Le Programme international de l’OCDE pour le suivi des acquis des élèves (PISA) initié en 2000 vient de publier les résultats de 2018. L’enquête PISA évalue le niveau de compétence des élèves en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences. La France reste l’un des pays où le statut socio-économique d’un élève a le plus d’impact sur sa destinée scolaire. Voici quelques extraits de la synthèse proposée pour la France.

Nous nous classons entre la 20e et la 26e place en compréhension de l’écrit, et entre la 15e et le 20e rang parmi les pays de l’OCDE, avec une performance moyenne comparable à celle de la Belgique, de la République tchèque, de l’Allemagne, du Portugal et de la Slovénie. 9,2 % des élèves sont très performants en compréhension de l’écrit, ce qui signifie qu’ils ont atteint le niveau 5 ou 6 au test PISA (moyenne OCDE : 8,7 %).

La France se classe entre la 15e et la 24e place en mathématiques parmi les pays de l’OCDE, avec une performance moyenne comparable à celle de l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, l’Irlande, l’Islande, la Lettonie, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Portugal, le Royaume-Uni et la République tchèque. Environ un élève sur neuf (11%) est très performant en mathématiques (au moins niveau 5 au test de mathématiques), un niveau très semblable à la moyenne OCDE (10,9%).

La France se classe entre la 16e et la 23e place pour les performances scientifiques parmi les pays de l’OCDE, avec une performance moyenne comparable entre autres à celle de l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Irlande, la Norvège, la Suède, la Suisse et la République tchèque.
Environ 6.6 % des élèves sont très performants en sciences, ce qui signifie qu’ils ont atteint le niveau 5 ou 6 (moyenne OCDE 6,8%).

Stabilisation des résultats

La performance moyenne en compréhension de l’écrit en France n’a pas évolué de manière sensible depuis la première édition du test PISA en 2000. De même, les performances moyennes en sciences n’ont pas connu d’évolution notable entre 2006 (la première fois que la science a été évaluée dans le domaine principal) et 2018. Les résultats moyens en mathématiques ont diminué entre 2003 et 2018, mais la plus grande partie de cette baisse a été observée entre 2003 et 2006, les résultats étant pratiquement identiques sur toutes les évaluations entre 2006 et 2018.
En compréhension de l’écrit, la stabilité apparente de la performance sur la période 2000-2018 masque des évolutions divergentes selon les élèves. Alors que le niveau des meilleurs élèves a eu tendance à augmenter sur la période, celles des élèves les plus faibles a au contraire baissé. Cependant, l’essentiel de ces évolutions se sont produites de 2000 à 2009. Ce creusement des écarts ne s’observe ni en mathématiques (où la baisse de performance sur la période s’observe à la fois pour les meilleurs élèves et les plus faibles) ni en sciences.

Un déterminisme social toujours marqué

Comme déjà observé lors des éditions précédentes du PISA, la France est l’un des pays de l’OCDE où le lien entre le statut socio-économique et la performance dans PISA est le plus fort.
Les élèves issus de milieu socio-économique favorisé (situés dans le quartile supérieur de l’indice PISA de statut économique, social et culturel), ont obtenu des résultats supérieurs de 107 points à ceux des élèves défavorisés (situés dans le quartile inférieur de l’indice PISA de statut économique, social et culturel) en compréhension de l’écrit. Il s’agit de l’un des plus importants écarts liés au milieu socio-économiques parmi les pays de l’OCDE (écart moyen: 89 points). Des écarts nettement plus importants ne sont observés qu’en Israël et au Luxembourg (122 points).
Environ 20 % des élèves favorisés, mais seulement 2 % des élèves défavorisés, sont parmi les élèves très performants en compréhension de l’écrit en France (au niveau 5 ou 6) pour des proportions respectives de 17 % et 3 % en moyenne dans les pays de l’OCDE.

Les performances en mathématiques et en sciences sont également fortement corrélées avec le statut socio-économique en France. Cette variable prédit 21% de la variation des performances des élèves en mathématiques en France dans le PISA 2018 (à comparer à 14 % en moyenne dans les pays de l’OCDE), et 20 % de la variation en sciences (à comparer à 13 % en moyenne dans les pays de l’OCDE).
De nombreux élèves, et en particulier les élèves issus d’un milieu défavorisé, ont des ambitions moins élevées que ce à quoi on pourrait s’attendre compte tenu de leurs résultats scolaires. En France, parmi les élèves ayant de bons résultats dans PISA, un sur cinq ne prévoit pas de faire des études supérieures quand il vient d’un milieu défavorisé alors que cette proportion est très faible quand il vient d’un milieu favorisé.

