quinzaine de spécialistes parmi lesquels la psychanalyste Sophie Marinopoulos, le pédopsychiatre Romain Dugravier, la thérapeute Isabelle Filliozat ou encore la gynécologue obstétricienne Alexandra Benachi. Elle devra formuler des propositions afin d’accompagner au mieux les parents pendant les premières années de l’enfant, dans une perspective de prévention précoce (notamment des inégalités de destin) .

Une approche devenu incontournable

Le concept des mille jours, porté par des instances internationales comme l’Unicef et l’OMS, est une émanation du modèle DOHaD (« Developmental Origins of Health and Disease ») qui inscrit l’origine des troubles de santé, notamment des maladies chroniques, dans les tout début de la vie et considère que l’environnement du bébé, de la fécondation à la fin de sa deuxième année, impacte durablement son développement ultérieur. Le professeur Laurent Storme, pédiatre néonatologue du CHU de Lille, vice-président de la société francophone de DOHaD a initié le projet Fédératif Hospitalo-Universitaire « 1000 jours pour la santé ». Lors d’une journée d’échanges organisée en décembre 2017 avec l’association le Grand Forum des tout petits, il expliquait : « Du début de la fécondation jusqu’aux deux ans de l’enfant, il y a une fenêtre d’opportunité pour améliorer sa santé future, assure-t-il. Il s’agit d’un nouveau paradigme en santé. Plutôt que de s’acharner à prendre en charge un patient en mauvaise santé, ce qu’il faut bien sûr continuer à faire, travaillons à préserver la santé de la mère et de l’enfant. »

La commission installée ce jeudi par Adrien Taquet devra donc réfléchir à une offre de services (ou à une meilleure communication et mise en avant des services déjà existants) permettant un accompagnement des parents du quatrième mois de la grossesse aux deux ans de l’enfant. Boris Cyrulnik a déjà évoqué dans un entretien sur France Inter le possible allongement du congé parental. Des réflexions seront peut-être également menées sur l’entretien prénatal précoce, conçu comme un outil de prévention, notamment de la dépression maternelle, mais qui ne semble pas pleinement jouer son rôle aujourd’hui (il est censé être systématiquement proposé mais moins de la moitié des femmes enceintes y accèdent). D’autres sujets sont d’ores et déjà évoqués: nutrition, perturbateurs endocriniens, modes d’accueil, place du père…

Se mettre d’accord sur une même vision du développement et du soutien

Cette commission devra également mettre en avant de « bonnes pratiques » et proposer un référentiel pur le développement de l’enfant. Le défi est de taille dans la mesure où ces deux questions (les bonnes pratiques et le développement de l’enfant) ne font pas forcément l’objet d’un consensus. Les spécialistes réunis appartiennent à des écoles de pensée différentes, voire opposées (l’approche psychanalytique du développement de l’enfant s’accommode mal des principes de la parentalité positive et vice-versa).

Dans la mesure où le gouvernement a placé la stratégie pauvreté dans une perspective de prévention précoce et que le concept des 1000 jours repose notamment sur l’interaction de la génétique et de l’environnement, la commission aura certainement à se saisir de cette problématique et à s’interroger sur les facteurs de risque, sur la vulnérabilité et sur l’accompagnement idoine à proposer aux familles identifiées comme plus fragiles. Le sujet est sensible voire épineux et là encore il n’est pas certain que tous les experts réunis en aient la même perception.