Environ 10 % des élèves défavorisés en France sont « résilients », c’est-à-dire qu’ils ont réussi à se classer parmi le quart d’élèves ayant obtenu les meilleurs résultats en compréhension de l’écrit dans leur pays. En moyenne dans les pays de l’OCDE, 11 % des élèves défavorisés ont obtenu les meilleurs résultats en compréhension de l’écrit dans leur pays.

Devenir scolaire des élèves issus de l’immigration

En France, environ 14 % des élèves en 2018 étaient issus de l’immigration, contre 13 % en 2009. La France est l’un des pays où l’on trouve une forte proportion d’élèves immigrés issus d’un milieu socioéconomique défavorisé. Près d’un élève immigré sur deux en France est issu d’un milieu défavorisé (contre trois sur huit en moyenne dans les pays de l’OCDE).
L’écart moyen en compréhension de l’écrit dans le PISA 2018 entre les élèves issus de l’immigration et élèves non-immigrés en France est de 52 points en faveur des élèves autochtones (différence moyenne OCDE : 41 points). L’écart se réduit à 13 points après prise en compte du profil socioéconomique des élèves et des établissements scolaires (différence moyenne OCDE : 24 points).

La différence est plus marquée chez les élèves immigrés de première génération qui ont obtenu 77 points de moins que les élèves autochtones (différence moyenne OCDE : 54 points). Les élèves immigrés de deuxième génération ont obtenu 49 points de moins que les élèves non-immigrés (différence moyenne de l’OCDE : 29 points). Environ 13 % des élèves immigrés ont obtenu un score en compréhension de l’écrit dans PISA qui les classe parmi le premier quart des performances obtenues par les élèves en France (moyenne OCDE : 17 %). Sur le sujet on peut consulter le livre de Boussad Boucenna consacré aux trajectoires de réussite d’élèves issus de l’immigration algérienne.

Plusieurs travaux récents ont apporté des éclairages intéressants sur cette question. Un rapport du CNESCO publié en 2017, expose qu’il existe une forte corrélation entre l’absentéisme et le décrochage. Or, précise ce document, en France, outre la faible performance scolaire, le statut migratoire est l’un des facteur qui influe le plus sur l’absentéisme des élèves.
Le sociologue Mathieu Ichou a publié en décembre 2018 un livre très instructif « les enfants d’immigrés à l’école » dans lequel il analyse le statut des parents dans leur pays d’origine avant la migration et dans lequel il compare les familles les élèves d’origine turque et d’Asie du sud-est. Parce que les premiers présentent des performances scolaires très en-deça de la moyenne nationale alors que les seconds se positionnent au contraire au-dessus. Pour le chercheur, si les enfants issus de l’immigration échouent davantage à l’école c’est avant tout parce qu’ils appartiennent à des familles de faible niveau socio-économique, et en cela ils ne se démarquent pas des enfants de natifs. Mathieu Ichou rappelle au passage une donnée intéressante de la recherche : en Angleterre les enfants d’immigrés ont plutôt de meilleurs résultats à l’école par rapport au groupe majoritaire. Notamment parce que leurs parents connaissaient dans leur pays d’origine un statut plus privilégié que celui vécu par les familles émigrant en France. En d’autres termes, les enfants issus de l’immigration réussissent mieux à l’école en Angleterre parce que le profil des migrants n’est pas le même. Mathieu Ichou relève que « les mères originaires du Sahel et de Turquie sont celles qui combinent les proportions les plus importantes de sans diplôme (84 % et 81 %) avec les proportions de diplômées du supérieur les plus basses (2 % dans les deux cas) », alors que « les mères originaires d’un pays du Golfe de Guinée ou d’Asie du Sud-Est sont parmi les plus éduquées et les plus rarement sans qualification. » Ce qui peut donc expliquer les parcours scolaires différents entre les enfants turcs et les enfants d’Afrique sub-saharienne d’une part et les enfants d’Asie du sud-est d’autre part.

Faible mixité de niveau académique dans les lycées

En France, au niveau des lycées, la concentration des élèves les plus performants dans certains établissements est similaire à la moyenne de l’OCDE. En revanche, en comparaison avec les autres pays OCDE, en France les élèves les plus faibles sont plus souvent regroupés dans les mêmes établissements. Cela peut s’expliquer en partie par la coexistence de plusieurs types de lycées. Ainsi, les élèves des lycées professionnels ont obtenu en France des résultats inférieurs de 100 points en compréhension de l’écrit à ceux obtenus par les élèves des lycées généraux et technologiques (différence moyenne OCDE : 68 points).
En France, un élève défavorisé n’a qu’une chance sur six de fréquenter le même lycée qu’un élève très performant. Cette proportion est similaire à celle observée parmi les pays de l’OCDE.
Cette faible mixité académique (et sociale) en lycée est encore plus flagrante en collège et en élémentaire. D’autres rapports du CNESCO ont pointé des formes de ségrégation scolaires induites ou renforcées notamment par le système des REP (anciennes ZEP). L’éducation prioritaire, conçue pour lutter contre les inégalités scolaires s’est révélée totalement contre-productive. Nous avons relaté dans un précédent article une conférence de presse du CNESCO sur le sujet qui pointait que les raisons de cet échec cuisant des ZEP devenues REP sont de plusieurs ordres. L’éducation prioritaire ne constitue pas un programme basé sur des preuves. « On n’a aucune preuve que ça marche, on a plutôt des preuves que ça ne marche pas mais on continue », déplorait le sociologue Georges Felouzis lors de cet événement. Les moyens supplémentaires alloués restent limités. Deux élèves en moins par classe, ça n’est pas suffisant pour faire la différence. Ces dispositifs sont flous dans leurs objectifs, peu centrés sur les apprentissages. Autre effet pervers : maintenir un système d’éducation prioritaire revient à entériner de fait la ségrégation scolaire. Le suivi individualisé proposé dans le cadre de ces dispositifs a lieu à la marge, à la périphérie de la classe et ne transforme pas les pratiques pédagogiques des enseignants ni les apprentissages des élèves. Depuis a été mis en place le dédoublement des classes de CP et CE1 qui semble montrer de premiers effets positifs.

Autre donnée relevée dans cette synthèse PISA 2018 : dans un établissement socialement favorisé, situé dans une grande ville ou privé, un parent d’élève sur deux a discuté des progrès de leur enfant avec un professeur de leur propre initiative, alors que cette proportion n’est que d’un sur trois dans les établissements défavorisés, ruraux ou publics

Différences de genre

Dans tous les pays et économies qui ont participé au PISA 2018, les filles obtiennent des résultats nettement supérieurs à ceux des garçons en compréhension de l’écrit – de 30 points en moyenne dans les pays de l’OCDE. En France, l’écart entre les filles et les garçons en compréhension de l’écrit est légèrement plus faible : 25 points.

En France, les garçons ont obtenu de meilleurs résultats en mathématiques que les filles de 6 points, ce qui est proche de l’écart de performance en mathématiques entre filles et garçons en moyenne dans les pays de l’OCDE (5 points). En 2009, l’écart entre filles et garçons en mathématiques était supérieur à 10 points en France.
Les attentes professionnelles des élèves de 15 ans telles que déclarées dans PISA reflètent de forts stéréotypes de genres. Parmi les élèves les plus performants en mathématiques ou en sciences, un garçon sur trois en France souhaite travailler comme ingénieur ou comme scientifique à l’âge de 30 ans, alors que seulement une fille sur six se projette dans ce type de professions.

Peu de soutien ressenti

La France est l’un des pays où les élèves ressentent le moins de soutien de la part de leurs enseignants pour progresser dans les apprentissages. Ainsi, moins d’un élève sur quatre en France (un sur trois, en moyenne dans les pays de l’OCDE) déclare que son professeur lui indique ses points forts. De même, moins de deux élèves sur cinq en France, alors que près d’un élève sur deux en moyenne dans les pays de l’OCDE, déclarent que leur professeur leur indique souvent ou toujours comment améliorer leurs résultats. En France, seuls 57 % des élèves déclarent que leurs enseignants semblent s’intéresser en général aux progrès de chaque élève (moyenne OCDE : 70 % des élèves). Plus d’un élève en France sur trois déclare dans PISA penser que son professeur n’apporte jamais ou seulement parfois de l’aide supplémentaire en cours lorsque les élèves en ont besoin (moyenne OCDE: un sur quatre)

Importants problèmes de discipline

Dans la même veine, moins de deux élèves sur cinq en France, alors que près d’un élève sur deux en moyenne dans les pays de l’OCDE, déclarent qu’ils pensent que leur professeur leur indique souvent ou toujours comment améliorer leurs résultats.
En France, les élèves sont plus souvent préoccupés que dans la plupart des autres pays de l’OCDE par les problèmes de disciplines qui perturbent l’enseignement. Ainsi, un élève sur deux a déclaré dans PISA qu’il y avait du bruit et du chahut dans la plupart ou la totalité des cours – à comparer avec un élève sur trois en moyenne dans les pays de l’OCDE. Il n’y a qu’en Argentine et au Brésil où l’indice du climat de discipline est inférieur à la moyenne observée en France. Un élève sur deux déclare qu’il y avait du bruit et du désordre dans la plupart ou dans tous les cours (un sur trois, en moyenne dans les pays de l’OCDE). De même, plus de deux élèves sur cinq déclarent en France que le temps d’apprentissage est réduit en raison du bruit, car les élèves mettent longtemps à commencer à travailler après le début du cours (seulement un sur quatre en moyenne dans les pays de l’OCDE).